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50 ans après l’affaire Audin continue

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  • 50 ans après l’affaire Audin continue

    50 ans après l’affaire Audin continue
    Josette Audin, la douceur et l’entêtement

    Josette Audin habite aujourd’hui dans la banlieue parisienne un trois-pièces qui lui ressemble : modeste et - discret. Aux murs du salon, des photos : Maurice, avec la beauté de l’éternelle jeunesse qui reste de lui, les trois enfants, Michèle, Pierre et Louis, disparu l’an dernier, et les petits-enfants.

    Josette peut apparaître comme quelqu’un dont la vie s’est arrêtée, comme pétrifiée, il y a cinquante ans à Alger, quand l’horrible nouvelle de la mort de son mari lui a été connue. Mais il faut suffisamment la connaître pour savoir que la douceur de celle qui n’élève jamais la voix cache un entêtement profond : c’est elle qui a confié tous les éléments nécessaires à Pierre Vidal— Naquet lorsqu’il a publié l’Affaire Audin et qu’est né le comité du même nom. L’écho, plus récent, de l’Appel des douze contre la torture, publié dans l’Humanité le 31 octobre 2000, a ravivé son espoir.

    En ce mois de juin 2007, une seule chose lui importait : que ne passe pas inaperçu le cinquantième anniversaire de la mort de Maurice. De sa lettre ouverte au président de la République, elle a soupesé chaque phrase, chaque mot. Dont un qui lui tenait à coeur : le mot condamnation. La mort de l’être aimé lui a désigné son ennemie à vie : la torture.

    Charles Silvestre

  • #2
    «Où est Maurice Audin? Où est-il?»

    «Où est Maurice Audin? Où est-il?»

    La disparition du communiste torturé par les paras reste un mystère.

    Brigitte Vital-Durand, Libération, 28 novembre 2001

    La mémoire de Maurice Audin, disparu l'été 1957 dans la bataille d'Alger, hante depuis deux jours le tribunal correctionnel de Paris. Qu'est devenu ce jeune mathématicien communiste, enlevé puis torturé par les parachutistes français sous les ordres du général Massu? Il s'est évadé, a dit l'armée, dont l'un de ses représentants, le général Paul Aussaresses, 83 ans, est jugé depuis lundi pour «complicité d'apologie de crimes de guerre». Les parachutistes l'ont assassiné, affirment les amis d'Audin et son épouse Josette, qui l'a vu partir entre deux paras, et qui ne l'a jamais vu revenir.

    Dans le livre de «révélations» sur la torture en Algérie pour lequel il est poursuivi, Services spéciaux. Algérie. 1955-1957, Aussaresses se contente d'écrire qu'Audin «disparut le 21 juin». «Pour moi qui étais un de ses amis intimes, dire qu'il ne sait pas comment Audin est mort est un mensonge insoutenable», s'est indigné hier Henri Alleg, journaliste, militant communiste, qui fut lui aussi torturé par les parachutistes l'été 1957. L'ancien directeur d'Alger républicain a 80 ans. Sa colère est intacte: «Aussaresses sait parfaitement qui a tué Audin, et comment il a été tué. On peut parler de révélations bien sélectives.» Alleg n'a pas caché au tribunal son mépris pour les souvenirs du vieux général: «Je ne suis absolument pas d'accord pour dire que ce livre a une quelconque utilité. Il est nocif. Il intéressera beaucoup plus les psychologues que les historiens.» «C'est comme lors des procès de Moscou, ironise l'avocat d'Aussaresses, Gilbert Collard, vous êtes en train de nous dire que le général est un malade mental.»

    Malade non, mais silencieux. La veille, l'historien Pierre Vidal-Naquet, qui avait démontré dès 1957 la fabrication du mensonge de l'armée dans l'Affaire Audin, avait demandé solennellement au vieux général de dire la vérité. Aussaresses s'était tu. Comme il s'est tu hier, lorsque Simone de Bollardière, 79 ans, veuve du général, seul officier de son rang à avoir refusé de recourir à la torture, l'a supplié de parler. «Est-ce que je peux poser une question?», a demandé ce témoin des parties civiles. La présidente acquiesce. Alors, elle élève la voix, pleine de courage: «Où est Maurice Audin? Qui l'a tué? Je connais madame Audin, quand je la vois, je suis bouleversée, vous la martyrisez avec vos mensonges. Où est Maurice Audin?», répète-t-elle encore. «Où l'avez-vous mis? Ben M'Hidi (l'un des chefs du FLN), vous avez dit que vous l'avez pendu et enterré dans le jardin. Audin, où l'avez-vous mis?»

    «Compassion». «Monsieur Aussaresses, levez-vous», ordonne le tribunal. Le vieux soldat se dresse, les bras le long de corps, et tourne son œil valide vers Simone de Bollardière: «Bien qu'étant très proche du général Massu, je ne pouvais pas tout savoir, j'avais autre chose à faire.» Elle l'interrompt, furieuse: «Vous avez quand même torturé Henri Alleg!» Il nie: «A ce moment-là, il y avait des attentats imputables au FLN et non au Parti communiste algérien. Pour moi, ces hommes ne représentaient pas un intérêt majeur.» Il ne restait à Simone de Bollardière qu'à défendre son amie Josette Audin: «J'ai une compassion énorme pour elle, tout le monde lui a menti. Oui, madame la présidente, ça me rend malade.»

    «En paix». Plus tard, Paul Aussaresses dira au tribunal qu'il n'a pas écrit ses «souvenirs», où il assume actes de torture et exécutions sommaires, comme un livre de confessions. «Je n'ai jamais éprouvé le besoin de soulager ma conscience», affirme-t-il. «Votre conscience est-elle en paix?» interroge la présidente. «C'est ça», répond le vieil homme en se rasseyant sur le banc des prévenus, comme indifférent.

    Le général Maurice Schmitt, chef d'état-major des armées de 1987 à 1991, ancien d'Algérie cité par la défense, est persuadé que ce livre est l'œuvre d'un «homme fatigué», «enregistré et rédigé par une plume auxiliaire qui n'est pas celle d'un officier supérieur». Lui ne l'aurait jamais écrit, ni publié. Il se demande même si le livre a été «provoqué». Par qui? Dans quel but? Il ne sait pas, jette le doute. Maurice Schmitt a contesté le témoignage de Louisette Ighilahriz, citée par les parties civiles. Cette militante du FLN a consacré un livre au récit des tortures qu'elle a subies de la part des paras français. Et a reconnu hier que s'il avait «le choix entre sauver une centaine d'innocents et procéder à un interrogatoire sévère d'un coupable avéré», il n'hésiterait pas: «Je choisis l'interrogatoire, au risque de perdre une partie de mon âme.».

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