Tweet
Maroc: Entretien avec Abdoulaye Wade
15 June 2007
(Scroll down to access the English version).
Oxford Business s'est récemment entretenu avec Maître Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, au sujet des relations sénégalo - marocaines. Le Président a mis l'accent sur la proximité qui caractérise les liens entre le Sénégal et le Maroc, qu'il a qualifié de familiaux. Parmi les thèmes abordés figurent la coopération culturelle, les échanges commerciaux, les flux d'investissements et la coopération sociopolitique sur le plan des mouvements migratoires provenant du Sénégal.
Sous la tutelle des rois Mohammed V, Hassan II et maintenant Mohammed VI, les relations entre les deux pays ont toujours été marquées par des relations culturelles intenses, alors que l'Islam a joué le rôle d'unificateur des cultures, structurant les échanges. Le Président s'est félicité des compétences du Maroc et de la longue tradition d'échange de connaissances et d'expertise.
« Le Maroc nous apporte des choses dans de nombreux domaines » Wade dit à OBG. « Je donne souvent l'exemple des architectes marocains qui travaillent au Sénégal ; j'admire leur sens de la précision. »
Cependant les relations économiques et le monde des affaires se positionnent aujourd'hui au centre des enjeux, et se développent parallèlement en des bonnes relations au plus haut niveau politique.
« Ce type de relations se développe avec ou sans la coopération des responsables des deux pays » a déclaré Wade. « Il faut également rappeler que le secteur privé inclut aussi le secteur informel. »
L'intégration des secteurs privés ne se limite pas aux secteurs informels des deux pays. Le partenariat de Royal Air Maroc et d'Air Sénégal International est cité comme un exemple du mariage des compétences des deux économies. « C'est le mariage du sens de l'organisation marocain et de l'intelligence des Sénégalais. »
Le Chef de l'Etat sénégalais a également mis en avant la présence des banques marocaines sur le territoire sénégalais, avec les importantes avancées que connaît la BMCE Bank, présente au Sénégal depuis 2003, et Attijariwafa Bank, depuis 2006.
Cependant, les échanges commerciaux restent à développer. Alors que la balance des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint 55 millions de dollars en 2006, Maître Wade a exprimé son regret face au manque d'information dont disposent les Sénégalais sur ce que le Maroc peut apporter au développement économique du pays. Les échanges bilatéraux disposent d'un énorme potentiel, d'après le Chef de l'Etat, qui a invoqué l'exemple de teintures produites au Maroc, exportées vers la France puis importées au Sénégal.
Dans ce contexte, une exposition permanente à Dakar de produits et services marocains serait nécessaire, afin de soutenir l'élan donné par les expositions annuelles ponctuelles.
Le Président a donc appelé les investisseurs et chefs d'entreprise marocains à s'implanter, ou du moins à s'engager dans l'assistance technique. Plaçant l'agriculture au premier rang des priorités de la stratégie de développement national, Wade a complimenté l'efficacité et l'expérience des compagnies marocaines engagées dans le domaine de l'irrigation.
« Le Sénégal a besoin de l'assistance technique de ces sociétés marocaines pour valoriser les 240 000 hectares dont nous disposons tout au long du fleuve Sénégal » a déclaré Wade.
Cette coopération croissante entre les deux pays et la perspective de développement des échanges commerciaux n'engendre pas pour autant de concurrence entre les deux économies pour le moment. Bien que le Sénégal cherche à se positionner sur certaines niches semblables à celles du Maroc, comme l'offshoring à travers les centres d'appel, les niveaux de développement ne sont pas les mêmes. En effet, selon Wade, le Maroc a beaucoup plus d'expérience dans les centres d'appels que le Sénégal : « On ne peut donc pas encore parler de concurrence dans ce secteur ». De plus, vu la taille du marché des technologies de l'information et de l'offshoring, tout pousse à croire qu'il y a et aura de la place pour tous. Le Président a néanmoins vanté haut et fort les mérites de la concurrence dans le cadre d'une économie libérale de marché.
Sur le plan politique, interrogé sur le sujet sensible qui est celui de l'immigration, Wade différencie deux types d'immigration au Maroc : l'immigration directe et l'immigration passagère, en transit vers l'Europe. Mentionnant les importants moyens mis en œuvre pour réduire l'immigration clandestine vers l'Europe, le Président a fait le point sur l'histoire de l'immigration sénégalaise au Maroc, dans le cadre d'études et de formation, mais aussi de migration professionnelle.
La problématique de l'émigration, du point de vue sénégalais, se rattache nécessairement à celle du développement économique du pays. Ainsi Wade a dit que la création de près de 200 000 emplois pour les jeunes sénégalais sous son gouvernement agit pour alléger les pressions poussant les jeunes à émigrer vers l'Europe.
À propos de la tendance croissante de la coopération entre les deux pays frères, Wade a aussi fait allusion à la création de studios de cinéma au Sénégal, suivant l'exemple marocain. Suite à l' accueil des représentants de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Said El Alj et Souhail Ben Barka, Wade a pris la décision, au mois de mai, de reconvertir des locaux en studios de cinéma intégrés.
Wade a ajouté que le marché sénégalais n'était pas uniquement un marché domestique. En effet, à travers les unions monétaires et fiscales au sein de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Sénégal représente une porte d'accès vers un marché de plus de 70 millions de consommateurs et 15 pays dans la région.
15 June 2007
(Scroll down to access the English version).
Oxford Business s'est récemment entretenu avec Maître Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, au sujet des relations sénégalo - marocaines. Le Président a mis l'accent sur la proximité qui caractérise les liens entre le Sénégal et le Maroc, qu'il a qualifié de familiaux. Parmi les thèmes abordés figurent la coopération culturelle, les échanges commerciaux, les flux d'investissements et la coopération sociopolitique sur le plan des mouvements migratoires provenant du Sénégal.
Sous la tutelle des rois Mohammed V, Hassan II et maintenant Mohammed VI, les relations entre les deux pays ont toujours été marquées par des relations culturelles intenses, alors que l'Islam a joué le rôle d'unificateur des cultures, structurant les échanges. Le Président s'est félicité des compétences du Maroc et de la longue tradition d'échange de connaissances et d'expertise.
« Le Maroc nous apporte des choses dans de nombreux domaines » Wade dit à OBG. « Je donne souvent l'exemple des architectes marocains qui travaillent au Sénégal ; j'admire leur sens de la précision. »
Cependant les relations économiques et le monde des affaires se positionnent aujourd'hui au centre des enjeux, et se développent parallèlement en des bonnes relations au plus haut niveau politique.
« Ce type de relations se développe avec ou sans la coopération des responsables des deux pays » a déclaré Wade. « Il faut également rappeler que le secteur privé inclut aussi le secteur informel. »
L'intégration des secteurs privés ne se limite pas aux secteurs informels des deux pays. Le partenariat de Royal Air Maroc et d'Air Sénégal International est cité comme un exemple du mariage des compétences des deux économies. « C'est le mariage du sens de l'organisation marocain et de l'intelligence des Sénégalais. »
Le Chef de l'Etat sénégalais a également mis en avant la présence des banques marocaines sur le territoire sénégalais, avec les importantes avancées que connaît la BMCE Bank, présente au Sénégal depuis 2003, et Attijariwafa Bank, depuis 2006.
Cependant, les échanges commerciaux restent à développer. Alors que la balance des échanges commerciaux entre les deux pays a atteint 55 millions de dollars en 2006, Maître Wade a exprimé son regret face au manque d'information dont disposent les Sénégalais sur ce que le Maroc peut apporter au développement économique du pays. Les échanges bilatéraux disposent d'un énorme potentiel, d'après le Chef de l'Etat, qui a invoqué l'exemple de teintures produites au Maroc, exportées vers la France puis importées au Sénégal.
Dans ce contexte, une exposition permanente à Dakar de produits et services marocains serait nécessaire, afin de soutenir l'élan donné par les expositions annuelles ponctuelles.
Le Président a donc appelé les investisseurs et chefs d'entreprise marocains à s'implanter, ou du moins à s'engager dans l'assistance technique. Plaçant l'agriculture au premier rang des priorités de la stratégie de développement national, Wade a complimenté l'efficacité et l'expérience des compagnies marocaines engagées dans le domaine de l'irrigation.
« Le Sénégal a besoin de l'assistance technique de ces sociétés marocaines pour valoriser les 240 000 hectares dont nous disposons tout au long du fleuve Sénégal » a déclaré Wade.
Cette coopération croissante entre les deux pays et la perspective de développement des échanges commerciaux n'engendre pas pour autant de concurrence entre les deux économies pour le moment. Bien que le Sénégal cherche à se positionner sur certaines niches semblables à celles du Maroc, comme l'offshoring à travers les centres d'appel, les niveaux de développement ne sont pas les mêmes. En effet, selon Wade, le Maroc a beaucoup plus d'expérience dans les centres d'appels que le Sénégal : « On ne peut donc pas encore parler de concurrence dans ce secteur ». De plus, vu la taille du marché des technologies de l'information et de l'offshoring, tout pousse à croire qu'il y a et aura de la place pour tous. Le Président a néanmoins vanté haut et fort les mérites de la concurrence dans le cadre d'une économie libérale de marché.
Sur le plan politique, interrogé sur le sujet sensible qui est celui de l'immigration, Wade différencie deux types d'immigration au Maroc : l'immigration directe et l'immigration passagère, en transit vers l'Europe. Mentionnant les importants moyens mis en œuvre pour réduire l'immigration clandestine vers l'Europe, le Président a fait le point sur l'histoire de l'immigration sénégalaise au Maroc, dans le cadre d'études et de formation, mais aussi de migration professionnelle.
La problématique de l'émigration, du point de vue sénégalais, se rattache nécessairement à celle du développement économique du pays. Ainsi Wade a dit que la création de près de 200 000 emplois pour les jeunes sénégalais sous son gouvernement agit pour alléger les pressions poussant les jeunes à émigrer vers l'Europe.
À propos de la tendance croissante de la coopération entre les deux pays frères, Wade a aussi fait allusion à la création de studios de cinéma au Sénégal, suivant l'exemple marocain. Suite à l' accueil des représentants de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Said El Alj et Souhail Ben Barka, Wade a pris la décision, au mois de mai, de reconvertir des locaux en studios de cinéma intégrés.
Wade a ajouté que le marché sénégalais n'était pas uniquement un marché domestique. En effet, à travers les unions monétaires et fiscales au sein de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Sénégal représente une porte d'accès vers un marché de plus de 70 millions de consommateurs et 15 pays dans la région.
Commentaire