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Pour la préservation des Ghouts en Algérie

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  • Pour la préservation des Ghouts en Algérie

    Les ghouts, comme El Oued qui les abrite, sont plusieurs fois millénaires. Ils symbolisent le parachèvement du génie de l’homme dans cette région au climat très hostile. Car ils représentent une technique agricole ancestrale, unique au monde, digne d’être protégée et encouragée. De ce procédé légué par la tradition, résulte un fruit d’une rare qualité: la datte du Ghout qui est exceptionnelle à tout point de vue. Dénommée «Bâali», cette dernière est «bio» et est particulièrement apte à supporter le conditionnement et se prête de manière exemplaire à la conservation.

    Puisque elle ne fermente pas, contrairement à deglet nour, que l’on voit le plus souvent à Tolga et Biskra. Ainsi, le ghout est une palmeraie en entonnoir qui exige un sol artificiel à un mètre de la nappe phréatique où le palmier ira puiser son eau. L’entretien du ghout, qui est entouré d’une haie de palmes pour arrêter l’avancée du sable, est un travail épuisant; sans cesse, il faut désensabler en rejetant le sable au-delà de l’entonnoir. Il fut souvent mené à la force des bras et à dos d’homme, sur plusieurs générations. A telle enseigne que le sable «rammal» est devenu le symbole du Souf et du labeur de ses hommes.

    Néanmoins, la préservation et la promotion de ce patrimoine séculaire s’avèrent très difficiles aujourd’hui. Notamment du fait du changement du mode de vie de la population et surtout de phénomènes naturels aggravés par l’extension implacable de la ville. Soit la remontée des eaux qui tue inexorablement ces palmeraies qui surgissent littéralement des sables. La menace est bien réelle désormais, surtout que l’on compte à El Oued plus de six mille fosses septiques.

    Un patrimoine universel

    La question de l’assainissement se pose plus que jamais avec acuité dans cette partie du pays, après le précédent de Sidi Mastour, un quartier situé sur la plus basse zone d’ El Oued et qui a vu jaillir l’eau des entrailles du sol. Le rejet des eaux usées dans le sable entraîne inexorablement la pousse d’une végétation particulière où domine le roseau. Ce qui rappelle de manière brutale que l’assainissement n’a pas suivi l’extension de cette ville de plus de 100.000 habitants.

    Au moment où certains pointent du doigt l’exploitation excessive des nappes phréatiques et les problèmes de pollution mal maîtrisés qui ont fini par affecter le développement de la région. Néanmoins, reste le réseau d’assainissement de Magrane qui est en cours de réalisation et sur lequel de grands espoirs sont portés pour la réhabilitation des Ghouts.

    Or, la conservation traditionnelle de ces espaces de vie en plein désert, tel que pratiqué par les anciens soufis, démontre donc que dans la plupart des cas, cette dernière s’exprime par des gestes et des actions très simples. Du coup, les moyens qui pourraient être mis en oeuvre par l’Etat, par l’intermédiaire d’acteurs capables de prendre en charge ce type de culture ancestrale, ne pourraient qu’être suffisants afin de sauver cet héritage unique.

    Aussi, cette dynamique de préservation doit-elle être portée par chaque individu et surtout par le mouvement associatif dont les actions sont d’un grand apport pour la réussite des politiques de protection et de promotion de ce patrimoine national, laissé en friche.

    Du moins c’est ce que tente de nous expliquer, dès notre arrivée dans la ville aux Mille coupoles, M.Zoubeïdi, un amoureux de cette région de la Grande Algérie et qui tient tellement à perpétuer ce mode de culture de la datte, au procédé rare et consubstantiel.

    Et c’est en sa compagnie que nous faisons la découverte de l’un de ces vestiges sylvicoles. En effet, de l’hôtel Louss, situé au centre-ville d’El Oued où nous résidons, nous gagnons plus au nord, la localité d’Ourmas, un paisible bourg où apparaissent çà et là des cultures maraîchères irriguées à l’aide du système à pivot.

    Parmi ces cultures, l’on retrouve la pomme de terre qui connaît un succès sans précédent. Dans la fraîcheur du soir, nous nous approchons d’un ghout, jadis espace de vie pour toute une communauté, comme en témoignent des maisons au style typiquement soufi et qui tentent de braver l’usure du temps. Ces dernières semblent encore intactes et renseignent de la vie communautaire qui y régnait jadis; des maisons individuelles à disposition concentrique font face à une mosquée. D’un autre âge, elles disposent encore de nombreux silos qui servaient pour la conservation de la datte et se révélaient autrefois précieux en temps de disette, alors qu’un profond puits les jouxte. Ces maisons au style mauresque, croupissent dans l’immensité saharienne qui suggère un silence impressionnant. Elles semblent néanmoins chargées d’histoire.

    C’est emplis de cette sérénité que seule procure la magie du désert, que nous gagnons, dans le crépuscule, la fameuse résidence Dhaouia, avec pour guide M.Zoubeïdi. Dhaouia est incontestablement l’une des splendeurs de cette ville mythique du Sud-Est algérien qu’est El Oued. Elle appartient à Djilali Mehri, richissime homme d’affaires et personnalité réellement attachante du Souf qui nous y a conviés. Nous y faisons une agréable halte avant de rejoindre notre séjour, à l’hôtel Louss. Ce dernier est un établissement hôtelier classé qui fait immédiatement face à une maison de jeunes baptisée Dar Dhaouia et mise en place par le groupe Mehri; de facture moderne et très bien équipée, elle intègre diverses activités tels la coiffure, l’artisanat et autres occupations culturelles et sportives. Elle renseigne énormément sur l’intérêt que porte M.Mehri à la dimension culturelle et sportive du Souf. D’autant qu’il a été le premier à soutenir le groupe sportif d’El Oued après le cessez-le feu. Alors qu’il continue à apporter un soutien actif au club actuel ainsi qu’au groupe scout de cette wilaya. A quelques encablures de cette dernière et le long de l’avenue Khemisti, la société de transport du même groupe et qui a réussi, la première, à désenclaver la cité d’El Oued en direction d’Alger et de Annaba.
    C’est après une bonne nuit de sommeil réparateur que nous poursuivons notre quête de vérité à propos des ghouts. Nous profitons de la fraîcheur du matin pour nous rendre une seconde fois à la résidence Dhaouia pour nous entretenir avec notre hôte.

    Nous apprenons alors l’existence d’un domaine agricole pilote dans la région, lequel compte, à lui seul, quelque 2900 palmiers. Mais également que la culture de l’olivier est une réalité à El Oued surtout qu’elle est assortie d’une huilerie, l’unique dans le Sud et qui distille une huile de qualité avec un faible taux d’acidité!

    Dans le sillage de cette énumération, l’on cite le fabuleux domaine d’El Hadjira de près de huit mille hectares et qui abrite un élevage de bovins et de caprins. Avec autant d’informations réunies, nous ne pouvons qu’être définitivement confortés dans l’idée que Oued Souf possède un potentiel agricole certain. Notre périple à El Oued tire à sa fin. En homme avisé et organisé, M.Zoubeidi, que la passion brûle de voir un jour les Ghouts renaître des... sables, attire notre attention sur l’existence d’une association qui milite pour la réhabilitation de la culture des ghouts. Elle a pour appellation Ghouts Oued Souf. Son leitmotiv est la relance, le développement et la protection du patrimoine phoenicicole des Ghouts, et oeuvre à éloigner les périmètres irrigués et à maintenir et développer la diversité génétique des différentes espèces cultivées dans les ghouts. De même qu’une large utilisation des sous-produits des palmiers et appelle à un soutien des pouvoirs publics à toute initiative tendant à de nouvelles créations de ghouts.

    Dans un vaste creux: les ghouts du Souf

    L’association tient par ailleurs à impliquer le citoyen à la culture «bio» du ghout, tout en encourageant l’habitat de proximité à ces derniers. Ainsi que la production animale en leur sein. L’objectif ultime étant de faire des ghouts un espace de vie, d’hospitalité, de rencontre et de poésie. C’est alors, et alors seulement, que le soufi, précise-t-on, se réconciliera avec lui-même et avec son histoire plusieurs fois millénaire. Dans notre sillage, nous somme, interpellés par des fellahs qui tiennent à rendre hommage aux premiers créateurs des ghouts en tant que système oasien ingénieux; ils demandent avec ferveur la réhabilitation du ghout dans toutes ses dimensions. D’abord, en mettant à leur disposition des terrains d’assiette aménagés en ghout, et l’octroi d’un soutien financier comparable aux autres cultures du Pnda (Plan national de développement agricole) et enfin, faire inscrire le ghout dans le patrimoine national en tant qu’oeuvre historique millénaire, unique au monde.
    El Oued est attachant, mais nous préférons le quitter à partir de l’aéroport de Guemar dans l’espoir d’y retourner un jour. El Oued, ville aux Mille coupoles. Ainsi, il fut surnommé par la journaliste et écrivaine Isabelle Eberhardt qui a également écrit: «Jamais en aucune contrée de la terre, je n’avais vu une ville se parer d’aussi magnifiques splendeurs.» El Oued 1901.

    Par L'Expression
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