« On peut faire l’amitié sans un traité d’amitié »
« Si j’ai souhaité faire très rapidement une première tournée maghrébine, c’est justement pour consulter nos partenaires de la rive sud, et en priorité ceux qui en constituent pour nous le cœur, dont l’Algérie, par laquelle je commencerai ma visite », c’est ainsi qu’a résumé M. Nicolas Sarkozy le but de sa visite en Algérie. Le président français a abordé lors de cet entretien, le premier du genre accordé à la presse maghrébine après son arrivée à la tête de la République Française, plusieurs dossiers, du traité d’amitié Algéro français à la coopération économique en passant par la coopération militaire ainsi que les questions d’immigration.
El Khabar : Monsieur le Président, vous allez vous rendre en Algérie, étape d'une tournée maghrébine, qui sera la première en dehors de l’Union Européenne. Concrètement, qu'attendez vous de cette visite d'autant qu'on a évoqué à maintes reprises le désir de Paris d'opérer une refondation dans ses relations avec Alger ? Qu'entendez vous par asseoir une relation exceptionnelle avec Alger alors que les rapports paraissent ternes sur le plan politique et que l’idée de “traité d’amitié” est abandonnée ?
Par ailleurs, vous avez proposé la mise en place d’une «Union Méditerranéenne». Sur quel type de construction un tel projet peut-il aboutir ? Est-il possible de parler d'une coopération avec la rive sud de la Méditerranée alors que l'Europe ressemble à une forteresse et pensez vous que la politique européenne de voisinage est à même d'être une alternative au processus de Barcelone qui a échoué ?
Nicolas Sarkozy : On peut faire l’amitié sans un traité d’amitié. Ce qui importe surtout, c’est de donner au partenariat entre les deux pays un contenu concret qui soit perceptible par les Algériens et par les Français. Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes fixé une feuille de route ambitieuse, mais aussi, je crois, réaliste, qui recouvre tous les domaines de la coopération entre les deux pays : formation des cadres, échanges économiques et investissements, énergie, coopération en matière militaire et de sécurité, circulation, etc. Nous avons aussi défini une méthode pour réaliser ce programme, comprenant une série d’échanges de visites aux niveaux politique et technique afin de faire mûrir tous ces projets en vue d’une autre visite que j’ai proposé au président Bouteflika de faire à la fin de cette année. Un objectif (le partenariat d’exception) ; un contenu ; une méthode pour sa mise en œuvre : voilà ce que je propose pour les relations franco-algériennes dans les prochains mois.
L’approfondissement de nos relations bilatérales avec chacun des partenaires du sud et la mise en chantier de l’Union méditerranéenne sont deux démarches complémentaires. La Méditerranée est notre deuxième espace de solidarité, après l’Europe, et les deux se recoupent d’ailleurs largement. La prospérité, la stabilité, la sécurité des deux rives de la Méditerranée sont interdépendantes. Notre histoire, notre vie culturelle, nos sociétés, sont mutuellement imprégnées. Notre mer commune est aussi un enjeu écologique majeur. Ensemble, nous pouvons faire mieux pour développer les échanges commerciaux, culturels et humains, prévenir les crises et mieux gérer celles qui existent déjà ou se déclarent. Vous m’interrogez sur l’architecture de ce projet. J’ai bien sûr quelques idées, mais elles sont encore préliminaires, et si j’ai souhaité faire très rapidement une première tournée maghrébine, c’est justement pour consulter nos partenaires de la rive sud, et en priorité ceux qui en constituent pour nous le cœur, dont l’Algérie, par laquelle je commencerai ma visite, et qui est appelée, si elle le veut bien, à jouer un rôle clé dans cette nouvelle initiative. Là aussi, il ne s’agira pas de refaire, ni de défaire, ce qui a déjà été fait, mais de redonner vigueur à ce qui existe, de voir quelles structures seraient les mieux à même d’assurer le pilotage du dispositif et de décider d’ores et déjà de quelques initiatives concrètes. Sur tout cela, les conseils et l’expérience du président Bouteflika me seront très précieux.
El Khabar : Dans l’une de vos déclarations vous dites : "Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine en soi et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres ". Cette manière de voir les choses n’est-elle pas un frein à une amélioration réelle des relations avec l’Algérie surtout qu’Alger demande à la France de reconnaître les crimes commis durant la colonisation qui a duré 132 ans ?
Nicolas Sarkozy : Les jeunes générations, de part et d’autre de la Méditerranée, sont tournées vers l’avenir, plutôt que vers le passé, et ce qu’elles veulent, ce sont des choses concrètes. Elles n’attendent pas de leurs dirigeants que, toutes affaires cessantes, ils se mortifient en battant leur coulpe pour les erreurs ou les fautes passées, parce qu’à ce compte, il y aurait beaucoup à faire, de part et d’autre. Cela ne veut pas dire qu’il faut occulter le passé, car toute grande nation, et cela vaut pour la France comme pour tout autre pays dans le monde, doit assumer son histoire, avec sa part de lumière et sa part d’ombre, et certainement qu’il y a eu beaucoup d’ombres, de souffrances et d’injustices au cours des 132 années que la France a passées en Algérie, mais il n’y a pas eu que cela. Je suis donc pour une reconnaissance des faits, pas pour le repentir, qui est une notion religieuse et n’a pas sa place dans les relations d’Etat à Etat. Le travail de mémoire doit continuer, mais dans la dignité et l’objectivité, à l’abri des polémiques et des tentatives d’instrumentalisation politique. Ce cheminement doit aussi se faire des deux côtés, car il ne s’agit pas d’avoir une partie qui doit accepter sans discuter la vérité de l’autre. C’est seulement ainsi que l’on pourra avancer, peu à peu, vers une lecture commune de l’histoire, dont il ne faut pas se cacher qu’elle prendra du temps. Je veillerai de mon côté à ce que ce travail se fasse, pour ce qui dépend de l’administration française, par exemple à travers la coopération entre les deux Directions des archives. Les médias ont aussi leur rôle à jouer et ils ont déjà beaucoup fait pour éclairer les opinions publiques. Un regard plus lucide et objectif sur le passé, des deux côtés de la Méditerranée, fera beaucoup pour parvenir à des relations apaisées entre les deux pays. Mais je crois tout autant qu’il ne faut pas faire des questions de mémoire un préalable, car dans ce cas nous pénaliserions tous les Algériens et les Français qui attendent de nous des avancées rapides dans nos relations.
« Si j’ai souhaité faire très rapidement une première tournée maghrébine, c’est justement pour consulter nos partenaires de la rive sud, et en priorité ceux qui en constituent pour nous le cœur, dont l’Algérie, par laquelle je commencerai ma visite », c’est ainsi qu’a résumé M. Nicolas Sarkozy le but de sa visite en Algérie. Le président français a abordé lors de cet entretien, le premier du genre accordé à la presse maghrébine après son arrivée à la tête de la République Française, plusieurs dossiers, du traité d’amitié Algéro français à la coopération économique en passant par la coopération militaire ainsi que les questions d’immigration.
El Khabar : Monsieur le Président, vous allez vous rendre en Algérie, étape d'une tournée maghrébine, qui sera la première en dehors de l’Union Européenne. Concrètement, qu'attendez vous de cette visite d'autant qu'on a évoqué à maintes reprises le désir de Paris d'opérer une refondation dans ses relations avec Alger ? Qu'entendez vous par asseoir une relation exceptionnelle avec Alger alors que les rapports paraissent ternes sur le plan politique et que l’idée de “traité d’amitié” est abandonnée ?
Par ailleurs, vous avez proposé la mise en place d’une «Union Méditerranéenne». Sur quel type de construction un tel projet peut-il aboutir ? Est-il possible de parler d'une coopération avec la rive sud de la Méditerranée alors que l'Europe ressemble à une forteresse et pensez vous que la politique européenne de voisinage est à même d'être une alternative au processus de Barcelone qui a échoué ?
Nicolas Sarkozy : On peut faire l’amitié sans un traité d’amitié. Ce qui importe surtout, c’est de donner au partenariat entre les deux pays un contenu concret qui soit perceptible par les Algériens et par les Français. Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes fixé une feuille de route ambitieuse, mais aussi, je crois, réaliste, qui recouvre tous les domaines de la coopération entre les deux pays : formation des cadres, échanges économiques et investissements, énergie, coopération en matière militaire et de sécurité, circulation, etc. Nous avons aussi défini une méthode pour réaliser ce programme, comprenant une série d’échanges de visites aux niveaux politique et technique afin de faire mûrir tous ces projets en vue d’une autre visite que j’ai proposé au président Bouteflika de faire à la fin de cette année. Un objectif (le partenariat d’exception) ; un contenu ; une méthode pour sa mise en œuvre : voilà ce que je propose pour les relations franco-algériennes dans les prochains mois.
L’approfondissement de nos relations bilatérales avec chacun des partenaires du sud et la mise en chantier de l’Union méditerranéenne sont deux démarches complémentaires. La Méditerranée est notre deuxième espace de solidarité, après l’Europe, et les deux se recoupent d’ailleurs largement. La prospérité, la stabilité, la sécurité des deux rives de la Méditerranée sont interdépendantes. Notre histoire, notre vie culturelle, nos sociétés, sont mutuellement imprégnées. Notre mer commune est aussi un enjeu écologique majeur. Ensemble, nous pouvons faire mieux pour développer les échanges commerciaux, culturels et humains, prévenir les crises et mieux gérer celles qui existent déjà ou se déclarent. Vous m’interrogez sur l’architecture de ce projet. J’ai bien sûr quelques idées, mais elles sont encore préliminaires, et si j’ai souhaité faire très rapidement une première tournée maghrébine, c’est justement pour consulter nos partenaires de la rive sud, et en priorité ceux qui en constituent pour nous le cœur, dont l’Algérie, par laquelle je commencerai ma visite, et qui est appelée, si elle le veut bien, à jouer un rôle clé dans cette nouvelle initiative. Là aussi, il ne s’agira pas de refaire, ni de défaire, ce qui a déjà été fait, mais de redonner vigueur à ce qui existe, de voir quelles structures seraient les mieux à même d’assurer le pilotage du dispositif et de décider d’ores et déjà de quelques initiatives concrètes. Sur tout cela, les conseils et l’expérience du président Bouteflika me seront très précieux.
El Khabar : Dans l’une de vos déclarations vous dites : "Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine en soi et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres ". Cette manière de voir les choses n’est-elle pas un frein à une amélioration réelle des relations avec l’Algérie surtout qu’Alger demande à la France de reconnaître les crimes commis durant la colonisation qui a duré 132 ans ?
Nicolas Sarkozy : Les jeunes générations, de part et d’autre de la Méditerranée, sont tournées vers l’avenir, plutôt que vers le passé, et ce qu’elles veulent, ce sont des choses concrètes. Elles n’attendent pas de leurs dirigeants que, toutes affaires cessantes, ils se mortifient en battant leur coulpe pour les erreurs ou les fautes passées, parce qu’à ce compte, il y aurait beaucoup à faire, de part et d’autre. Cela ne veut pas dire qu’il faut occulter le passé, car toute grande nation, et cela vaut pour la France comme pour tout autre pays dans le monde, doit assumer son histoire, avec sa part de lumière et sa part d’ombre, et certainement qu’il y a eu beaucoup d’ombres, de souffrances et d’injustices au cours des 132 années que la France a passées en Algérie, mais il n’y a pas eu que cela. Je suis donc pour une reconnaissance des faits, pas pour le repentir, qui est une notion religieuse et n’a pas sa place dans les relations d’Etat à Etat. Le travail de mémoire doit continuer, mais dans la dignité et l’objectivité, à l’abri des polémiques et des tentatives d’instrumentalisation politique. Ce cheminement doit aussi se faire des deux côtés, car il ne s’agit pas d’avoir une partie qui doit accepter sans discuter la vérité de l’autre. C’est seulement ainsi que l’on pourra avancer, peu à peu, vers une lecture commune de l’histoire, dont il ne faut pas se cacher qu’elle prendra du temps. Je veillerai de mon côté à ce que ce travail se fasse, pour ce qui dépend de l’administration française, par exemple à travers la coopération entre les deux Directions des archives. Les médias ont aussi leur rôle à jouer et ils ont déjà beaucoup fait pour éclairer les opinions publiques. Un regard plus lucide et objectif sur le passé, des deux côtés de la Méditerranée, fera beaucoup pour parvenir à des relations apaisées entre les deux pays. Mais je crois tout autant qu’il ne faut pas faire des questions de mémoire un préalable, car dans ce cas nous pénaliserions tous les Algériens et les Français qui attendent de nous des avancées rapides dans nos relations.
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