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La santé florissante du marché aux armes à Gaza

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  • La santé florissante du marché aux armes à Gaza

    C'est l'un de ces marchés informels qui fleurissent sur les trottoirs de Gaza. Quelques étals improvisés, sur le bas côté de la rue Salaheddin, à proximité d'un parking de voitures d'occasion. Ici, on ne vend pas de cigarettes de contrebande ou bien de jouets pour enfants made in China comme aux carrefours du centre-ville.

    On trouve en revanche des boîtes de cartouches de tous les calibres, à partir de 7,5 shekels (2 euros) l'unité, des grenades artisanales, des pistolets 9 mm et des kalachnikovs à environ 1 500 dollars pièce. Entre 8 heures et 11 heures du matin, deux jours par semaines, une centaine de Palestiniens de tous les âges s'y pressent pour vendre, acheter ou échanger. Ouvert il y a un an, au début des affrontements entre le Fatah et le Hamas, le marché d'armes de Zeïtoun est symptomatique de la peur, de la haine et de l'anarchie qui font désormais le quotidien de la bande de Gaza.

    "J'ai besoin d'une centaine de balles, cela suffira pour me venger", dit Hatem, un trentenaire en sandales qui déambule entre les stands de fortune. Un kalachnikov pendu à l'épaule, il soulève sa chemise et désigne la cicatrice qui court de son torse à son nombril. Le legs d'une querelle à propos d'un terrain qui a dégénéré, comme souvent à Gaza, en affrontement armé. "Dans la fusillade, mon père aussi a été blessé, raconte Hatem. J'ai déjà tiré dans les jambes d'un des membres de la famille qui nous a attaqués. J'ai besoin d'en blesser un second et le contentieux entre nous sera réglé." L'idée de déposer plainte pour obtenir réparation ne l'a pas effleuré. "La justice dans notre pays, ce sont des paroles en l'air. Il n'y a que la violence qui fonctionne", tranche-t-il avant de piocher dans un sac rempli de balles.

    Un colosse barbu avec un browning glissé dans le dos de son jean, aborde un vendeur de kalachnikov. Il s'empare de l'arme, inspecte la culasse, fait claquer la détente puis rend le fusil d'assaut à son propriétaire, avec une moue de déception. Abou Nidal est un expert, l'un de ces fonctionnaires palestiniens à la double casquette - policier sur le papier et marchand d'armes sur le terrain. Il passe de temps à autres sur les stands de Zeïtoun, dans l'espoir d'y dénicher une pièce de choix, comme le "Ben Laden ", le kalachnikov qui accompagne le chef d'Al-Qaida sur toutes ses vidéos. Mais l'essentiel de son commerce se fait par téléphone. "Je reçois une dizaine d'appels par jour, dit-il. Il s'agit le plus souvent de particuliers qui veulent pouvoir défendre leur famille ou bien leurs magasins, notamment des bijoutiers. Avec le désordre qui règne en ville, la demande en munitions a été multipliée par deux."

    La pénurie est un mot qui n'existe pas sur ce marché. Quelles que soient la saison, la situation économique et la pression exercée par l'armée israélienne aux frontières, les armes trouvent toujours le moyen d'arriver. "Depuis le retrait israélien, le business n'a jamais été aussi florissant, confesse Abou Nidal. Certes, il n'est plus possible de s'approvisionner auprès des colons, notamment en M16. Mais comme l'armée israélienne a évacué la zone frontière de Rafah et que les Egyptiens ne sont pas très motivés pour les boucher, les tunnels creusés à cet endroit, fonctionnent mieux que jamais."

    TRAFIQUANTS ISRAÉLIENS


    Autre combine : pour une récente commande de 20 000 cartouches de 9 mm et 7 000 cartouches de M16, Abou Nidal s'est fourni auprès de trafiquants israéliens. Les boîtes de munitions sont rentrées en douce dans la cargaison d'un camion, via le terminal de Karni, la plate-forme de fret entre Gaza et Israël. "Elles sont passées inaperçues au milieu de boîtes de carrelage chinois", s'esclaffe-t-il, en précisant que l'acheteur était un clan neutre de la bande de Gaza. Et il assure, pris d'un brusque accès de scrupule : "Mes armes servent à l'autodéfense, à la résistance, mais pas à la guerre civile. Une fois, le Hamas a voulu me commander des fusils de sniper et j'ai refusé."

    A l'ombre d'un arbre, un adolescent à l'air emprunté glisse une poignée de balles dans sa poche. Il en acheté dix, pas une de plus. "C'est pour tirer en l'air au mariage d'un ami ", dit-il, comme pour s'excuser. Soudain, des coups de feu éclatent. Un curieux teste un kalachnikov au-dessus de la tête de ses voisins. Sur le terrain vague contigu où les voitures d'occasion sont parquées, un vendeur secoue la tête en signe d'agacement. "Il y a quelques semaines, il y a eu un blessé à cause d'un type qui essayait un pistolet, dit-il. Les armes sont la maladie de notre société." Il soupire et la pétarade continue.

    Par Le Monde

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