Le Soir d'Algérie
Par Leïla Aslaoui
Le gouvernement s’engage à poursuivre résolument la politique de réconciliation nationale sous la haute autorité du président de la République”. Tel est l’axe principal du programme présidentiel — puisqu’il en est la note introductive que le gouvernement est chargé de mettre en œuvre.
Abdelaziz Bouteflika décide, Abdelaziz Ziari vote, Abdelaziz Belkhadem exécute. “Poursuivre la politique de réconciliation” signifie l’application de plus en plus clémente, de plus en plus étendue de la charte bouteflikienne aux égorgeurs de nourrissons, de femmes, d’intellectuels, de journalistes, des forces de sécurité, des membres de la communauté chrétienne, aux violeurs, aux poseurs de bombes, aux massacreurs de populations, aux destructeurs et pyromanes de l’Algérie. Ceux-là et ceux qui les ont soutenus, financés, applaudis ont été ou seront amnistiés. C’est-à-dire par volonté unilatérale de Abdelaziz Bouteflika leurs infractions ont été — seront — totalement effacées et n’ont jamais été commises.
Tout cela sans jugement, sans sanction pénale, sans repentance publique de ces criminels, affublés, néanmoins, par le pouvoir du qualificatif de “repentis”. Tout cela accompagné de la mansuétude et du pardon présidentiels. Celui-là même que de nombreuses familles des victimes du terrorisme n’accordent jamais aux bourreaux. Abdelaziz Bouteflika a d’ailleurs fort bien compris que celles-ci (familles des victimes) ne lui feront jamais ce “cadeau”. Raison pour laquelle il déclara : “Si les victimes refusent de pardonner, nous, nous pardonnons.” Comprendre : “Je ne suis pas le président de tous les Algériens comme supposé. Les familles rebelles à la mascarade des embrassades avec les assassins de leurs proches n’ont qu’à “se cogner” la tête contre les murs, moi, Abdelaziz Bouteflika le réconciliateur, j’ai décidé de les anoblir, de les blanchir (les assassins). Ils ne seront pas poursuivis pénalement et bénéficieront de mes largesses.”
Ces quelques rappels brièvement évoqués, s’ils permettent de lutter contre l’amnésie, un mal algérien et fort répandu, posent surtout un autre problème. Celui de savoir pour quelles raisons le premier magistrat du pays si sûr de lui, si convaincu de sa politique réconciliatrice et de son succès, éprouve-t-il le besoin d’insérer cette mise en garde ou plutôt cette mesure répressive : “Le gouvernement entend renforcer sa vigilance pour s’opposer à toutes les velléités visant à contrecarrer la politique de réconciliation nationale d’où qu’elles viennent ?” Pourquoi ces précisions puisqu’il avait été annoncé au son des tambours que le peuple avait souscrit à 98% à cette mascarade ? Que représentent donc 2% de “traîtres” et “anti-nationalistes” ? Pourquoi ces précisions puisque le chef de l’Etat avait déclaré lors d’un meeting avant référendum dans l’est du pays qu’il était soutenu par de nombreux réconciliateurs dont des formations politiques (les signataires du contrat de Rome en janvier 1995, notamment), des associations dont celles de certaines familles des victimes du terrorisme ? Sans oublier les nombreux courtisans et opportunistes de tous bords prêts à tout pour un strapontin, ou un siège éjectable. De quoi a-t-il alors peur ? De qui a-t-il peur puisqu’il est si sûr de la justesse de sa démarche et de son succès sur le terrain ?
Abdelaziz Bouteflika est parfaitement conscient que le score de 98% n’est pas le fait du peuple et qu’il fut imposé à celui-ci. Abdelaziz Bouteflika est parfaitement conscient que ses décrets, ses mises en garde, y compris d’éventuelles sanctions pénales ne feront jamais peur à ceux dont les convictions identiques jusqu’à leur dernier souffle. Ceux-là plus nombreux que ses “soutiens”, quoi que l’on pense, quoi que l’on dise, ne cesseront jamais de revendiquer leur droit à la justice. Ce qui les distingue de Abdelaziz Bouteflika et de Abdelaziz Belkhadem est qu’ils ont eu le courage d’affronter le terrorisme islamiste sans se cacher et sans fuir aux Emirats ou ailleurs.
Sincèrement, peut-on après cette résistance avec seulement nos voix et nos plumes avoir peur de quoi que ce soit et de qui que ce soit ? Abdelaziz Bouteflika est parfaitement conscient que la supposée association des victimes du terrorisme ne représente qu’elle-même puisqu’elle englobe celles et ceux qui ont entendu — et c’est leur droit et leur choix — brader la mémoire de leurs proches assassinés, pour quelques éphémères avantages matériels. C’est précisément parce qu’il sait que la paix des cœurs mais surtout des mémoires ne se décrète pas, que l’initiateur de la politique réconciliatrice entend bâillonner à l’avenir (conformément, d’ailleurs, aux dispositions de la charte portant “paix et réconciliation nationale”, les opposants au mariage contre nature entre des bourreaux blanchis et leurs victimes. Ce n’est pas nouveau. Lorsque l’exécutif veut occulter les problèmes, il impose le silence.
N’a-t-il pas déjà malmené dans un passé récent des familles réclamant justice ? N’a-t-il pas interdit la tenue d’un séminaire à Alger initié par l’association “Djazaïrouna” de l’infatigable et admirable Chérifa Kheddar ? Il a tout de même eu lieu à Bruxelles ! La grande satisfaction des familles des victimes du terrorisme réside précisément dans cette mise en garde consistant pour le gouvernement de se montrer vigilant aux opposants de la réconciliation. Car elle signifie que l’exécutif et à sa tête Abdelaziz Bouteflika ne croit absolument pas en la faisabilité de sa politique. Elle signifie que l’avenir donnera indéniablement raison aux opposants de cette mascarade.
Ils ont d’ailleurs déjà eu raison, puisque de source officielle, l’on sait que des “amnistiés” ont repris le chemin du crime puisque non amendables. Ils ont déjà eu raison puisque les attentats ne se sont jamais arrêtés au quotidien, l’Armée nationale populaire traquant les islamistes dans tous les coins du pays. Et j’ose espérer que le 11 avril 2007 n’a pas déjà été oublié : les kamikazes étaient des Algériens. Ce n’était pas des fantômes. A l’avenir, ils auront encore raison, car comment penser un seul instant que des enfants de victimes ayant assisté impuissants à l’exécution de leurs pères panseront leurs blessures sans justice et sans vérité ? La mise en garde est la victoire des familles des victimes du terrorisme et ceux, nombreux, parmi les irréductibles républicains qui les soutiennent. Elle est la faiblesse et la défaite annoncée d’un exécutif qui a peur. Parce qu’il panique, il menace. Nous empêchera-t-il de dire que la réconciliation est la pire des injustices infligée à ces mêmes familles des victimes ? Certainement pas.
Car se taire comme le voudrait l’initiateur de la réconciliation nationale, ce serait piétiner et trahir la mémoire de nos époux, nos frères, nos sœurs, nos mères, nos enfants, nos amis dont nous sommes très fiers même si leur blessure est indélébile. Les seuls auxquels la parole devrait être confisquée ce sont ceux qui se sont dit très fiers d’avoir été des assassins. Mais que dis-je ! Ceux-là ont droit aux honneurs et aux “droits sociaux”. Nous, il nous reste la parole et il n’est pas question de renoncer à cette parole. C’est notre vigilance. Notre vigilance qui n’est évidemment pas celle de l’Exécutif.
D’ailleurs, le même Exécutif devrait savoir que ses menaces à l’encontre des opposants à la réconciliation ou autres domaines ne porte plus. Il lui suffit de se reporter à la date du 16 juin 2007 et il comprendra que le rassemblement de républicains initié par le Comité des libertés Mohamed Benchicou à la Maison de la presse pour la remise de prix à un journaliste syrien détenu dans les geôles de son pays pour “avoir dit et écrit” et à titre posthume au correspondant d’ El Watan Abdelhak Beliardouh, poussé au suicide par la mafia locale de Tébessa et décédé le 20 novembre 2002. Nous étions tous là.
A suivre
Par Leïla Aslaoui
Le gouvernement s’engage à poursuivre résolument la politique de réconciliation nationale sous la haute autorité du président de la République”. Tel est l’axe principal du programme présidentiel — puisqu’il en est la note introductive que le gouvernement est chargé de mettre en œuvre.
Abdelaziz Bouteflika décide, Abdelaziz Ziari vote, Abdelaziz Belkhadem exécute. “Poursuivre la politique de réconciliation” signifie l’application de plus en plus clémente, de plus en plus étendue de la charte bouteflikienne aux égorgeurs de nourrissons, de femmes, d’intellectuels, de journalistes, des forces de sécurité, des membres de la communauté chrétienne, aux violeurs, aux poseurs de bombes, aux massacreurs de populations, aux destructeurs et pyromanes de l’Algérie. Ceux-là et ceux qui les ont soutenus, financés, applaudis ont été ou seront amnistiés. C’est-à-dire par volonté unilatérale de Abdelaziz Bouteflika leurs infractions ont été — seront — totalement effacées et n’ont jamais été commises.
Tout cela sans jugement, sans sanction pénale, sans repentance publique de ces criminels, affublés, néanmoins, par le pouvoir du qualificatif de “repentis”. Tout cela accompagné de la mansuétude et du pardon présidentiels. Celui-là même que de nombreuses familles des victimes du terrorisme n’accordent jamais aux bourreaux. Abdelaziz Bouteflika a d’ailleurs fort bien compris que celles-ci (familles des victimes) ne lui feront jamais ce “cadeau”. Raison pour laquelle il déclara : “Si les victimes refusent de pardonner, nous, nous pardonnons.” Comprendre : “Je ne suis pas le président de tous les Algériens comme supposé. Les familles rebelles à la mascarade des embrassades avec les assassins de leurs proches n’ont qu’à “se cogner” la tête contre les murs, moi, Abdelaziz Bouteflika le réconciliateur, j’ai décidé de les anoblir, de les blanchir (les assassins). Ils ne seront pas poursuivis pénalement et bénéficieront de mes largesses.”
Ces quelques rappels brièvement évoqués, s’ils permettent de lutter contre l’amnésie, un mal algérien et fort répandu, posent surtout un autre problème. Celui de savoir pour quelles raisons le premier magistrat du pays si sûr de lui, si convaincu de sa politique réconciliatrice et de son succès, éprouve-t-il le besoin d’insérer cette mise en garde ou plutôt cette mesure répressive : “Le gouvernement entend renforcer sa vigilance pour s’opposer à toutes les velléités visant à contrecarrer la politique de réconciliation nationale d’où qu’elles viennent ?” Pourquoi ces précisions puisqu’il avait été annoncé au son des tambours que le peuple avait souscrit à 98% à cette mascarade ? Que représentent donc 2% de “traîtres” et “anti-nationalistes” ? Pourquoi ces précisions puisque le chef de l’Etat avait déclaré lors d’un meeting avant référendum dans l’est du pays qu’il était soutenu par de nombreux réconciliateurs dont des formations politiques (les signataires du contrat de Rome en janvier 1995, notamment), des associations dont celles de certaines familles des victimes du terrorisme ? Sans oublier les nombreux courtisans et opportunistes de tous bords prêts à tout pour un strapontin, ou un siège éjectable. De quoi a-t-il alors peur ? De qui a-t-il peur puisqu’il est si sûr de la justesse de sa démarche et de son succès sur le terrain ?
Abdelaziz Bouteflika est parfaitement conscient que le score de 98% n’est pas le fait du peuple et qu’il fut imposé à celui-ci. Abdelaziz Bouteflika est parfaitement conscient que ses décrets, ses mises en garde, y compris d’éventuelles sanctions pénales ne feront jamais peur à ceux dont les convictions identiques jusqu’à leur dernier souffle. Ceux-là plus nombreux que ses “soutiens”, quoi que l’on pense, quoi que l’on dise, ne cesseront jamais de revendiquer leur droit à la justice. Ce qui les distingue de Abdelaziz Bouteflika et de Abdelaziz Belkhadem est qu’ils ont eu le courage d’affronter le terrorisme islamiste sans se cacher et sans fuir aux Emirats ou ailleurs.
Sincèrement, peut-on après cette résistance avec seulement nos voix et nos plumes avoir peur de quoi que ce soit et de qui que ce soit ? Abdelaziz Bouteflika est parfaitement conscient que la supposée association des victimes du terrorisme ne représente qu’elle-même puisqu’elle englobe celles et ceux qui ont entendu — et c’est leur droit et leur choix — brader la mémoire de leurs proches assassinés, pour quelques éphémères avantages matériels. C’est précisément parce qu’il sait que la paix des cœurs mais surtout des mémoires ne se décrète pas, que l’initiateur de la politique réconciliatrice entend bâillonner à l’avenir (conformément, d’ailleurs, aux dispositions de la charte portant “paix et réconciliation nationale”, les opposants au mariage contre nature entre des bourreaux blanchis et leurs victimes. Ce n’est pas nouveau. Lorsque l’exécutif veut occulter les problèmes, il impose le silence.
N’a-t-il pas déjà malmené dans un passé récent des familles réclamant justice ? N’a-t-il pas interdit la tenue d’un séminaire à Alger initié par l’association “Djazaïrouna” de l’infatigable et admirable Chérifa Kheddar ? Il a tout de même eu lieu à Bruxelles ! La grande satisfaction des familles des victimes du terrorisme réside précisément dans cette mise en garde consistant pour le gouvernement de se montrer vigilant aux opposants de la réconciliation. Car elle signifie que l’exécutif et à sa tête Abdelaziz Bouteflika ne croit absolument pas en la faisabilité de sa politique. Elle signifie que l’avenir donnera indéniablement raison aux opposants de cette mascarade.
Ils ont d’ailleurs déjà eu raison, puisque de source officielle, l’on sait que des “amnistiés” ont repris le chemin du crime puisque non amendables. Ils ont déjà eu raison puisque les attentats ne se sont jamais arrêtés au quotidien, l’Armée nationale populaire traquant les islamistes dans tous les coins du pays. Et j’ose espérer que le 11 avril 2007 n’a pas déjà été oublié : les kamikazes étaient des Algériens. Ce n’était pas des fantômes. A l’avenir, ils auront encore raison, car comment penser un seul instant que des enfants de victimes ayant assisté impuissants à l’exécution de leurs pères panseront leurs blessures sans justice et sans vérité ? La mise en garde est la victoire des familles des victimes du terrorisme et ceux, nombreux, parmi les irréductibles républicains qui les soutiennent. Elle est la faiblesse et la défaite annoncée d’un exécutif qui a peur. Parce qu’il panique, il menace. Nous empêchera-t-il de dire que la réconciliation est la pire des injustices infligée à ces mêmes familles des victimes ? Certainement pas.
Car se taire comme le voudrait l’initiateur de la réconciliation nationale, ce serait piétiner et trahir la mémoire de nos époux, nos frères, nos sœurs, nos mères, nos enfants, nos amis dont nous sommes très fiers même si leur blessure est indélébile. Les seuls auxquels la parole devrait être confisquée ce sont ceux qui se sont dit très fiers d’avoir été des assassins. Mais que dis-je ! Ceux-là ont droit aux honneurs et aux “droits sociaux”. Nous, il nous reste la parole et il n’est pas question de renoncer à cette parole. C’est notre vigilance. Notre vigilance qui n’est évidemment pas celle de l’Exécutif.
D’ailleurs, le même Exécutif devrait savoir que ses menaces à l’encontre des opposants à la réconciliation ou autres domaines ne porte plus. Il lui suffit de se reporter à la date du 16 juin 2007 et il comprendra que le rassemblement de républicains initié par le Comité des libertés Mohamed Benchicou à la Maison de la presse pour la remise de prix à un journaliste syrien détenu dans les geôles de son pays pour “avoir dit et écrit” et à titre posthume au correspondant d’ El Watan Abdelhak Beliardouh, poussé au suicide par la mafia locale de Tébessa et décédé le 20 novembre 2002. Nous étions tous là.
A suivre
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