On ne change pas
par Ahmed Saïfi Benziane, Q.O
« Algérie, grand et beau pays» lançait dernièrement un professeur japonais à ses collègue algériens, et d'ajouter «nous beaucoup pleurer pour elle». Ce à quoi l'un de ses collègues algériens répliqua «nous aussi beaucoup pleurer avec vous». Voilà en effet comment nous offrons aux autres des occasions de nous plaindre, malgré nos richesses humaines et naturelles, malgré notre exceptionnelle aisance financière, qui n'apparaît que dans les statistiques nationales, sans arriver dans les fiches de paie d'une majorité réduite à la mendicité. Le peuple et ce qu'il en pense, nul ne s'en soucie et pour preuve, nous devons subir la reconduction d'une équipe gouvernementale, dont le comportement a fini par excéder les plus patients.
Jamais autant de scandales financiers n'ont occupé la scène politique et médiatique, jusqu'au pourrissement, que durant le mandat de cette équipe. Jamais la corruption n'a atteint le seuil de l'entendement que durant ce même mandat. Jamais autant d'Algériens n'ont péri dans la mer de tous les dangers fuyant la malvie plus que le chômage ou la pauvreté. Jamais les institutions n'ont autant perdu en crédibilité et en confiance. Jamais depuis l'indépendance. D'ailleurs, à défaut d'une indépendance définitive, nous avons eu droit à une indépendance par intérim, tout comme ce fameux gouvernement qui n'a duré que le temps d'une soirée musicale dans la capitale de la culture arabe, prise en otage entre une ghaïta bouchée et un tbal déchiré. Au registre des bilans, il n'y a qu'à se promener dans le pays et compter les dégâts à l'oeil nu. Nu comme le pays qui n'arrive plus à porter le costume d'une modernité qui frappe aux portes pour se frayer un chemin. Il n'y a qu'à écouter la détresse d'une jeunesse condamnée à passer du lit au mur, puis du mur au lit, puis du lit au lit. Le chemin du nouveau millénaire semble passer loin de nous. Un millénaire qui ne permet pas l'hystérie des foules quand ces mêmes foules refusent de valider des élections aussi importantes que celles de porter au sommet de la décision des représentants dignes de ce nom. Mais de cela il vaut mieux faire comme le professeur japonais: pleurer. Puisque nul ne s'en soucie plus. Même la foule. Mais que peut la foule devant la surdité de ses gouvernants qui semblent vivre sur une autre planète et ils vivent réellement sur une autre planète ?
La foule peut chuchoter, parler, crier, refuser de voter, se jeter à la mer, refuser de travailler, exiger que son mandat lui soit rendu, remboursé, rien ne changera dans un pays où on reconduit les équipes qui perdent. Au Japon par contre, les dirigeants sont les premiers à démissionner en cas de faillite lorsqu'ils ne se font pas hara-kiri. Et c'est sans doute pour cela que notre professeur japonais «beaucoup pleurer Algérie». Et que nous ne pouvons que «beaucoup pleurer avec lui». Parce qu'au fond nos dirigeants ont l'impression que c'est peut-être lui qui est à plaindre.
Quotidien d'Oran (aujourd'hui)
par Ahmed Saïfi Benziane, Q.O
« Algérie, grand et beau pays» lançait dernièrement un professeur japonais à ses collègue algériens, et d'ajouter «nous beaucoup pleurer pour elle». Ce à quoi l'un de ses collègues algériens répliqua «nous aussi beaucoup pleurer avec vous». Voilà en effet comment nous offrons aux autres des occasions de nous plaindre, malgré nos richesses humaines et naturelles, malgré notre exceptionnelle aisance financière, qui n'apparaît que dans les statistiques nationales, sans arriver dans les fiches de paie d'une majorité réduite à la mendicité. Le peuple et ce qu'il en pense, nul ne s'en soucie et pour preuve, nous devons subir la reconduction d'une équipe gouvernementale, dont le comportement a fini par excéder les plus patients.
Jamais autant de scandales financiers n'ont occupé la scène politique et médiatique, jusqu'au pourrissement, que durant le mandat de cette équipe. Jamais la corruption n'a atteint le seuil de l'entendement que durant ce même mandat. Jamais autant d'Algériens n'ont péri dans la mer de tous les dangers fuyant la malvie plus que le chômage ou la pauvreté. Jamais les institutions n'ont autant perdu en crédibilité et en confiance. Jamais depuis l'indépendance. D'ailleurs, à défaut d'une indépendance définitive, nous avons eu droit à une indépendance par intérim, tout comme ce fameux gouvernement qui n'a duré que le temps d'une soirée musicale dans la capitale de la culture arabe, prise en otage entre une ghaïta bouchée et un tbal déchiré. Au registre des bilans, il n'y a qu'à se promener dans le pays et compter les dégâts à l'oeil nu. Nu comme le pays qui n'arrive plus à porter le costume d'une modernité qui frappe aux portes pour se frayer un chemin. Il n'y a qu'à écouter la détresse d'une jeunesse condamnée à passer du lit au mur, puis du mur au lit, puis du lit au lit. Le chemin du nouveau millénaire semble passer loin de nous. Un millénaire qui ne permet pas l'hystérie des foules quand ces mêmes foules refusent de valider des élections aussi importantes que celles de porter au sommet de la décision des représentants dignes de ce nom. Mais de cela il vaut mieux faire comme le professeur japonais: pleurer. Puisque nul ne s'en soucie plus. Même la foule. Mais que peut la foule devant la surdité de ses gouvernants qui semblent vivre sur une autre planète et ils vivent réellement sur une autre planète ?
La foule peut chuchoter, parler, crier, refuser de voter, se jeter à la mer, refuser de travailler, exiger que son mandat lui soit rendu, remboursé, rien ne changera dans un pays où on reconduit les équipes qui perdent. Au Japon par contre, les dirigeants sont les premiers à démissionner en cas de faillite lorsqu'ils ne se font pas hara-kiri. Et c'est sans doute pour cela que notre professeur japonais «beaucoup pleurer Algérie». Et que nous ne pouvons que «beaucoup pleurer avec lui». Parce qu'au fond nos dirigeants ont l'impression que c'est peut-être lui qui est à plaindre.
Quotidien d'Oran (aujourd'hui)
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