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Le baccalauréat: «bacca laurea» ou «bihaqq al-riwaya» ?

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  • Le baccalauréat: «bacca laurea» ou «bihaqq al-riwaya» ?

    Le mot baccalauréat dérive du latin médiéval «bacca laurea», qui signifiait «baie de laurier», une couronne qui symbolise la réussite. En effet, dans l'Antiquité, le laurier était un emblème de victoire.

    Aussi, les Roumains en firent l'emblème de la gloire, aussi bien des armes que de l'esprit. C'est à ce titre que Jules César arborait impérialement ce mythique «diadème emblème». En outre, le laurier passait, autrefois, pour protéger de la foudre: qualité corrélative de la première. Arbuste consacré à Apollon, son feuillage sert à couronner les héros, les génies et les sages. Arbre apollinien, il signifie aussi les conditions spirituelles de la victoire, la sagesse unie à la l'héroïsme.

    En Grèce, ceux qui avaient obtenu de la Pythie une réponse favorable s'en retournaient chez eux avec une couronne de laurier sur la tête. A noter qu'on donnait le nom de Pythie, en liaison avec le serpent Python, à la Sibylle qui, assise sur le trépied, prophétisait à Delphes au nom d'Apollon. Indiquons dans ce contexte qu'en Algérie, et plus exactement chez les Béni-Snous, dans la région de Tlemcen, c'est d'une baguette de laurier-rose que s'arment les porteurs de masques, lors du traditionnel carnaval organisé à l'occasion de la fête de Ennayer. Le choix de cet arbuste n'est pas indifférent du fait que les paysans lui attribuent des vertus occultes d'autant que ses rameaux représentent des talismans protecteurs écartant toutes les forces malfaisantes.

    Après ce flash-back ou plutôt ce bref voyage dans la mythologie grecque et les rites agraires maghrébins, revenons à l'histoire contemporaine du baccalauréat, en l'occurrence en France. C'est en 1809 sous le règne de Napoléon que le baccalauréat a vu le jour. A l'époque, ce prestigieux examen était réservé exclusivement aux fils de la bourgeoisie et de la noblesse. Il constituait un insigne privilège pour ces jeunes «baccalaurius» qui formaient une élite sociale alors qu'il était formellement interdit à la plèbe, aux fils de roturiers, voués au système «reproductif» du «servage agraire».

    A l'origine, le baccalauréat n'existait que sous une seule forme, le baccalauréat littéraire qui consistait à discuter d'un ou de deux écrivains latins. La première promotion ne compta que 31 reçus sur 41 candidats, tous des garçons; à noter qu'à cette époque-là (19ème siècle), les filles n'avaient pas le droit de concourir, c'était un domaine exclusivement masculin, un examen sexiste en fait. Ce n'est qu'avec l'avènement de l'école publique et gratuite que l'effectif des candidats au bac va augmenter, et ce au fil des années, et c'est vers 1954 que les données relatives au baccalauréat vont changer: le baccalauréat classique et le baccalauréat moderne avec l'entrée en médiéval «baccalareus» ou «baccalaureus» dont dérive le terme français «baccalauréat». Le professeur Guillaume fit remarquer que l'explication qui fait dériver ce terme du latin «vassa» (une vache) ne peut être prise au sérieux. Il suggéra que «baccalaureus» pourrait bien être une défectueuse transposition en latin d'une expression arabe comme par exemple «bihaqq al-riwaya», signifiant le droit de transmettre une science. En effet, bien des termes arabes sont passés déformés dans le latin du Moyen âge, et dans les autres langues européennes, dans lesquelles ils sont encore en usage aujourd'hui. Parmi ces termes, on trouve des mots familiers comme «chèque» (de l'arabe «sakk»), «tarif» (ta'ref) et «amiral» (amir el'bahir) et bien d'autres. Il est à relever que Guillaume n'a jamais trouvé l'expression «bihaqq al-riwaya» dans aucun document arabe, et l'étymologie qu'il en propose ne peut être considérée que comme une conjecture intéressante. A ce propos, remarquez la similitude sémantique déconcertante par effet de translitération phonétique entre le mot latin «bacca» qui signifie «baie» et par extension «couronne», en l'occurrence de laurier, et le terme arabe «baqqa» qui veut dire «bouquet» et par extension «couronne» (de fleurs).

    Mais les dernières recherches des écrivains de nos jours dans les différent exemples de «ijazah» (licence) médiévale ont démontré que non seulement qu'une expression similaire à celle que suggère Guillaume était en usage dans des documents arabes de même type, mais aussi que cette expression était employée exactement dans le sens voulu par son étymologie proposée. La première «ijazah» (conservée dans un manuscrit de l'université de Cambridge) dans laquelle on trouve l'expression «bihaqq al-riwaya», date de l'année 1147; or, on ne trouve pas le terme «baccalaureus» en Europe, employé dans le sens «licencié», avant 1231, année où le système des degrés universitaires fut établi par la bulle «Parens Scientiarum» du pape Grégoire IX. Il paraît donc probable que le terme «bachelier» est dérivé de l'expression en usage dans les diplômes de l'université islamique.

    Quant à l'historique du baccalauréat en Algérie post-indépendance, notamment au plan institutionnel, le dit examen a été institué par décret 63-495 en date du 1er décembre 1963. L'arrêté ministériel du 31 décembre 1963 organisa le baccalauréat en arrêtant la nature des épreuves, leur durée et leurs coefficients en fixant le déroulement des examens, la correction des épreuves et les modalités de délibérations et proclamation des résultats. Il convient de préciser dans ce contexte que le baccalauréat était conditionné par l'examen dit probatoire qui était en vigueur jusqu'en 1969 et qui se déroulait au même titre que le bac en deux sessions. Le décret 68-46 du 8 février 1968 institua le baccalauréat technique (de technicien). L'arrêté interministériel en date du 24 novembre 1974 réorganisa l'examen du baccalauréat, cet arrêté constitue pour le moment le cadre de référence pour le baccalauréat. Depuis, d'autres arrêtés ministériels sont venus modifier ou compléter ce dernier. Pour l'institution éducative, enfin, le baccalauréat est l'aboutissement d'un cursus scolaire pendant lequel des investissements ont été consentis, des programmes d'enseignement appliqués aux élèves, il est pour l'institution l'un des instruments pour évaluer les résultats de ces investissements et de l'enseignement dispensé. Il faut dire qu'à ce jour, le baccalauréat est régi par tous ces décrets et arrêtés, malgré les dispositions de l'ordonnance du 16 avril 1976 et du décret 76-72 du 16 avril 1976 notamment ses articles 17 et 18 qui introduisent un diplôme de fin d'études secondaires intitulé «baccalauréat».

    Enfin, nous ne terminerons cette rétrospective de ce prestigieux examen qui, il faut le souligner, représente un événement national et constitue un sujet d'actualité, sans évoquer le nom de l'illustre Si-Mhammed Ben Rahel Ennadromi (16 mai 1858 - 7 octobre 1928) qui fut le premier Algérien à obtenir le baccalauréat au terme des études secondaires qu'il avait suivies au lycée impérial d'Alger où il fut admis en 1870.

    par Allal Bekkaï, PEF de français à la retraite. Le Quotidien d'Oran
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