L’histoire des mouvements migratoires est, en fait, l’histoire du monde. Dans ce monde, les biens, les marchandises et les capitaux circulent de plus en plus facilement, tandis que la libre circulation est de plus en plus difficile pour les gens du Sud, notamment les plus pauvres et les moins qualifiés.
Avec la mondialisation qui tend, depuis une vingtaine d’années, à accroître la fracture entre le Nord et le(s) Sud(s). Poussés par la misère, les guerres civiles de plus en plus nombreuses ou encore l’absence de perspectives dans leur pays, les migrants inventent de nouveaux itinéraires et guettent les chances de fixation, s’affranchissant des liens historiques culturels et même cultuels et linguistiques. Deux types de migrants se battent pour rejoindre le monde industrialisé: les migrants non qualifiés qui, au péril de leur vie, utilisent tous les moyens, les embarcations de fortune, véritables coquilles de noix où ils s’entassent par dizaines, généralement quand ils survivent à la soif, aux requins et à la noyade, ils sont recueillis, parqués dans des centres de rétention, nouveaux zoos humains du XIXe siècle. Ils sont ensuite renvoyés dans leur pays après avoir été fichés.
Une deuxième catégorie de migrants est constituée par les diplômés. Ils sont majoritairement jeunes, urbain(e)s et scolarisé(e)s et s’inscrivent, avant tout, dans une logique individuelle: la recherche de conditions de vie dignes. Leur insertion dans les pays d’accueil en est d’autant facilitée, a priori. La connaissance est, aujourd’hui, considérée comme la source fondamentale de la création de richesses et le facteur primordial de la compétitivité internationale. Lorsqu’un informaticien indien est débauché de son pays, pour exercer son métier aux Etats-Unis, on dit de la firme qui le démarche qu’elle fait du «body shopping» (achat corporel). C’est cela aussi l’émigration choisie.
Immigration «Kleenex»
Cependant, cette forme de mobilisation de la main-d’oeuvre étrangère laisse émerger une nouvelle catégorie de travailleur, celle du migrant détaché: il s’agit d’un étranger qui n’a le droit de rester sur le territoire que dans le cadre de sa relation contractuelle avec son employeur et qui est contraint de repartir, à tout moment, au bon vouloir de l’employeur. Le secrétariat de l’OMC écrivait ainsi à propos des services de santé: Les bénéfices significatifs ne viendront pas tant de la construction et de la gestion des hôpitaux, etc., que de la possibilité d’y employer un personnel plus qualifié, plus efficace et/ou moins cher que celui qui pourrait se trouver sur le marché du travail local Un tel régime permet de rendre compatible la fermeture des frontières des Etats les plus développés avec le besoin des entreprises de recourir à des migrants plus malléables et corvéables que ceux déjà présents sur le marché du travail. Dit autrement, c’est une immigration dite «Kleenex» qui est encouragée. Naturellement, l’insertion sociale ne pourra jamais se faire puisque quand il n’est plus rentable, l’immigré intellectuel devra repartir dans son village, dans la savane.
Les conflits actuels sont des répliques de tsunami des guerres coloniales où les identités, les spiritualités, les structures sociales ont été démolies au même titre que la mise en coupe réglée des richesses et potentialités des pays subjugués Plus que jamais, le post-colonialisme bat son plein, ayant revêtu cette fois-ci les habits de la mondialisation avec comme faire-valoir une APD qui est, en fait, une aumône en contrepartie d’un hold up colonial et d’une dette toujours recommencée bien qu’elle ait été payée plusieurs fois. Les puissances coloniales préfèrent avoir en face des tyrans manipulables à volonté, aux ordres du grand capital par pays industrialisé interposé. Susan George, écrit: La mondialisation économique dénationalise les économies nationales. En revanche, l’immigration renationalise les politiques d’accueil. Il existe un consensus toujours plus fort afin de lever les contrôles frontaliers qui pèsent sur les flux de capitaux, sur l’information, sur les services, et sur tout ce qu’implique une mondialisation plus importante.(1)
Cependant, lorsqu’il s’agit d’immigrés et de réfugiés, l’Etat cherche à retrouver sa splendeur passée en affirmant son droit souverain à contrôler ses frontières. Il y a cinquante ans, ni les Africains ni les Latino-Américains n’émigraient dans les proportions que l’on connaît aujourd’hui. Ceux qui émigraient étaient les Européens méridionaux: les Espagnols, les Portugais. Le phénomène actuel est lié de façon radicale à la mondialisation de l’économie ainsi qu’aux nouvelles relations régissant les forces sociales. Celui qui émigre vit une rupture et son intégration peut être synonyme de déchirement et de névrose identitaire. Il découvre que la société dans laquelle il essaie de survivre ne lui fait pas de place ni sociologiquement, ni économiquement, ni spirituellement. Il tente alors de sauver l’essentiel en tentant de fondre dans le décor, au besoin, en abdiquant un certain nombre de valeurs identitaires, voire religieuses. Rien n’y fait. Au détour d’un contrôle musclé, il découvre que c’est un indésirable. Il est alors «chartérisé» à la première occasion. Finalement, son retour se transforme en mythe: Il ne peut revenir les mains vides, car il représente l’espoir de réussite économique caressé par la famille qui l’a envoyé, qui le soutient et qui l’attend.(2).
La question des flux migratoires révèle les ambiguïtés de l’intégration européenne. la libre circulation des personnes nées au bon endroit, est bien réelle. La création de l’espace Schengen, en 1990, a instauré une politique des frontières à deux vitesses. L’assouplissement des frontières intérieures s’est accompagné d’une plus grande rigidité des frontières extérieures. L’Union européenne, en devenant une forteresse, conduit aux scènes d’horreur telles que celles du Maroc espagnol ou les épaves de Lampédusa. Mieux encore, elle sous-traite en utilisant le Maghreb, pour faire le sale boulot en permettant des zones de rétention. Il n’existe pas de politique communautaire sur l’immigration si ce n’est celle de se barricader.
Cette bunkerisation n’est pas spécifique à l’Europe, d’autres pays font le choix d’un repli sur eux-mêmes qui se traduit parfois par la construction de murs de séparation censés les protéger de voisins jugés dangereux. Le Pakistan construit une barrière le long de sa frontière avec l’Afghanistan, les Etats-Unis ont déjà construit 300 kilomètres de mur pour fortifier leur frontière avec le Mexique et, le 10 avril 2007, ils ont entrepris à Baghdad la construction d’un mur qui séparera les quartiers sunnites et chiites. Dresser ce genre de mur n’est pas une idée nouvelle: en 2004, l’Inde a édifié un mur au Cachemire, la Chine en a fait de même pour se prémunir de l’immigration nord-coréenne, et, depuis 2002, Israël continue d’enclore les territoires palestiniens. Pourtant, ces murs sont un aveu de faiblesse de ceux qui les dressent, qui espèrent ainsi se créer un rempart de dernier recours, et ce, malgré la chute du mur de Berlin, en 1989, qui avait prouvé l’échec de ce genre de partition.(3).
Avec la mondialisation qui tend, depuis une vingtaine d’années, à accroître la fracture entre le Nord et le(s) Sud(s). Poussés par la misère, les guerres civiles de plus en plus nombreuses ou encore l’absence de perspectives dans leur pays, les migrants inventent de nouveaux itinéraires et guettent les chances de fixation, s’affranchissant des liens historiques culturels et même cultuels et linguistiques. Deux types de migrants se battent pour rejoindre le monde industrialisé: les migrants non qualifiés qui, au péril de leur vie, utilisent tous les moyens, les embarcations de fortune, véritables coquilles de noix où ils s’entassent par dizaines, généralement quand ils survivent à la soif, aux requins et à la noyade, ils sont recueillis, parqués dans des centres de rétention, nouveaux zoos humains du XIXe siècle. Ils sont ensuite renvoyés dans leur pays après avoir été fichés.
Une deuxième catégorie de migrants est constituée par les diplômés. Ils sont majoritairement jeunes, urbain(e)s et scolarisé(e)s et s’inscrivent, avant tout, dans une logique individuelle: la recherche de conditions de vie dignes. Leur insertion dans les pays d’accueil en est d’autant facilitée, a priori. La connaissance est, aujourd’hui, considérée comme la source fondamentale de la création de richesses et le facteur primordial de la compétitivité internationale. Lorsqu’un informaticien indien est débauché de son pays, pour exercer son métier aux Etats-Unis, on dit de la firme qui le démarche qu’elle fait du «body shopping» (achat corporel). C’est cela aussi l’émigration choisie.
Immigration «Kleenex»
Cependant, cette forme de mobilisation de la main-d’oeuvre étrangère laisse émerger une nouvelle catégorie de travailleur, celle du migrant détaché: il s’agit d’un étranger qui n’a le droit de rester sur le territoire que dans le cadre de sa relation contractuelle avec son employeur et qui est contraint de repartir, à tout moment, au bon vouloir de l’employeur. Le secrétariat de l’OMC écrivait ainsi à propos des services de santé: Les bénéfices significatifs ne viendront pas tant de la construction et de la gestion des hôpitaux, etc., que de la possibilité d’y employer un personnel plus qualifié, plus efficace et/ou moins cher que celui qui pourrait se trouver sur le marché du travail local Un tel régime permet de rendre compatible la fermeture des frontières des Etats les plus développés avec le besoin des entreprises de recourir à des migrants plus malléables et corvéables que ceux déjà présents sur le marché du travail. Dit autrement, c’est une immigration dite «Kleenex» qui est encouragée. Naturellement, l’insertion sociale ne pourra jamais se faire puisque quand il n’est plus rentable, l’immigré intellectuel devra repartir dans son village, dans la savane.
Les conflits actuels sont des répliques de tsunami des guerres coloniales où les identités, les spiritualités, les structures sociales ont été démolies au même titre que la mise en coupe réglée des richesses et potentialités des pays subjugués Plus que jamais, le post-colonialisme bat son plein, ayant revêtu cette fois-ci les habits de la mondialisation avec comme faire-valoir une APD qui est, en fait, une aumône en contrepartie d’un hold up colonial et d’une dette toujours recommencée bien qu’elle ait été payée plusieurs fois. Les puissances coloniales préfèrent avoir en face des tyrans manipulables à volonté, aux ordres du grand capital par pays industrialisé interposé. Susan George, écrit: La mondialisation économique dénationalise les économies nationales. En revanche, l’immigration renationalise les politiques d’accueil. Il existe un consensus toujours plus fort afin de lever les contrôles frontaliers qui pèsent sur les flux de capitaux, sur l’information, sur les services, et sur tout ce qu’implique une mondialisation plus importante.(1)
Cependant, lorsqu’il s’agit d’immigrés et de réfugiés, l’Etat cherche à retrouver sa splendeur passée en affirmant son droit souverain à contrôler ses frontières. Il y a cinquante ans, ni les Africains ni les Latino-Américains n’émigraient dans les proportions que l’on connaît aujourd’hui. Ceux qui émigraient étaient les Européens méridionaux: les Espagnols, les Portugais. Le phénomène actuel est lié de façon radicale à la mondialisation de l’économie ainsi qu’aux nouvelles relations régissant les forces sociales. Celui qui émigre vit une rupture et son intégration peut être synonyme de déchirement et de névrose identitaire. Il découvre que la société dans laquelle il essaie de survivre ne lui fait pas de place ni sociologiquement, ni économiquement, ni spirituellement. Il tente alors de sauver l’essentiel en tentant de fondre dans le décor, au besoin, en abdiquant un certain nombre de valeurs identitaires, voire religieuses. Rien n’y fait. Au détour d’un contrôle musclé, il découvre que c’est un indésirable. Il est alors «chartérisé» à la première occasion. Finalement, son retour se transforme en mythe: Il ne peut revenir les mains vides, car il représente l’espoir de réussite économique caressé par la famille qui l’a envoyé, qui le soutient et qui l’attend.(2).
La question des flux migratoires révèle les ambiguïtés de l’intégration européenne. la libre circulation des personnes nées au bon endroit, est bien réelle. La création de l’espace Schengen, en 1990, a instauré une politique des frontières à deux vitesses. L’assouplissement des frontières intérieures s’est accompagné d’une plus grande rigidité des frontières extérieures. L’Union européenne, en devenant une forteresse, conduit aux scènes d’horreur telles que celles du Maroc espagnol ou les épaves de Lampédusa. Mieux encore, elle sous-traite en utilisant le Maghreb, pour faire le sale boulot en permettant des zones de rétention. Il n’existe pas de politique communautaire sur l’immigration si ce n’est celle de se barricader.
Cette bunkerisation n’est pas spécifique à l’Europe, d’autres pays font le choix d’un repli sur eux-mêmes qui se traduit parfois par la construction de murs de séparation censés les protéger de voisins jugés dangereux. Le Pakistan construit une barrière le long de sa frontière avec l’Afghanistan, les Etats-Unis ont déjà construit 300 kilomètres de mur pour fortifier leur frontière avec le Mexique et, le 10 avril 2007, ils ont entrepris à Baghdad la construction d’un mur qui séparera les quartiers sunnites et chiites. Dresser ce genre de mur n’est pas une idée nouvelle: en 2004, l’Inde a édifié un mur au Cachemire, la Chine en a fait de même pour se prémunir de l’immigration nord-coréenne, et, depuis 2002, Israël continue d’enclore les territoires palestiniens. Pourtant, ces murs sont un aveu de faiblesse de ceux qui les dressent, qui espèrent ainsi se créer un rempart de dernier recours, et ce, malgré la chute du mur de Berlin, en 1989, qui avait prouvé l’échec de ce genre de partition.(3).
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