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Le suicide des jeunes au 3è congrès franco-algérien de psychiatrie

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  • Le suicide des jeunes au 3è congrès franco-algérien de psychiatrie

    Chaque, en France, 1 200 jeunes mettent fin à leur jour. Un chiffre probablement bien en deçà de la réalité car certains accidents de la circulation et d'autres morts violentes sont en fait des suicides déguisés. Sans parler des tentatives, qui concerneraient près de 40 000 adolescents par an. Le suicide des jeunes a été longuement abordé à l'occasion du troisième congrès franco-algérien de psychiatrie, qui s'est tenu en juin à Montpellier.

    « Nous avons chaque jour une dizaine de nouvelles demandes de prise en charge de jeunes patients après une tentative de suicide (TS) pour la seule agglomération de Lille-Roubaix, qui compte 1,2 million d'habitants », indique Frédéric Kauchman, responsable d'une unité pour adolescents à Lille. Selon lui, 9 % des 14-19 ans ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours, un tiers va récidiver et un dixième de ceux qui ont fait une tentative en meurent. C'est dire la gravité du phénomène.

    Si les TS concernent trois filles pour un garçon, la mortalité est plus importante chez ces derniers, qui ont souvent des conduites parasuicidaires (notamment les accidents).

    Quant aux causes avancées par ceux qui viennent d'attenter à leurs jours, elles sont multiples. Ruptures sentimentales répétées, échec scolaire et surtout conflits familiaux, ces derniers étant plus aigus quand ils surviennent dans des familles monoparentales. Mais, pour le Dr Frédéric Kochman, « ces TS surviennent en conjonction avec une dépression créée par un conflit chronique grave. Il est essentiel de ne pas méconnaître l'importance des antécédents dépressifs familiaux ».

    Les jeunes dont un parent a souffert de troubles bipolaires (alternance d'exaltation puis d'abattement) seraient six fois plus exposés à un accès dépressif avec risque suicidaire. Et 30 % de ceux qui ont été confrontés à une dépression majeure avant l'âge de 18 ans inaugurent en fait un trouble bipolaire encore appelé maniacodépressif. « Or on n'en parle jamais », déplore ce spécialiste, alors qu'il s'agit d'une affection qui, si elle n'est pas traitée correctement, aura un retentissement considérable sur leur vie affective, familiale et professionnelle. 10 à 20 % d'entre eux finiront par se donner la mort.

    La prise en charge des jeunes suicidants passe avant tout par la psychothérapie. « La thérapie interpersonnelle (TIP), assez proche de la thérapie familiale, est particulièrement indiquée, assure le Dr Kochman. Brève et bien codifiée, elle se pratique à raison de douze à seize séances. Reconnue comme étant la plus efficace, elle est malheureusement fort peu utilisée en France. » Guère plus de 5 % de l'ensemble des pédopsychiatres y ont recours, faute de formation adéquate.

    Les médicaments ne devraient être prescrits qu'en deuxième ligne, après une psychothérapie infructueuse. « En cas de dépression avérée, il ne faut surtout pas donner de tricycliques (antidépresseurs de première génération) chez l'enfant ou l'adolescent, soutient ce pédopsychiatre. Car outre leur inefficacité démontrée à l'occasion de douze études différentes versus placebo, ils peuvent provoquer des cas de mort subite (par fibrillation ventriculaire) et ce même à dose thérapeutique. »

    Traitements à double tranchants

    Malheureusement, à l'heure actuelle, il est quasiment impossible de prescrire aux jeunes des antidépresseurs de deuxième génération (les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine). Car depuis la publication en 2004 d'études faisant état d'une augmentation légère d'un risque suicidaire (4 % versus 2 % pour le placebo) lors des premiers mois de traitement chez les adolescents, les autorités sanitaires de tous les pays ont interdit leur prescription aux moins de 15 ans voire aux moins de 18 ans selon les molécules.

    « C'est une aberration éthique, lance le Dr Kochman. Aujourd'hui, les médecins n'ont d'autre choix que de proposer à ces jeunes des molécules non seulement inefficaces mais parfois même mortelles. » À moins de se mettre hors la loi. « Or le risque de ne pas traiter une vraie dépression est bien supérieur à celui d'induire des idées suicidaires en prescrivant des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. »

    Autre difficulté, les prescriptions inadéquates. Traiter un banal chagrin d'amour avec des antidépresseurs pendant trois semaines chez un jeune est une aberration. « C'est un véritable danger car il y a là un risque suicidaire alors qu'un chagrin d'amour est par essence une non-dépression », ont mis en garde de nombreux psychiatres.

    Reste que la prise en charge des jeunes qui viennent d'attenter à leurs jours est très variable d'un centre de réanimation à un autre. Certains se contentent de leur donner une lettre les incitant à se rendre dans un centre médicopsychologique souvent saturé... sans plus. D'autres collaborent étroitement avec un pédopsychiatre de liaison qui pourra, si besoin suivre l'adolescent, voire l'hospitaliser si nécessaire. Encore faut-il qu'il y ait des places... « Sur l'agglomération de Lille-Roubaix, il n'y a pas un seul lit adapté à la prise en charge de ces jeunes en grande difficulté », regrette ce spécialiste, qui se bat pour obtenir dix lits d'hospitalisation...

    Une étude américaine réalisée sur plus de 100 000 personnes traitées pour dépression soulignait que les tentatives de suicide diminuent durant le premier mois (période à haut risque) à condition que les patients reçoivent des soins adaptés - antidépresseurs ou psychothérapie ou les deux. Cela a été montré aussi bien chez les jeunes (jusqu'à 24 ans) que chez les plus âgés.

    Par Le Figaro
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