Annonce

Réduire
Aucune annonce.

L'entrevue de l'ambassadeur des Etats-Unis en Algérie par le Quotidien d'Oran

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • L'entrevue de l'ambassadeur des Etats-Unis en Algérie par le Quotidien d'Oran

    Algérie-USA: les grandes explications et les petits détails

    L’ambassadeur US en Algérie, Robert S. Ford, est un diplomate qui a connu la parenthèse d’un séjour au Maroc, l’expérience de l’Irak de l’après-Saddam, qui a l’habitude des pays du Golfe et qui a «signé» l’initiative Eizenstat, le «plan Marshall» pour le Maghreb.

    Il livre ici sa vision sur l’Algérie vue par les Etats-Unis, l’Afrique du Nord, «l’antiterrorisme» international et le futur de la présence US dans le continent. Quelques révélations et beaucoup de diplomatie entre le chapelet que l’ambassadeur a toujours à la main et les mots en français ou en arabe qui «sont toujours un défi».

    Le Quotidien d’Oran : Monsieur l’ambassadeur, si l’on part de votre expérience sur l’organisation d’élections en Irak et la mise en forme de sa nouvelle constitution, quelle est votre appréciation sur les dernières législatives algériennes, sur le débat de la révision de la constitution et sur le processus politique algérien dans son ensemble ?

    Robert S. Ford : Du point du vue technique, ce que j’ai vu moi-même lors d’une tournée à Bab-El-Oued, à Alger, l’administration algérienne était tout à fait prête à faire le nécessaire mais j’ai aussi remarqué que dans quelques bureaux de vote, il n’y avait pas la présence de tous les observateurs des partis en concurrence, même si l’administration avait prévu leur présence. Il y a certes des questionnements chez les partis politiques algériens sur la crédibilité du scrutin. Ceci dit, moi je ne suis pas expert en la matière et mon constat se résume à ce que j’ai vu uniquement. En conclusion, ce n’est pas aux étrangers de dire si ces élections étaient crédibles ou non. C’est aux Algériens de se prononcer sur cette question. Et je pense qu’on va savoir, tôt ou tard, si les Algériens pensent que ces consultations ont été crédibles ou pas, selon les taux de participation à l’occasion des élections à venir.

    C’est-à-dire: est-ce que le système politique devient de plus en plus crédible aux yeux des Algériens ou est-ce que ce sera le contraire ? Je pense que c’est là la question clé de mon point de vue.

    Maintenant, et à propos de la question de la révision de la constitution algérienne, et pour être franc, il me faut dire que nous n’avons pas de position définie sur ce dossier. Il s’agit d’une « question » interne à l’Algérie et de son peuple et les deux sont souverains. Ce que nous les Américains espérons, c’est seulement qu’il se dégage un consensus pendant ce processus et pendant le débat sur la révision de la constitution algérienne et que la question soit résolue sans aucun appel à la violence ou à un rejet violent. C’est-à-dire que la révision de la constitution soit menée par des moyens totalement politiques.

    Q.O. : L’opinion publique algérienne comme les autorités ont suivi avec attention les réactions internationales provoquées par les attentats du 11 avril dernier à Alger et notamment la polémique provoquée par le bulletin d’alerte émis par les services de votre ambassade, à une époque où vous étiez en déplacement. Qu’est-ce qui s’est passé réellement ?

    R.S.F.: J’ai quelques remarques à faire à propos de cette question. En premier, notre but n’était absolument pas de semer la panique et de provoquer la peur chez les Algériens. Absolument pas. Deuxièmement, nous comprenons parfaitement que les autorités algériennes se sentent les responsables de la sécurité des Algériens et du territoire algérien dans son ensemble et nous respectons cela. Ce n’était pas notre intention de « toucher » ou de déstabiliser la sécurité du pays qui accueille notre ambassade. Reste, bien sûr, la question de la raison de l’émission de ce bulletin. Il faut savoir que nous avons, de notre côté, du côté du gouvernement américain, une exigence que nous impose la loi pour avertir les citoyens américains en cas de menace spécifique. Je peux vous expliquer, si cela vous intéresse, toutes les procédures et les raisons qui motivent cette loi. Pour l’essentiel, il faut savoir surtout que c’est une obligation pour nous d’avertir nos citoyens en cas de menace et que donc l’intention, et je le répète, n’était ni de provoquer la panique parmi les populations, ni d’empêcher les efforts du gouvernement algérien dans sa lutte contre le terrorisme et pour maintenir la sécurité dans la capitale et dans les espaces publics du pays, une lutte que nous soutenons.

    Q.O.: Justement Excellence, et à propos de cette collaboration sécuritaire, on entend souvent parler de lutte antiterroriste commune, d’aides, de soutiens des Etats-Unis à l’Algérie. Il s’agit de quoi concrètement, Monsieur l’ambassadeur, d’autant plus que les définitions du « terrorisme » sont un peu différentes entre les Etats-Unis et le reste du monde arabe et donc l’Algérie ?

    R.S.F.: La collaboration contre le phénomène du terrorisme existe dans plusieurs domaines. D’abord au niveau militaire et là je peux vous citer quelques exemples. Nous avons ainsi organisé dernièrement des exercices conjoints de manoeuvres navales et marins sur des stratégies de lutte contre les infiltrations et pour la surveillance côtière. Nous avons par ailleurs invité des responsables et des officiers de l’APN aux Etats-Unis pour des cycles de formation. Nous avons aussi organisé des réunions dans des pays tiers, comme à Dakar ou à Malte, pour que les responsables militaires et ceux de la sécurité puissent se rencontrer et se connaître pour mieux coordonner leur collaboration en cas d’alerte ou en cas de menace. Dans le domaine précis de la formation, nos services du FBI ont formé du personnel de la Gendarmerie nationale algérienne, soit aux Etats-Unis soit avec des programmes mixtes, avec d’autres pays africains, et qui viennent tout juste d’être achevés. Cette collaboration est donc diversifiée et a lieu à plusieurs niveaux. Ceci dit, il est vrai, nous n’avons pas encore fourni beaucoup d’équipements à l’Algérie. C’est un volet qui a été discuté en novembre dernier à l’occasion de la visite d’un responsable américain du Bureau du ministre de la Défense US. Le dossier est encore ouvert et je ne sais pas s’il va aboutir ou non. Cela dépend des décisions algériennes mais nous sommes, de notre côté, disponibles, sauf que les autorités algériennes auront à « travailler » dans un contexte légal américain, le même cadre de lois qui vaut pour d’autres pays comme l’Espagne, la Grande-Bretagne, la France, Israël, Bahreïn... Donc tout est suspendu à la manière dont les Algériens vont accepter ces conditions légales américaines...

    Q.O.: Justement, cela nous entraîne à évoquer le dossier de l’initiative Pan-Sahel et la polémique sur l’installation du commandement US en Afrique ou en Afrique du Nord. Chose qui a provoqué quelques mises au point algériennes récemment.

    R.S.F.: Pour être très clair, nous n’avons jamais, et je répète, nous n’avons jamais demandé à installer une base militaire en Algérie. En second, nous n’avons jamais demandé à un autre pays en Afrique d’accepter une base militaire pour ce siège. Les raisons ? Le Congrès américain n’a pas encore déterminé les tranches de financement pour déplacer le siège de commandement de nos forces de l’Allemagne vers d’autres pays. Ceci dit, il faut savoir que notre but, avec ce nouveau commandement, c’est de mieux nous organiser pour faire face au problème de l’extrémisme en Afrique. Soit dans la région du Sahel, soit dans la région de l’Afrique de l’Est - regardez ce qui se passe par exemple en Somalie, notre propre expérience amère à Nairobi et Dar Es-Salem -, soit dans celle de l’Afrique centrale et dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Ce qu’il y a de neuf avec l’idée de ce nouveau commandement, c’est que l’on va associer dans un même mouvement les efforts d’aides économiques à ceux de la collaboration sécuritaire et en même temps. On n’en est justement plus à faire face à la menace classique, comme à l’époque de l’ex-URSS, avec les mêmes déploiements et les mêmes arguments de nombre de chars ou de blindés alignés face à face par exemple. Aujourd’hui, nous avons besoin de mettre en place des moyens « économiques » pour donner aux Africains de l’espoir et aider leurs gouvernements et leurs politiques économiques dans le vaste contexte de la globalisation.

    Par exemple, nous aurons, dans une semaine, la visite d’une haute délégation à Alger pour discuter les stratégies américaines à propos de ce nouveau commandement. Et là, j’ai remarqué que parmi les membres de cette délégation de militaires et de civils, la présence du chef de notre direction d’assistance économique pour l’Afrique. Une présence qui indique encore une fois que nous ne pensons pas seulement aux moyens sécuritaires mais aussi aux moyens économiques pour faire face à la menace du terrorisme et de l’extrémisme en Afrique...

  • #2
    Q.O.: Vous expliquez avec insistance que votre gouvernement n’a jamais demandé l’installation d’une base militaire, ni en Algérie ni ailleurs. Mais parallèlement, vous affirmez que le dossier n’attend plus que l’accord financier du Congrès américain et que cette base va être installée un jour ou l’autre, en Algérie ou ailleurs.

    R.S.F.: Nous sommes en train de discuter avec nos amis en Afrique autour de plusieurs questions. Quels seraient leurs rôles ? Quels sont les perspectives de cette collaboration ? Quel serait notre rôle et avec quel succès ? Ce sont là des questions qui seront discutées lors de la visite en Algérie et dans d’autres pays en Afrique du Nord, en Egypte en Afrique de l’Est, de la délégation dont j’ai parlé plus haut. Nous avons par ailleurs déjà envoyé une autre délégation, il y a à peu près trois mois, dans d’autres pays africains et pour les mêmes discussions. Cela veut dire que nous sommes toujours dans une phase de consultations. Est-ce que finalement nous allons quitter l’Allemagne et installer le siège de notre commandement en Afrique ? je ne peux pas répondre. A mon sens, et toujours selon moi, la décision n’a pas encore été prise et les consultations sont toujours en cours. Ce qui est par contre déjà évident, c’est que pour les Américains, on ne peut pas avoir un rôle en Afrique, seuls. On doit travailler avec des pays amis et on doit les aider à jouer leurs rôles en Afrique.

    Cette initiative Pan-Sahel, c’est surtout, surtout pour aider les pays de la région à mieux se défendre contre le problème du terrorisme.

    Q.O.: Vous avez parlé de formation « sécuritaire » pour faire face au terrorisme. Cela suppose une définition précise de ce phénomène. Qu’est-ce que donc le terrorisme pour vous, sachant que le mot a d’autres sens dans d’autres géographies et pour d’autres nations ?

    S.F.R.: Pour nous, pour les Américains, les groupes qui utilisent la violence comme moyen pour atteindre des buts politiques, sans considération pour les vies innocentes qui peuvent en être victimes, pour nous ces gens-là sont des terroristes. Et je dis bien pour atteindre des buts politiques. Par ailleurs, pour nous, il est tout à fait normal qu’un groupe minoritaire, dans un pays ou un autre, soit aux Etats-Unis, soit ailleurs, ait des buts politiques et c’est normal. Mais « sortir » d’une voie politique normale qui a recours à des moyens politiques - pressions, lobbying, presse indépendante, etc. - et utilise la violence, les voitures piégées, les massacres, des détournements d’avions, c’est justement cela pour nous le terrorisme. Ce n’est pas un phénomène qui touche une seule région, un seul pays, un seul continent. Le problème du terrorisme se pose en Amérique du Sud et au Etats-Unis depuis le 11 septembre et même avant avec l’attentat d’Oklahoma City, un cas de terrorisme domestique puisque ses auteurs étaient des Américains qui étaient contre le gouvernement. Même chose en Europe, en Asie, dans la région du Moyen-Orient et un peu partout. C’est un combat pour tous les Etats de la planète. Il y a plusieurs moyens de le faire: des moyens sécuritaires et des moyens pour faire face à l’extrémisme qui nourrit le terrorisme. Des moyens comme l’éducation et les opportunités économiques et sociales, etc.


    Q.O.: Excellence, vous étiez en Irak et vous n’ignorez pas la mentalité de la population irakienne, comme vous n’ignorez pas la définition que donne le monde arabe, notamment ses populations, au mot « terrorisme » qui diffère de la vôtre. Vous parlez de faire de la politique sans recourir à la violence, alors que l’opinion publique arabe considère que les Américains ont fait acte de terrorisme en intervenant en Irak. Une forme de terrorisme d’Etat.

    R.S.F.: Soyons clairs là-dessus. Nous sommes entrés en Irak avec l’aval des Nations unies et avec une résolution du Conseil de sécurité en 2003 qui a autorisé l’utilisation de la force. C’est quelque chose de très différent avec les agissements d’un groupe qui choisit de faire exploser un bus à Tel-Aviv sans résolution du Conseil de sécurité pour autoriser ses actes. Il s’agit de deux situations totalement différentes et je pense qu’il n’y a pas de confusion à faire ici. Parce que les Etats ont le droit de se défendre et c’est normal. Il ne faut jamais oublier qu’on est passé par les Nations unies pour obtenir l’aval international pour l’utilisation de la force en Irak.


    Q.O.: D’accord excellence, mais je ne pense pas qu’il y a eu une résolution de l’ONU à ce propos...

    R.S.F.: Cette résolution existe et je peux vous la fournir.

    Q.O.: Vous avez été un moment au Maroc et vous êtes aujourd’hui en poste en Algérie. A votre avis, dans quel sens évolue le Maghreb et qu’est-ce qu’il y a de neuf dans le regard des Etats-Unis sur le dossier du Sahara Occidental ?

    R.S.F.: Pour parler du Maghreb d’abord, la région peut jouer le rôle d’un pont entre l’Occident et le monde arabo-islamique. Culturellement, le processus est déjà en cours. Reste que la région a la capacité d’être un vrai moteur de croissance économique dans le continent africain. De notre point de vue, ce qui empêche un peu cette évolution, c’est que les marchés locaux sont encore trop petits et les entreprises américaines disent qu’investir dans un marché de 33-35 millions de consommateurs est moins intéressant que d’investir dans un marché de 100-200 millions de consommateurs, comme c’est le cas en Asie par exemple. C’est pour cette raison, et parce que nous voulons que le Maghreb soit fort et stable, que nous avons souhaité l’intégration économique de cette région pour lui permettre d’attirer les investissements et les transferts de technologies étrangères. La décision revient, bien sûr, aux leaders du Maghreb, mais c’est aussi notre conseil. Un conseil qu’a tenté d’incarner en quelque sorte l’initiative de Eizenstat et sur laquelle j’ai travaillé quand j’étais aux Affaires étrangères après avoir quitté l’Algérie durant les années 90.

    Reste l’autre question: quoi de neuf avec le Sahara Occidental ? Il est clair que le dossier du Sahara empêche justement cette intégration maghrébine. C’est évident. Nous sommes très heureux que dans la dernière résolution de l’ONU, en avril de cette année, le Conseil de sécurité a demandé aux Marocains et aux Sahraouis de se réunir, de discuter et de négocier. Nous soutenons donc fortement cette approche. Nous pensons qu’il n’y a pas d’autre choix que de mettre les Marocains et le Polisario face à face, dans une même salle de réunion pour des négociations. Cela ne veut pas dire que c’est au Polisario d’accepter tout et tout de suite de ce que leur proposent les Marocains, et c’est la même chose du côté de ces derniers. Nous parlons de négociations et nous espérons que cette première réunion se tiendra bientôt et c’est à l’ONU de donner un cadre à ces négociations et d’organiser ces rendez-vous. Nous soutenons cependant, et je le répète, cette démarche-là. D’ailleurs, il faut rappeler que nous avons toujours soutenu le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et nous avons voté, cette fois-ci et encore une fois, pour une résolution qui fait acte du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Mais en même temps, nous ne pensons pas que ce conflit doive s’éterniser encore 100 ans. Les réfugiés dans les camps souffrent et il faut donc faire quelque chose et faire avancer le dossier. Rester les bras croisés ne sert ni le peuple sahraoui ni les pays du Maghreb arabe.

    Q.O.: Votre collègue ambassadeur a créé une petite polémique en déclarant que le seul représentant du peuple sahraoui était le Polisario, ce qui a provoqué de vives réactions de protestation chez les Marocains. Est-ce vous êtes d’accord avec lui ?

    Robert S. Ford: Ce n’est pas du tout aux Américains de dire qui sont les représentants du peuple sahraoui et qui ne le sont pas. C’est une question que doivent trancher les Sahraouis eux-mêmes. Quant à nous Américains, nous avons demandé aux Marocains et au Polisario de négocier et nous espérons vivement que le Polisario et les Marocains acceptent et nous espérons aussi que l’Algérie soutienne cette démarche.

    Q.O.: Qu’est-ce que vous pensez de la proposition marocaine ?

    R.S.F.: Premièrement, nous avons dit aux autorités marocaines que si elles n’acceptaient pas le plan Baker, il leur incombait de mettre quelque chose sur la table. Mais comme je viens de le dire, rester les bras croisés ne sert à rien. Finalement, les Marocains ont proposé leur propre plan que nous avons étudié et nous avons constaté qu’il y a dedans des choses intéressantes. Il s’agit de quelque chose de sérieux et d’un plan qui peut être crédible. L’autre question est: est-ce que le Polisario doit accepter ce plan dans sa totalité ?. Non. Je précise donc que nous n’avons jamais dit ceci. Pour nous, il faut simplement dire que les deux parties doivent discuter. Est-ce que cela va se terminer bientôt et vite ? Personnellement, j’en doute. Mais qu’ils commencent !

    Commentaire


    • #3
      Q.O.: Vous avez parlé d’un marché algérien de consommation qui reste encore peu attractif...

      R.S.F.: Non, j’ai surtout fait une comparaison entre le marché du Maghreb et celui d’autres régions comme l’Asie...

      Q.O.: Je voulais arriver à cette polémique qui a eu lieu entre des multinationales pétrolières, entre autres américaines, et l’Algérie après l’adoption des amendements sur la loi sur les hydrocarbures. Je voudrais savoir comment vos services ont « accompagné » cet échange de menaces de retrait et d’explications entre les deux parties ?

      R.S.F.: La polémique entre l’entreprise pétrolière américaine et les autorités algériennes est un litige commercial qui n’a rien à voir la politique. Le principe est de laisser les hommes du commerce se débrouiller et de laisser la question entre les chefs d’entreprises. Notre ambassade ne peut pas s’ingérer dans ce genre de différend et ce n’est pas notre rôle. Cependant, si le gouvernement algérien veut attirer plus d’investissements et plus de technologie dans le secteur des hydrocarbures et si le gouvernement veut intéresser plus d’entreprises étrangères, il est évident qu’on doit les convaincre que les projets ici sont plus rentables que dans d’autres pays. Parce qu’il ne faut oublier que les entreprises ont le monde entier pour choisir. La question pour ces entreprises et de choisir par exemple entre l’Algérie, la Guinée Equatoriale, le Mexique et l’Alaska. C’est une question de climat propice pour les affaires. De notre point de vue, la meilleure chose à faire ici, est d’avoir un bon dialogue entre les entreprises étrangères et les autorités algériennes pour que les deux parties puissent bien se comprendre. Parce que si vous allez investir de vos propres fonds privés dans un pays, vous devenez partenaire de ce pays et vous ne pouvez pas devenir partenaire si vous ne comprenez pas. Je souligne ici que le gouvernement algérien est tout à fait souverain et nous respectons cette souveraineté. Cependant, si le gouvernement algérien veut voter d’autres lois et mettre en place d’autres législations, il faut l’admettre comme une chose tout à fait naturelle, mais il lui faut aussi expliquer à ses partenaires ses démarches et ses programmes, etc. Ceci pour que les entreprises puissent comprendre où elles en sont aujourd’hui et quelle sera la situation dans un an.

      Q.O.: Une question à titre de curiosité: vous êtes en poste depuis pas très longtemps et je voudrais savoir quels sont les dossiers les plus urgents que vous a laissés sur le bureau votre prédécesseur Richard Erdman ?

      R.S.F.: Mon prédécesseur a fait un très bon travail et il n’y avait pas de dossiers extrêmement urgents parce que le gouvernement algérien et celui des Etats-Unis travaillent déjà très bien ensemble. Moi j’espère, et il me reste encore deux ans ici et le temps passe très vite, qu’il y aura plus de programmes de collaboration dans le domaine de l’Education. Je précise à l’occasion que nous avons des programmes de cours supplémentaires en langue anglaise destinés aux jeunes défavorisés dans quatre villes : Oran, Alger, Constantine et Béjaïa. Nous espérons, dans les prochains mois, élargir ce programme à quatre autres villes comme Bechar, Ouargla, Sétif et Annaba. J’espère aussi élargir les programmes de jumelage entre les lycées algériens et les lycées américains. J’ai visité la semaine dernière des lycées à Blida et à Alger et j’ai été franchement bouleversé par le niveau de l’anglais que les jeunes Algériens parlaient couramment, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans par exemple. Il y a donc du changement. J’espère aussi élargir la collaboration aux secteurs universitaires et créer des liens entre les institutions américaines et algériennes. Ce sont là mes priorités et ce sont là des créneaux qui peuvent apporter à l’Algérie quelque chose de spécial et qui vont finalement donner un coup de pouce à la croissance économique ici et à la stabilité. C’est cela notre intérêt commun.

      Il y a, bien sûr, d’autres dossiers économiques, politiques, sécuritaires, mais ces chantiers-là sont en bonne voie aujourd’hui, ce qui fait que ma priorité reste l’Education.

      Q.O.: En tant que représentant des Etats-Unis d’Amérique en Algérie, quelles sont les choses qui vous peinent dans notre pays et quelles sont les priorités de changement selon vous ?

      R.S.F.: Vous savez, ce n’est pas à nous de changer l’Algérie. L’Algérie est un pays souverain qui prend ses propres décisions. Mais ce que je peux vous dire, c’est que l’Algérie est un pays en transition au niveau politique, économique, éducatif, etc. et que nous sommes tout à fait disposés à soutenir les différents programmes de réformes en cours. Pour l’exemple, nous avions l’année dernière un programme avec le Parlement algérien et qui a duré jusqu’à cette année. Si le gouvernement veut notre aide technique dans la formation des députés, entre autres, nous sommes disposés à fournir cette assistance. Par ailleurs, l’Algérie a lancé une vaste réforme dans le secteur des finances; et là, de notre point de vue, il s’agit d’une très bonne initiative car tout le monde sait ici que le secteur financier a besoin de plus d’efficacité, et là aussi nous sommes prêts à assurer une assistance technique dans le secteur des crédits hypothécaires et aider dans la résolution de la crise de logement. Nous sommes aussi prêts à aider dans le secteur des crédits pour les PME, car chez nous aux Etats-Unis, les PME ont été le vrai moteur de la croissance et de l’emploi. Un secret de notre succès économique. Est-ce qu’on peut faire la même chose pour l’Algérie ? Je pense que oui. Nos experts techniques sont prêts pour aider. Je ne veux pas dire par là un « financement américain » pour les PME, car l’Algérie dispose d’assez de liquidités à la disposition de son système bancaire, mais elle a besoin d’une assistance technique. Il y a eu quelques problèmes avec quelques banques algériennes et les autorités algériennes ne veulent pas que cela se répète; et c’est pour cela que, là aussi, nous avons offert notre assistance dans le domaine des contrôles bancaires.

      Nous-mêmes nous avons subi des crises dans notre système financier dans les années 80 et c’est une expérience amère qui nous a imposé des changements dans les systèmes de contrôle. Et si cela peut aider les autorités algériennes, nous sommes tout à fait disposés. Mon assistant travaille dans un groupe de lutte contre le financement des groupes terroristes et les transferts de fonds illégaux. Et encore une fois, c’est notre expérience américaine que nous pouvons partager avec les autorités algériennes.

      Par ailleurs, et à un autre niveau, dans le domaine de l’Education, il s’agit aussi de programmes d’introduction de l’informatique dans les cycles primaires et secondaires, à Sétif, Ghardaïa, Alger, Blida. Des projets pilotes avec des experts américains et en collaboration avec le ministère pour réussir l’opération dans une vingtaine d’écoles pour le moment. Nous voudrons à la fin être là et assister le gouvernement algérien dans chaque programme de réformes, une volonté qui n’existait pas il y a 15 ans entre les Etats-Unis et l’Algérie. Mon prédécesseur, Mr Richard Erdman, a lancé beaucoup de chantiers et de programmes de collaboration. Maintenant la mission de l’ambassade américaine est de travailler sur cette base et de contribuer à ces efforts.

      Q.O.: Lors du dernier sommet arabe, il a été, entre autres, question de la reconnaissance d’Israël par l’ensemble des pays arabes. Qu’est-ce que vous en pensez ?

      R.S.F.: les Etats-Unis voudraient voir l’établissement d’un Etat palestinien. Les Etats-Unis voudraient aider à la naissance d’un Etat palestinien viable. Et je souligne le mot viable. Nous pensons qu’on ne peut pas y arriver autrement que par des négociations. Et nous ne pouvons pas entamer les négociations avant un arrêt des violences. Car chaque fois que des extrémistes palestiniens lancent des roquettes sur Israël et provoquent une réaction israélienne, cela empêche le retour au cadre des négociations, sachant que la table de négociation n’est pas le but mais seulement un moyen d’arriver à la solution définitive d’un Etat palestinien viable.

      Q.O.: On parle souvent de terrorisme et d’antiterrorisme. Mais derrière une partie de ce que vous qualifiez comme tel, il y a l’islamisme comme idéologie. Comment vous en voyez l’évolution et l’avenir dans le monde arabe et le monde musulman en général ?

      R.S.F.: J’ai 27 ans dans cette région et je suis tout à fait à l’aise dans l’univers musulman et j’ai beaucoup de respect pour cette religion. C’est un grand aspect, un superbe aspect de cette culture que j’adore. Ceci dit, les Américains soutiennent fortement le respect des droits de l’homme, l’égalité des hommes et des femmes, le respect des droits des enfants et toute une série de normes universelles comme elles sont définies dans la Charte universelle des droits de l’homme. D’une certaine façon, nous ne regardons pas l’Islam et cette charte comme opposés. Pas du tout. Mais nous ne soutenons pas des gens qui voudraient utiliser une religion, n’importe quelle religion, chrétienne, islamique, pour des buts extrémistes ou pour justifier la violence. Par ailleurs, de mon point de vue et à partir de ma propre expérience avec des amis en Algérie, au Maroc, au Bahreïn, en Egypte et en Irak, il s’agit pour moi d’une religion extrêmement tolérante. Ne dit-on pas « El-Ilm Nour » ? (le Savoir est une lumière) et n’est-ce pas votre prophète qui a dit « Cherchez le Savoir même en Chine » ?

      Commentaire


      • #4
        Q.O.: Vous avez été quelque temps en Irak. Vous en revenez avec quelles conclusions ?

        R.S.F.: En premier, il faut dire que la situation est toujours très difficile, ce qu’on regrette. Beaucoup d’innocents irakiens sont morts et je le regrette personnellement tout autant que mon gouvernement. Ensuite, nous espérons toujours que les Irakiens vont aboutir à dégager un accord politique qui va faire diminuer réellement le niveau de la violence. Nous voulons soutenir les efforts irakiens pour y arriver. On peut discuter les différents détails d’un tel accord.

        Ceci dit, nous n’avons pas l’intention de rester en Irak pour toujours. C’est une intention que nous n’avions jamais eue. Nous travaillons maintenant pour renforcer les capacités des nouvelles forces de sécurité irakiennes. Il y a des progrès mais ce sont des progrès lents. Il y a trois ans, lorsque je suis arrivé à l’ambassade américaine à Bagdad, il n’y avait pas d’opérations mixtes entre forces irakiennes et américaines. Aujourd’hui, les opérations de sécurisation sont soit des opérations totalement irakiennes, soit des opérations mixtes. Au fur et à mesure que les forces irakiennes n’auront pas besoin de notre assistance, se précisera la question de notre retrait de l’Irak. Cela dépend des capacités irakiennes...

        Q.O.: C’est quand même un maigre acquis après quatre ans d’occupation. Ceci dit, je parlais surtout de vos conclusions personnelles. Ce que vous avez dit plus haut semble être plutôt trop optimiste. Il rappelle la toute dernière explication du cas irakien mise en parallèle avec ce que les Américains ont réussi en Corée du Sud par exemple.

        R.S.F.: J’ai lu les articles sur l’expérience sud-coréenne et bien que j’adore le New York Times, je dois dire que c’est de la pure spéculation. Ma propre conclusion est que finalement la question irakienne est surtout une question politique. Est-ce que les Irakiens, sunnites, chiites, Turkmènes, Kurdes, etc., pourront trouver un accord autour duquel ils peuvent vivre ensemble ? Il s’agit là d’une question clé. On a commencé avec la constitution irakienne et les négociations pour cette constitution en 2005, période à laquelle je me trouvais en Irak en tant qu’observateur. Les parties ont marqué beaucoup de progrès mais il y avait plusieurs questions en suspens jusqu’à ce jour. Je vous donne quelques exemples: comment répartir les revenus du pétrole ? Comment organiser un système de gouvernement central avec des gouvernements locaux ? Quel sera le rôle du parti Baath et des membres de ce parti à l’avenir ? Comment organiser les élections locales dans le proche ou le moyen avenir ? Toute une série de questions qui restent ouvertes. Nous espérons que si l’on peut trouver un consensus, on pourra unifier les rangs des politiques irakiens contre les extrémistes qui existent dans tous les camps. Extrémistes chiites, sunnites, etc. C’est donc aux « modérés » irakiens de comprendre et de travailler avec le sentiment que les modérés des camps adverses sont leurs amis et leurs compatriotes et que les extrémistes de leurs propres camps sont leurs ennemis.

        Q.O.: Est-ce qu’on peut avoir, Excellence, vos appréciations sur ce qui se passe au Liban par exemple ?

        R.S.F.: Le gouvernement libanais est un gouvernement élu et nous soutenons totalement le Premier ministre Fouad Siniora. Nous espérons que l’armée libanaise arrivera à maîtriser la situation sécuritaire du pays. Nous sommes contre l’idée que des milices, soit en Irak, soit au Liban, puissent opérer, agir comme des mini-Etats dans de plus grands Etats. Cela est un danger et c’est pour cette raison que nous avons soutenu, même avec des armes, les forces de sécurité libanaises. Le problème de la région, c’est comment contenir l’extrémisme. Car sinon, cela pose danger pour le gouvernements de la région et même au-delà.

        Q.O.: Vous parliez tout à l’heure d’investisseurs qui pourraient être intéressés par l’Algérie. Cela nous mène à poser cette question directe: qu’est-ce qui traîne en Algérie, qu’est-ce qui retarde la relance ?

        R.S.F.: La chambre de commerce américaine ici en Algérie compte plus ou moins 80 opérateurs américains. C’est-à-dire un bon nombre d’Américains qui sont installés ici. Il y a aussi des investissements hors hydrocarbures qui ne sont pas trop discutés ni mis en exergue. Pour l’exemple, je cite City Bank qui, après d’abord un seul petit bureau dans la capitale, en compte aujourd’hui quatre, entre Oran, Annaba, Hassi Messaoud et Alger. On peut citer aussi le projet de dessalement de l’eau à Alger. Un gros investissement de 120 millions de dollars avec 70% de financement US et 30% algérien. Il y a d’autres secteurs comme la pharmacie et le médicament et il y a d’autres possibilités en attente. Par ailleurs, City Bank s’intéresse beaucoup au cas de la privatisation du CPA. City Bank ayant déjà fait des miracles avec des banques acquises ailleurs.

        Mais le climat d’affaires doit être propice. Cela veut dire une administration transparente où tout le monde peut comprendre les règles du jeu, un système de douane efficace qui ne prend pas trop de temps pour dédouaner les arrivages et les produits importés nécessaires pour les usines, un système de communication performant et capable de faire concurrence avec d’autres pays, un règlement de la question du foncier, etc. La question est donc: est-ce qu’on peut obtenir le nécessaire rapidement ou est-ce que cela doit prendre beaucoup de temps ? C’est cette question que se pose l’opérateur économique. Il faut près de deux semaines pour obtenir un visa pour venir en Algérie, alors qu’à l’ambassade US à Alger, un homme d’affaires peut l’obtenir en trois jours, sinon la journée même. Quand on parle de climat d’affaires, on parle de tout cela et les pays qui ont le meilleur climat d’affaires sont les pays qui ont les économies les plus fortes. Cela se voit en Asie, en Amérique ou même en Afrique.

        par Kamel Daoud Et Abdou BENABBOU

        Commentaire


        • #5
          Magnifique entrevue ou les questions étaient trés bien ciblés et les réponses étaient dans une bonne partie d'une grande qualité, et certains des propos de l'ambassadeur sont vraiment à méditer.

          Commentaire


          • #6
            Q.O.: Votre collègue ambassadeur a créé une petite polémique en déclarant que le seul représentant du peuple sahraoui était le Polisario, ce qui a provoqué de vives réactions de protestation chez les Marocains. Est-ce vous êtes d’accord avec lui ?

            Robert S. Ford: Ce n’est pas du tout aux Américains de dire qui sont les représentants du peuple sahraoui et qui ne le sont pas. C’est une question que doivent trancher les Sahraouis eux-mêmes. Quant à nous Américains, nous avons demandé aux Marocains et au Polisario de négocier et nous espérons vivement que le Polisario et les Marocains acceptent et nous espérons aussi que l’Algérie soutienne cette démarche.

            Q.O.: Qu’est-ce que vous pensez de la proposition marocaine ?

            R.S.F.: Premièrement, nous avons dit aux autorités marocaines que si elles n’acceptaient pas le plan Baker, il leur incombait de mettre quelque chose sur la table. Mais comme je viens de le dire, rester les bras croisés ne sert à rien. Finalement, les Marocains ont proposé leur propre plan que nous avons étudié et nous avons constaté qu’il y a dedans des choses intéressantes. Il s’agit de quelque chose de sérieux et d’un plan qui peut être crédible. L’autre question est: est-ce que le Polisario doit accepter ce plan dans sa totalité ?. Non. Je précise donc que nous n’avons jamais dit ceci. Pour nous, il faut simplement dire que les deux parties doivent discuter. Est-ce que cela va se terminer bientôt et vite ? Personnellement, j’en doute. Mais qu’ils commencent !
            ces 2 reponses sont :

            De Bonne Qualité ou A Mediter Mendz ?

            Commentaire


            • #7
              ces 2 reponses sont :

              De Bonne Qualité ou A Mediter Mendz ?
              Je dirais plutot de bonnes qualité car elle rensigne que concretement les Etats-Unis dans cette affaire ne soutiennent auccune partie au détriment de l'autre mais désirent que les deux parties le Maroc et le POLISARIO font des pas l'un dans la direction de l'autre, négotient et qu'ils s'en sortent d'un accord qui arrange les deux partis et qui met fin à ce conflit, donc c'est vraiment une position constructive.

              Commentaire


              • #8
                mendz

                Je dirais plutot de bonnes qualité
                Je suis Du Meme avis que toi ....

                Commentaire

                Chargement...
                X