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La dimension sociale de la prostitution en Algérie

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  • La dimension sociale de la prostitution en Algérie

    Le débat sur la prostitution transcende les clivages politiques en Algérie. Certains militent pour la sanction des prostituées/clients, d'autres les considèrent comme des «travailleurs sexuels». Au-delà de ces approches, on sous-estime souvent la dimension sociale du phénomène.

    Vendre son corps, ou plus exactement le louer pour un usage sexuel, constitue un des derniers recours possibles lorsque les moyens légitimes d'acquisition économique (principalement par le travail ou par des indemnités à caractère social) sont inaccessibles.

    La prostitution, qui relève d'ores et déjà de l'économie informelle, au même titre que des activités telles que le vol, la vente des drogues, etc., est le produit de l'absence des moyens alternatifs d'existence. Il résulte toujours d'une contrainte ou, au mieux, d'une adaptation résignée à une situation marquée par la détresse, le manque ou la violence.

    Cette dimension de contrainte se fait plus directement sentir au sein des couches les plus précaires et défavorisées: jeunes filles en errance, mères de famille isolées, surtout celles pour lesquelles les aides sociales (les indemnités comme l'IAIG, l'emploi salarié d'initiative locale à 2.500 dinars par mois, et autres) sont insuffisantes ou inaccessibles. Les unes et les autres ne voient souvent d'autre recours pour survivre ou faire survivre leurs enfants que d'accepter les sollicitations d'hommes proposant de payer un rapport sexuel.

    Mais la contrainte n'est pas qu'économique, elle peut aussi être celle, à des degrés divers, du chantage affectif et de la violence physique, surtout chez les proxénètes. Avec l'apparition du proxénétisme relevant du banditisme et l'effritement de l'image d'une société protégée par sa religion et ses coutumes traditionnelles, l'inaction est criminelle.

    Non seulement le proxénétisme, comme l'ensemble des activités relevant du banditisme, fournit une occasion d'enrichissement rapide pour les hommes dépourvus d'avenir dans l'économie légale, mais aussi la prostitution remplit un rôle similaire pour les femmes qui leur sont soumises. Que celles-ci aient été abusées par de fausses promesses d'emploi ou qu'elles aient été conscientes de quitter leur ville d'origine (fugue), elles sous-estiment la violence et l'exploitation auxquelles elles allaient être soumises, à la recherche d'une vie soi-disant meilleure.

    Cependant, toutes les prostituées ne sont pas soumises à des contraintes aussi directes et brutales. La frustration sociale constitue une autre importante logique d'entrée et de maintien dans ce phénomène. La prostitution représente en effet une des rares voies d'accès à un niveau de vie auquel une origine sociale modeste et un faible niveau de compétence professionnelle ne permettent pas d'arriver.

    Ayant, toujours dans la douleur, franchi le pas et accepté d'endosser l'indignité, certaines prostituées n'envisagent pas de quitter le métier, car elles savent pertinemment que le monde du travail leur est fermé, et que même l'accès à un emploi ne leur permettrait pas de maintenir le même niveau de revenus, malgré les maladies et les agressions et nonobstant les poursuites auxquelles elles sont tout particulièrement exposées. Donc, il faut que tout le monde sache qu'on ne se prostitue pas par plaisir.

    En ce sens, la prostitution relève pleinement de la logique de la désaffiliation sociale, située à l'écart du monde du travail et de ses protections. Elle représente une zone de vulnérabilité, tendue entre intégration et exclusion, au sein de laquelle les individus sont réduits à des activités dégradantes, risquées et souvent clandestines, pour ne pas totalement sombrer dans l'inexistence sociale. Dans ces conditions, on comprend que l'option du campement de la prostitution dans des lieux - maisons closes - ou des zones urbaines spécifiques soit dépourvue de pertinence, tout comme la répression du racolage. Elle a pour seul objectif de chasser la prostitution de l'espace public pour la reléguer dans des lieux clandestins ou des zones isolées, où les prostituées seront encore plus vulnérables.

    Est-il possible de dire qu'au vu des changements socio-économiques et culturels connus dans notre pays, nos attitudes envers cette catégorie de la société paraissent dépassées ? Qu'en pensez-vous ?

    Par Hamiani Mohammed Toufik, *Ex-Assistant du directeur de l'emploi de la wilaya de Mascara, par le Quotidien d'Oran
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