Algérie, une guerre sans gloire. (Florence Beaugé)
C’est une lecture qui coïncide à juste titre avec le 5 juillet 2007, quarante cinquième anniversaires du recouvrement de l’indépendance de l’Algérie.
Le livre traite d’une enquête menée par Florence Beaugé, journaliste au journal le monde depuis 2000, soit six mois avant qu’elle entame son enquête. Elle est chargée de la couverture des pays du Maghreb au sein du service International. Auparavant, elle a travaillé pendant quinze ans sur le Proche-Orient et le conflit israélo-palestinien.
Dans cette enquête qui devait tourner autour de la recherche d’un ancien commandant (Richaud) affecté à la 10ème DP en tant que médecin que Louisette Ighilahriz voulait retrouver afin de lui témoigner sa reconnaissance pour le geste salutaire qu’il eu à son égard. Elle, qui a été malmenée, sauvagement torturée, humiliée et agressée dans son amour propre et dans son intégrité physique et mentale, elle qui a tant espéré la mort comme issue salutaire pour son honneur, a été sauvée in extremis par ce commandant qui a tout fait pour l’évacuer dans un hôpital pour qu’elle soit soignée et plus tard pour qu’elle prenne la fuite.
lire en page 125 :
«C’était la guerre » avance t on aujourd’hui pour excuser les exactions de l’armée française. Il faudrait savoir ! A l’époque, le terme de guerre était proscrit (ce qui permettait soit dit en passant, de se dispenser de respecter les conventions de Genève). Officiellement, la France faisait de la « pacification » et du « maintien de l’ordre »…même si pour cela elle utilisait du napalm, les déplacements massifs de populations (deux millions de personnes sur huit millions), la torture, les viols et les exécutions sommaires.
En tout état de cause, une démocratie n’est elle pas d’abord comptable de ses crimes, à l’aune de ses propres valeurs ? Et au nom de quoi les exactions perpétrées par l’autre camp nous exonèreraient elles des nôtres ?
Avant de rentrer dans les détails d’une enquête aussi bouleversante que frappante de par les vérités qu’elle a permis de sortir au grand jour, j’aimerai vous confier les points essentiels que j’ai retenus :
Le premier : pour répondre à cette masse d’algériens qui ont tendance à banaliser les sacrifices consentis par certaines et certains en vue du recouvrement final de l’indépendance de l’Algérie. Il est vrai, à cet effet que tout le peuple algérien a souffert d’une occupation qui est allé même jusqu’à lui dénier son identité arabo-musulmane mais il est vrai également que les sacrifices des uns, leurs extrêmes souffrances et leur brave résistance ne peut être mise sur la même balance que la souffrance de l’ensemble des algériens de cette époque. Aujourd’hui encore, cette tranche d’algériennes et d’algériens traîne les séquelles physiques et mentales d’atrocités commises sur leurs personnes. C’est comme si elles étaient obligées de cohabiter avec un passé monstrueux dans l’indifférence de ceux pour qui le combat a été consenti. Nous n’avons pas le droit de taire leurs sacrifices, ni de diminuer de sa valeur sous quelque prétexte qu’il soit.
Le second : c’est la première fois que j’arrive à mesurer à sa juste valeur, l’atrocité d’un viol commis sur une femme de manière générale et d’une résistante en particulier ainsi que les effets psychologiques dévastateurs qu’il est capable de produire dans l’esprit d’une femme qui ne peut ni avouer le mal profond qu’on lui a fait, ni espérer une réparation du préjudice causé au plan mental puisque les souvenirs sont toujours là pour raviver les douleurs des atrocités commises. Que l’on ne croit surtout pas qu’une pension de Moudjahida peut réparer le tort. Elle peut même être une source de souffrance d’une autre dimension.
lire en page 165 :
De ce traumatisme et des innombrables brutalités subies – notamment celles que Graziani lui infligera au siège de la 10ème DP – Baya ne se remettra jamais. «Nous avons eu l’indépendance de l’Algérie, mais à quel prix ! Dites le. Dites tout cela. Nous, on va disparaître demain. Parlez des femmes violées dans les montagnes, celles dont on n’a jamais rien su. Il faut que les générations montantes sachent ce qui s’est passé. La torture physique, ce n’est rien en comparaison de la torture morale. A 21 ans, quand vous êtes violée, vous êtes dilapidée dans votre corps. La mort, c’est la fin, mais la torture morale est une souffrance qui ne se termine jamais ! Vous comprenez ? J’admire les juifs qui n’arrêtent de dénoncer ce qu’ils ont subi autrefois. Nous, nous ne le disons pas assez. Ce que vous allez écrire, je le dédie à toutes les femmes. Qu’elles se soulèvent contre la guerre. Les hommes la font, mais ce sont les femmes qui en payent le prix ».
Baya el Kahla, vivant à Boufarik, réputée et connue pour sa bravoure et son dévouement pour la cause national a longtemps tu tous ls détails relatifs à sa torture aux viols qu'elle a subis. la connaissant, elle me paraissait une femme imperturbable, digne de faire face aux situations les plus critiques, ce qui est certainement vrai mais il y avait aussi la Baya qui souffrait mais dont la souffrance n'a été partagée avec personne, sauf peut etre avec ses compagnons de lutte dont certains que je connais.
Le troisième : que l’histoire de la guerre d’Algérie est encore loin de nous révéler tous ses secrets, qu’au fur et à mesure que les secrets les mieux gardés sont révélés l’intérêts qui lui sied grandit aux yeux des générations qui sont venues après, que les plaies qui ne sont jamais fermées vont pouvoir se fermer. Les cicatrices resteront mais les plaies se fermeront. Pour cela, il est exigé un effort de reconnaissance des deux cotés. Pas comme celui qui établit de manière unilatérale la mission civilisatrice de l’occupation française en Algérie.
lire en page 198 :
Ce n’est sans doute pas le passé mais le présent qui embrasse le pouvoir algérien. Sur la guerre de libération, les erreurs et les atrocités du FLN, il serait prêt à tout mettre sur la table ou presque (à l’exception de la question des harkis). Voila plusieurs années que les tabous ont commencé à être levés dans ce pays, il n’y a plus de « vérité officielle ». Le passé est examiné avec de moins en moins de complaisance. Des figures historiques, longtemps occultées, ont fait leur apparition. En juillet 1999, le Président Bouteflika a réhabilité les pères fondateurs du nationalisme algérien, Messali Hadj et Ferhat Abbas. Des débats ont lieu, des colloques se tiennent, à Alger comme en province. Les pires épisodes de la guerre de libération, tels le massacre de Mellouza, l’affaire de la « bleuite » - qui a vu plusieurs centaines de cadres de l’ALN torturés puis exécutés par leurs frères de combat – ou encore l’assassinat d’Abbane Ramdane sont ouvertement évoqués.
Cette enquête prouvera encore une fois que l’Etat Français, Etat Nation, grand défenseur des droits de l’homme, de la liberté, d’un état de droit, de la démocratie ; a été impliqué jusqu’aux os dans des pratiques de tortures, de viols et d’exécutions sommaires durant la guerre d’Algérie et qu’il ne suffit pas de reconnaître cette période comme étant une guerre pour que les plaies se referment.
fiche réalisée par K. Kamal (le 03.07.2007)
C’est une lecture qui coïncide à juste titre avec le 5 juillet 2007, quarante cinquième anniversaires du recouvrement de l’indépendance de l’Algérie.
Le livre traite d’une enquête menée par Florence Beaugé, journaliste au journal le monde depuis 2000, soit six mois avant qu’elle entame son enquête. Elle est chargée de la couverture des pays du Maghreb au sein du service International. Auparavant, elle a travaillé pendant quinze ans sur le Proche-Orient et le conflit israélo-palestinien.
Dans cette enquête qui devait tourner autour de la recherche d’un ancien commandant (Richaud) affecté à la 10ème DP en tant que médecin que Louisette Ighilahriz voulait retrouver afin de lui témoigner sa reconnaissance pour le geste salutaire qu’il eu à son égard. Elle, qui a été malmenée, sauvagement torturée, humiliée et agressée dans son amour propre et dans son intégrité physique et mentale, elle qui a tant espéré la mort comme issue salutaire pour son honneur, a été sauvée in extremis par ce commandant qui a tout fait pour l’évacuer dans un hôpital pour qu’elle soit soignée et plus tard pour qu’elle prenne la fuite.
lire en page 125 :
«C’était la guerre » avance t on aujourd’hui pour excuser les exactions de l’armée française. Il faudrait savoir ! A l’époque, le terme de guerre était proscrit (ce qui permettait soit dit en passant, de se dispenser de respecter les conventions de Genève). Officiellement, la France faisait de la « pacification » et du « maintien de l’ordre »…même si pour cela elle utilisait du napalm, les déplacements massifs de populations (deux millions de personnes sur huit millions), la torture, les viols et les exécutions sommaires.
En tout état de cause, une démocratie n’est elle pas d’abord comptable de ses crimes, à l’aune de ses propres valeurs ? Et au nom de quoi les exactions perpétrées par l’autre camp nous exonèreraient elles des nôtres ?
Avant de rentrer dans les détails d’une enquête aussi bouleversante que frappante de par les vérités qu’elle a permis de sortir au grand jour, j’aimerai vous confier les points essentiels que j’ai retenus :
Le premier : pour répondre à cette masse d’algériens qui ont tendance à banaliser les sacrifices consentis par certaines et certains en vue du recouvrement final de l’indépendance de l’Algérie. Il est vrai, à cet effet que tout le peuple algérien a souffert d’une occupation qui est allé même jusqu’à lui dénier son identité arabo-musulmane mais il est vrai également que les sacrifices des uns, leurs extrêmes souffrances et leur brave résistance ne peut être mise sur la même balance que la souffrance de l’ensemble des algériens de cette époque. Aujourd’hui encore, cette tranche d’algériennes et d’algériens traîne les séquelles physiques et mentales d’atrocités commises sur leurs personnes. C’est comme si elles étaient obligées de cohabiter avec un passé monstrueux dans l’indifférence de ceux pour qui le combat a été consenti. Nous n’avons pas le droit de taire leurs sacrifices, ni de diminuer de sa valeur sous quelque prétexte qu’il soit.
Le second : c’est la première fois que j’arrive à mesurer à sa juste valeur, l’atrocité d’un viol commis sur une femme de manière générale et d’une résistante en particulier ainsi que les effets psychologiques dévastateurs qu’il est capable de produire dans l’esprit d’une femme qui ne peut ni avouer le mal profond qu’on lui a fait, ni espérer une réparation du préjudice causé au plan mental puisque les souvenirs sont toujours là pour raviver les douleurs des atrocités commises. Que l’on ne croit surtout pas qu’une pension de Moudjahida peut réparer le tort. Elle peut même être une source de souffrance d’une autre dimension.
lire en page 165 :
De ce traumatisme et des innombrables brutalités subies – notamment celles que Graziani lui infligera au siège de la 10ème DP – Baya ne se remettra jamais. «Nous avons eu l’indépendance de l’Algérie, mais à quel prix ! Dites le. Dites tout cela. Nous, on va disparaître demain. Parlez des femmes violées dans les montagnes, celles dont on n’a jamais rien su. Il faut que les générations montantes sachent ce qui s’est passé. La torture physique, ce n’est rien en comparaison de la torture morale. A 21 ans, quand vous êtes violée, vous êtes dilapidée dans votre corps. La mort, c’est la fin, mais la torture morale est une souffrance qui ne se termine jamais ! Vous comprenez ? J’admire les juifs qui n’arrêtent de dénoncer ce qu’ils ont subi autrefois. Nous, nous ne le disons pas assez. Ce que vous allez écrire, je le dédie à toutes les femmes. Qu’elles se soulèvent contre la guerre. Les hommes la font, mais ce sont les femmes qui en payent le prix ».
Baya el Kahla, vivant à Boufarik, réputée et connue pour sa bravoure et son dévouement pour la cause national a longtemps tu tous ls détails relatifs à sa torture aux viols qu'elle a subis. la connaissant, elle me paraissait une femme imperturbable, digne de faire face aux situations les plus critiques, ce qui est certainement vrai mais il y avait aussi la Baya qui souffrait mais dont la souffrance n'a été partagée avec personne, sauf peut etre avec ses compagnons de lutte dont certains que je connais.
Le troisième : que l’histoire de la guerre d’Algérie est encore loin de nous révéler tous ses secrets, qu’au fur et à mesure que les secrets les mieux gardés sont révélés l’intérêts qui lui sied grandit aux yeux des générations qui sont venues après, que les plaies qui ne sont jamais fermées vont pouvoir se fermer. Les cicatrices resteront mais les plaies se fermeront. Pour cela, il est exigé un effort de reconnaissance des deux cotés. Pas comme celui qui établit de manière unilatérale la mission civilisatrice de l’occupation française en Algérie.
lire en page 198 :
Ce n’est sans doute pas le passé mais le présent qui embrasse le pouvoir algérien. Sur la guerre de libération, les erreurs et les atrocités du FLN, il serait prêt à tout mettre sur la table ou presque (à l’exception de la question des harkis). Voila plusieurs années que les tabous ont commencé à être levés dans ce pays, il n’y a plus de « vérité officielle ». Le passé est examiné avec de moins en moins de complaisance. Des figures historiques, longtemps occultées, ont fait leur apparition. En juillet 1999, le Président Bouteflika a réhabilité les pères fondateurs du nationalisme algérien, Messali Hadj et Ferhat Abbas. Des débats ont lieu, des colloques se tiennent, à Alger comme en province. Les pires épisodes de la guerre de libération, tels le massacre de Mellouza, l’affaire de la « bleuite » - qui a vu plusieurs centaines de cadres de l’ALN torturés puis exécutés par leurs frères de combat – ou encore l’assassinat d’Abbane Ramdane sont ouvertement évoqués.
Cette enquête prouvera encore une fois que l’Etat Français, Etat Nation, grand défenseur des droits de l’homme, de la liberté, d’un état de droit, de la démocratie ; a été impliqué jusqu’aux os dans des pratiques de tortures, de viols et d’exécutions sommaires durant la guerre d’Algérie et qu’il ne suffit pas de reconnaître cette période comme étant une guerre pour que les plaies se referment.
fiche réalisée par K. Kamal (le 03.07.2007)
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