Parlant des enseignants issus de l'Université algérienne d'antan, la belle, la vraie, quelqu'un avait dit: « c'est une espèce en voie d'extinction ».
En fait, beaucoup d'entre eux ont tiré leur révérence. Pour le reste, il en est - et ils sont nombreux - qui sont partis ailleurs. Une manière de mourir en quelque sorte. Parmi les autres, ceux qui continuent, tant bien que mal, à pousser comme ils peuvent ce corps inerte qu'est l'université aujourd'hui, il y a ceux qui ont déjà commencé à s'inscrire au registre des retraités et ceux qui, ne se sentant plus utiles dans une ère soulignée à l'encre de la médiocrité, se retirent tout simplement, une autre manière de s'éteindre. La relève ? Chacun a laissé ce qu'il a pu mais ils sont pratiquement tous ailleurs. Le petit nombre qui a préféré rester est dilué, totalement dilué dans l'océan de l'incompétence qui a commencé à déferler sur l'université depuis que l'ignorance s'est mise à éteindre la lumière de la science dans ce pays qui est le nôtre.
QU'EN EST-IL DE NOTRE UNIVERSITE ?
L'absence de maîtrise des concepts et la perte de la vue d'ensemble sont les deux failles principales qui caractérisent l'Université algérienne aujourd'hui; une université où, à force d'avoir banalisé les choses, on ne différencie plus le débat scientifique de la discussion de cafés du coin et où l'argumentaire, qui ne diffère d'ailleurs en rien des simples positions de principes, ne vise plus à convaincre mais seulement à brouiller et à... vaincre !
Le mal est ancien. Il a commencé lors des années quatre-vingt, lorsque la démagogie des décideurs les avait conduits à instaurer les élections pour les postes de responsabilité. Ces élections, et à l'image de toutes les autres se déroulant dans notre pays, avaient alors conduit à l'émergence du tribalisme, du « douarisme », du « archisme » et du clanisme à l'intérieur de ce qui fut réellement un haut lieu du savoir. La loi du nombre ayant prévalu, les plus nombreux imposaient leurs choix au détriment des compétences et des aptitudes. Une opération biaisée, comme disent les statisticiens.
Durant ces années quatre-vingt, l'incapacité propulsée à la tête de la majorité des instituts et des facultés avait annoncé le début d'une gestion catastrophique de l'Université algérienne. Une gestion sans implication et où l'informel allait prendre le pas sur le formel et l'officiel, étendant ainsi les possibilités d'intervention aux membres des clans, même lorsqu'ils ne faisaient pas partie de l'université elle-même. Une sorte de vision du dehors, comme diraient les littéraires.
Et c'est durant ces années aussi que notre université allait connaître le comble de son malheur. La loi du nombre s'étant révélée payante pour les adeptes de l'à-peu-près et les apôtres du n'importe quoi, elle fut appliquée aux décisions scientifiques. Contre le bon sens et la pudeur, on votait alors la science dans les conseils scientifiques ! Et à main levée, en plus. Sans aucune gêne !
Inconscients des futures implications de cette démarche, et ne pouvant discerner entre l'effet de foule et la décision scientifique, les pouvoirs publics se frottaient les mains, tout contents d'avoir introduit ce qu'ils appelaient « la démocratie » à l'université alors que, cependant, des thèses inadmissibles et indéfendables obtenaient, grâce au vote, l'aval des conseils scientifiques pour être soutenues, et la médiocrité gagnait ainsi, grâce au vote, le droit de s'introduire et de s'installer longuement, définitivement, dans les amphithéâtres et les salles de cours.
Le nivellement par le bas était alors devenu la pratique courante et le « pourquoi pas moi » émergeait comme valeur nouvelle dans une université étourdie qui étonnait son monde et ne finissait pas d'en être déconcertée.
La médiocrité se reproduisant toujours à une échelle plus grande, on devine ce qui arriva. Les connaissances transmises étant parfois douteuses, l'évaluation des étudiants perdit de son sérieux et la motivation de ces derniers tombait tout simplement et le plus naturellement du monde.
Les concours n'étaient généralement pas honnêtes et les notes comportaient autant d'injustices que d'inconscience de la part de ceux qui, à travers la banalisation de la fonction de l'enseignant universitaire, se faufilaient doucement mais sûrement. L'université perdait ses idéaux et ses valeurs et aussi bien les étudiants que les enseignants y perdaient leurs repères.
Aujourd'hui, et après avoir continué sur cette triste lancée, on en est à ne plus pouvoir rejoindre une salle de cours sans entendre les vulgarités les plus exécrables et à ne plus pouvoir rejoindre un amphi sans remarquer des comportements des plus détestables. L'enseignant n'a plus de statut dans son université, il ne diffère en rien du gardien, du vaguemestre, du veilleur de nuit ou du plombier ! L'étudiant qui quémande les notes demande à intégrer les conseils scientifiques. En tout cas, ceux qui avaient « tissé la toile d'araignée » l'avaient bien fait. Nous sommes tous pris au piège de la médiocrité et de l'insensé et il n'est plus possible, pour ceux qui le veulent encore, de tenter quelque chose.
C'est aussi dans ces mêmes années quatre-vingt que l'enseignant s'était transformé en une machine à faire des contrôles et à effectuer des surveillances. Des partiels, un contrôle final, un contrôle de synthèse et autant de rattrapages que nécessaires.
On s'évertuait alors à faciliter au maximum la « réussite » des étudiants en ne leur comptant que les notes qui les arrangeaient, oubliant que, en faisant cela, on les condamnait à être incapables de faire face à la vie active. Mais peu importait, les conseils scientifiques votaient bien, le nombre de sortants gonflait les chiffres officiels et la fierté du système avec ! Preuve que l'université fonctionnait selon les décideurs. Aujourd'hui, vingt ans après le début du massacre, le bilan est terrible. Le diplôme universitaire ne vaut rien ou presque. Le statut d'enseignant universitaire ne signifie rien ou presque. Nos étudiants ne comprennent rien ou presque. Nos enseignants ne transmettent rien ou presque.
Déjà, à leur sortie des lycées, victimes d'une série de réformes mal pensées et peu prises au sérieux par leurs concepteurs mêmes, les étudiants n'ont pratiquement aucune formation. Jetés dans une université où plus personne ne sait ce qu'il a à y faire, ils sont encore victimes d'un système dont la confusion et la platitude se révèlent être les caractéristiques principales. Mais peu importe. Les flux se poussent les uns les autres, tout le monde réussit dans cette université qui ne peut plus rien donner.
Il n'est donc point étonnant aujourd'hui de voir la formation dispensée par notre université dénuée de ces concepts qui font la science, de cette analyse qui imprègne la rigueur scientifique et, surtout, de cette vue d'ensemble qui assoit les connaissances et les solidifie. Ah la Gestalt !
En fait, beaucoup d'entre eux ont tiré leur révérence. Pour le reste, il en est - et ils sont nombreux - qui sont partis ailleurs. Une manière de mourir en quelque sorte. Parmi les autres, ceux qui continuent, tant bien que mal, à pousser comme ils peuvent ce corps inerte qu'est l'université aujourd'hui, il y a ceux qui ont déjà commencé à s'inscrire au registre des retraités et ceux qui, ne se sentant plus utiles dans une ère soulignée à l'encre de la médiocrité, se retirent tout simplement, une autre manière de s'éteindre. La relève ? Chacun a laissé ce qu'il a pu mais ils sont pratiquement tous ailleurs. Le petit nombre qui a préféré rester est dilué, totalement dilué dans l'océan de l'incompétence qui a commencé à déferler sur l'université depuis que l'ignorance s'est mise à éteindre la lumière de la science dans ce pays qui est le nôtre.
QU'EN EST-IL DE NOTRE UNIVERSITE ?
L'absence de maîtrise des concepts et la perte de la vue d'ensemble sont les deux failles principales qui caractérisent l'Université algérienne aujourd'hui; une université où, à force d'avoir banalisé les choses, on ne différencie plus le débat scientifique de la discussion de cafés du coin et où l'argumentaire, qui ne diffère d'ailleurs en rien des simples positions de principes, ne vise plus à convaincre mais seulement à brouiller et à... vaincre !
Le mal est ancien. Il a commencé lors des années quatre-vingt, lorsque la démagogie des décideurs les avait conduits à instaurer les élections pour les postes de responsabilité. Ces élections, et à l'image de toutes les autres se déroulant dans notre pays, avaient alors conduit à l'émergence du tribalisme, du « douarisme », du « archisme » et du clanisme à l'intérieur de ce qui fut réellement un haut lieu du savoir. La loi du nombre ayant prévalu, les plus nombreux imposaient leurs choix au détriment des compétences et des aptitudes. Une opération biaisée, comme disent les statisticiens.
Durant ces années quatre-vingt, l'incapacité propulsée à la tête de la majorité des instituts et des facultés avait annoncé le début d'une gestion catastrophique de l'Université algérienne. Une gestion sans implication et où l'informel allait prendre le pas sur le formel et l'officiel, étendant ainsi les possibilités d'intervention aux membres des clans, même lorsqu'ils ne faisaient pas partie de l'université elle-même. Une sorte de vision du dehors, comme diraient les littéraires.
Et c'est durant ces années aussi que notre université allait connaître le comble de son malheur. La loi du nombre s'étant révélée payante pour les adeptes de l'à-peu-près et les apôtres du n'importe quoi, elle fut appliquée aux décisions scientifiques. Contre le bon sens et la pudeur, on votait alors la science dans les conseils scientifiques ! Et à main levée, en plus. Sans aucune gêne !
Inconscients des futures implications de cette démarche, et ne pouvant discerner entre l'effet de foule et la décision scientifique, les pouvoirs publics se frottaient les mains, tout contents d'avoir introduit ce qu'ils appelaient « la démocratie » à l'université alors que, cependant, des thèses inadmissibles et indéfendables obtenaient, grâce au vote, l'aval des conseils scientifiques pour être soutenues, et la médiocrité gagnait ainsi, grâce au vote, le droit de s'introduire et de s'installer longuement, définitivement, dans les amphithéâtres et les salles de cours.
Le nivellement par le bas était alors devenu la pratique courante et le « pourquoi pas moi » émergeait comme valeur nouvelle dans une université étourdie qui étonnait son monde et ne finissait pas d'en être déconcertée.
La médiocrité se reproduisant toujours à une échelle plus grande, on devine ce qui arriva. Les connaissances transmises étant parfois douteuses, l'évaluation des étudiants perdit de son sérieux et la motivation de ces derniers tombait tout simplement et le plus naturellement du monde.
Les concours n'étaient généralement pas honnêtes et les notes comportaient autant d'injustices que d'inconscience de la part de ceux qui, à travers la banalisation de la fonction de l'enseignant universitaire, se faufilaient doucement mais sûrement. L'université perdait ses idéaux et ses valeurs et aussi bien les étudiants que les enseignants y perdaient leurs repères.
Aujourd'hui, et après avoir continué sur cette triste lancée, on en est à ne plus pouvoir rejoindre une salle de cours sans entendre les vulgarités les plus exécrables et à ne plus pouvoir rejoindre un amphi sans remarquer des comportements des plus détestables. L'enseignant n'a plus de statut dans son université, il ne diffère en rien du gardien, du vaguemestre, du veilleur de nuit ou du plombier ! L'étudiant qui quémande les notes demande à intégrer les conseils scientifiques. En tout cas, ceux qui avaient « tissé la toile d'araignée » l'avaient bien fait. Nous sommes tous pris au piège de la médiocrité et de l'insensé et il n'est plus possible, pour ceux qui le veulent encore, de tenter quelque chose.
C'est aussi dans ces mêmes années quatre-vingt que l'enseignant s'était transformé en une machine à faire des contrôles et à effectuer des surveillances. Des partiels, un contrôle final, un contrôle de synthèse et autant de rattrapages que nécessaires.
On s'évertuait alors à faciliter au maximum la « réussite » des étudiants en ne leur comptant que les notes qui les arrangeaient, oubliant que, en faisant cela, on les condamnait à être incapables de faire face à la vie active. Mais peu importait, les conseils scientifiques votaient bien, le nombre de sortants gonflait les chiffres officiels et la fierté du système avec ! Preuve que l'université fonctionnait selon les décideurs. Aujourd'hui, vingt ans après le début du massacre, le bilan est terrible. Le diplôme universitaire ne vaut rien ou presque. Le statut d'enseignant universitaire ne signifie rien ou presque. Nos étudiants ne comprennent rien ou presque. Nos enseignants ne transmettent rien ou presque.
Déjà, à leur sortie des lycées, victimes d'une série de réformes mal pensées et peu prises au sérieux par leurs concepteurs mêmes, les étudiants n'ont pratiquement aucune formation. Jetés dans une université où plus personne ne sait ce qu'il a à y faire, ils sont encore victimes d'un système dont la confusion et la platitude se révèlent être les caractéristiques principales. Mais peu importe. Les flux se poussent les uns les autres, tout le monde réussit dans cette université qui ne peut plus rien donner.
Il n'est donc point étonnant aujourd'hui de voir la formation dispensée par notre université dénuée de ces concepts qui font la science, de cette analyse qui imprègne la rigueur scientifique et, surtout, de cette vue d'ensemble qui assoit les connaissances et les solidifie. Ah la Gestalt !
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