Nombreuses sont encore ces prédications informelles, satellisées autour des mosquées algériennes à l’endroit des jeunes, sous les oripeaux du “parfait croyant” qui évoluent insidieusement vers la propagande et l’endoctrinement pour finir par cultiver l’extrémisme.
Il est vrai que la précarité sociale, la pauvreté constituent sans conteste un terreau propice à l’embrigadement des jeunes et à leur recrutement pour le djihad. Tant il est aussi vrai que dans le désœuvrement né des conditions sociales déplorables sommeille toujours “une bombe humaine en puissance”. Mais la pauvreté ne peut expliquer à elle seule la candidature au suicide. Prétendre le contraire serait prendre le raccourci du jugement expéditif qui réduit le terrorisme à une équation simple. Nombre de spécialistes estiment que la pauvreté peut, en effet, constituer l’une des causes qui pourrait éventuellement pousser les jeunes à faire partie de mouvements terroristes. Mais ceci n’est valable que dans certains cas seulement. En fait, soutiennent-ils, la pauvreté est loin d’être un élément décisif.
Cependant, il faudra dire que la pauvreté reste sensible aux sentiments de haine et de rancœur envers l’autorité quand elle est nourrie par un discours qui puise son argumentaire dans l’inégalité sociale. Et il serait tout à fait illusoire de croire que l’endoctrinement a disparu avec l’ex-FIS, car le même discours qui a enflammé les foules au début des années 1990 est invariablement instrumentalisé par une nébuleuse “inorganique”, si on peut s’exprimer ainsi, qui reste toujours attachée à un idéal dont elle tait opportunément toute expression susceptible de la mettre en cause. Et il n’est pas exclu, même si pour certains spécialistes c’est une certitude, que cette nébuleuse constitue l’antichambre du courant violent et armé dont elle partage l’objectif de l’instauration d’une république intégriste. Les candidats aux maquis et même au suicide font d’abord leurs armes au sein de cette nébuleuse qui hante surtout les mosquées et dont les éléments restent au-dessus de tout soupçon pour être convaincus d’une vie rangée et sans problèmes. L’art de la suggestion a travers un travail psychologique qui s’installe dans la durée finit toujours par recadrer le jeune pour peu qu’il fasse preuve de réceptivité, dans un contexte où se cultive la différence avec ceux qui ne partagent pas une certaine vision de l’islam. Il sera conditionné à défendre la cause du faible de l’opprimé, à tout entreprendre pour réduire l’inégalité sociale. On lui apprendra à connaître le ou les coupables dans une logique de confrontation. Le passage à l’acte reste alors une affaire de pur stratagème qui peut prendre toute forme susceptible d’anesthésier l’esprit de discernement.
Un exemple édifiant
À cet égard, l’exemple de l’attentat du Palais du gouvernement reste édifiant. En effet, il a été démontré que le kamikaze fréquentait régulièrement, les trois derniers mois qui ont précédé l’attentat, la mosquée Cherati, au quartier La Montagne. Une mosquée réputée être celle de l'islamisme radical. Une nébuleuse donc qui s’est bien accommodée sans jamais se compromettre de l’apparition, de la montée et du déclin du terrorisme en Algérie. Ainsi, elle a toujours su prendre ses distances avec les manifestations violentes, tout en étant paradoxalement sa source d’inspiration.
Raison pour laquelle de nombreux spécialistes de la question contestent l’explication, selon laquelle la violence terroriste a spontanément explosé après l’arrêt du processus électoral au mois de février 1992. Une thèse, soutiennent ces mêmes spécialistes, qui tend à réduire la portée d’une stratégie de prise du pouvoir en Algérie, par une branche du mouvement intégriste international. Cependant, cette stratégie de prise de pouvoir, ajoutent-ils, a échappé à son concepteur, et s’est développée selon une logique de violence, apanage de ceux qui n’ont jamais accordé de crédit à l’action politique. Souvenons-nous de l’ex-FIS qui avait rentabilisé à son profit le mouvement de contestation légitime des jeunes en 1988, recruta ses militants, mena un travail d’endoctrinement dans les mosquées et créa une branche armée dont les membres ont fini par le disqualifier pour défier ouvertement une autorité politique et administrative déliquescente. C’est alors qu’un mouvement intégriste violent impatient de rééditer l’exploit afghan en Algérie se substitua à un mouvement islamiste d’essence politique. Il sera nourri par les légions de combattants recrutés sur des fonds arabes et américains dans les pays musulmans qui se sont redéployées vers l'Algérie et ont ainsi constitué les noyaux les plus féroces des groupes armés. L’apparition du Fida aura fait des coupes sombres dans l’élite algérienne. Hauts cadres, artistes, journalistes, médecins, hommes de religion ont payé de leur vie leur différence de points de vue.
À côté du Fida, un autre groupe, le GIA s'était spécialisé, toujours dans les villes, dans l'assassinat des forces de l'ordre et la destruction des structures socioéconomiques et culturelles de l’État algérien. L'émergence des GIA avaient marqué une radicalisation de l'insurrection lancée début 1992 par l’ex-Fis. Les étrangers n’échappèrent pas à cette stratégie de terreur. Et ce qui ne gâchait rien, médias, ONG européennes et américaines et même leur gouvernement ont cautionné cette tentative de prise de pouvoir violente en la légitimant politiquement. On assista alors à une véritable mystification qui avait réussi à rendre le comportement de larges franges de jeunes ouvertement hostile à l’État et ses institutions. Ce qui favorisa la multiplication des réseaux de soutien et à cet égard, des cités entières se transformèrent dans certaines villes du pays en “lieux du repos du guerrier”. C’est en ces moments que les groupes terroristes bénéficièrent de l’acheminement des armes et des moyens financiers avec la bénédiction des pays voisins, le Maroc et la libye.
Une récupération entamée dès 2002
On se rappelle à ce propos les paroles de feu Hassan II qui avait assimilé l’Algérie à un laboratoire pour tester l’efficacité de la gestion d’un pays par des islamistes. En ces temps, on parlait volontiers de réseaux internationaux islamistes de collecte de fonds et d’approvisionnement en armes des maquis algériens et certains soupçonnaient derrière la main de l’organisation d’Oussama Ben Laden, al-Qaïda. Bien avant l'apparition officielle, fin 2006, d'une coalition salafiste régionale appelée al-Qaïda au pays du Maghreb islamique, le processus de récupération des maquis djihadistes maghrébins par al-Qaïda, nous disent les spécialistes de la question, avait été amorcé dès le début de l'année 2002, après la chute des bases d'al-Qaïda en Afghanistan. Trois groupes armés directement affiliés à al-Qaïda ont été créés début 2003 : le Groupe islamique combattant libyen (GICL) dirigé par Abou Abdallah Al-Sadek, le Groupe islamique combattant tunisien (GICT) de Tarek Maroufi et surtout le Groupe islamique combattant marocain (GICM), fondé par Abdelkrim Al-Medjati devenu, après avoir “réussi” les attentats de Madrid, en mars 2004, “émir” de tous les réseaux d'al-Qaïda en Europe et au Maghreb. Cependant, selon ces mêmes sources, c'est en Algérie qu'al-Qaïda a réussi son plus grand coup de force.
Les 400 djihadistes internationalistes ayant rejoint le maquis algérien après la chute du sanctuaire afghan ont destitué l'“émir” fondateur du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), Hassan Hattab, qui refusait toute alliance avec al-Qaïda et toute action armée en dehors du territoire algérien.
Aussitôt intronisé “émir” du GSPC, le chef de file de ce courant internationaliste, Nabil Sahraoui, a fait officiellement allégeance à al-Qaïda, le 11 septembre 2003. Deux ans plus tard, son successeur, l'“émir” actuel du groupe, Abdelmalek Droudkel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, a scellé une alliance stratégique avec Al-Zarqawi en Irak. Une alliance renouvelée et validée par le numéro deux d'al-Qaïda, Aymen Al-Zawahiri, le 11 septembre dernier.
Il est vrai que la précarité sociale, la pauvreté constituent sans conteste un terreau propice à l’embrigadement des jeunes et à leur recrutement pour le djihad. Tant il est aussi vrai que dans le désœuvrement né des conditions sociales déplorables sommeille toujours “une bombe humaine en puissance”. Mais la pauvreté ne peut expliquer à elle seule la candidature au suicide. Prétendre le contraire serait prendre le raccourci du jugement expéditif qui réduit le terrorisme à une équation simple. Nombre de spécialistes estiment que la pauvreté peut, en effet, constituer l’une des causes qui pourrait éventuellement pousser les jeunes à faire partie de mouvements terroristes. Mais ceci n’est valable que dans certains cas seulement. En fait, soutiennent-ils, la pauvreté est loin d’être un élément décisif.
Cependant, il faudra dire que la pauvreté reste sensible aux sentiments de haine et de rancœur envers l’autorité quand elle est nourrie par un discours qui puise son argumentaire dans l’inégalité sociale. Et il serait tout à fait illusoire de croire que l’endoctrinement a disparu avec l’ex-FIS, car le même discours qui a enflammé les foules au début des années 1990 est invariablement instrumentalisé par une nébuleuse “inorganique”, si on peut s’exprimer ainsi, qui reste toujours attachée à un idéal dont elle tait opportunément toute expression susceptible de la mettre en cause. Et il n’est pas exclu, même si pour certains spécialistes c’est une certitude, que cette nébuleuse constitue l’antichambre du courant violent et armé dont elle partage l’objectif de l’instauration d’une république intégriste. Les candidats aux maquis et même au suicide font d’abord leurs armes au sein de cette nébuleuse qui hante surtout les mosquées et dont les éléments restent au-dessus de tout soupçon pour être convaincus d’une vie rangée et sans problèmes. L’art de la suggestion a travers un travail psychologique qui s’installe dans la durée finit toujours par recadrer le jeune pour peu qu’il fasse preuve de réceptivité, dans un contexte où se cultive la différence avec ceux qui ne partagent pas une certaine vision de l’islam. Il sera conditionné à défendre la cause du faible de l’opprimé, à tout entreprendre pour réduire l’inégalité sociale. On lui apprendra à connaître le ou les coupables dans une logique de confrontation. Le passage à l’acte reste alors une affaire de pur stratagème qui peut prendre toute forme susceptible d’anesthésier l’esprit de discernement.
Un exemple édifiant
À cet égard, l’exemple de l’attentat du Palais du gouvernement reste édifiant. En effet, il a été démontré que le kamikaze fréquentait régulièrement, les trois derniers mois qui ont précédé l’attentat, la mosquée Cherati, au quartier La Montagne. Une mosquée réputée être celle de l'islamisme radical. Une nébuleuse donc qui s’est bien accommodée sans jamais se compromettre de l’apparition, de la montée et du déclin du terrorisme en Algérie. Ainsi, elle a toujours su prendre ses distances avec les manifestations violentes, tout en étant paradoxalement sa source d’inspiration.
Raison pour laquelle de nombreux spécialistes de la question contestent l’explication, selon laquelle la violence terroriste a spontanément explosé après l’arrêt du processus électoral au mois de février 1992. Une thèse, soutiennent ces mêmes spécialistes, qui tend à réduire la portée d’une stratégie de prise du pouvoir en Algérie, par une branche du mouvement intégriste international. Cependant, cette stratégie de prise de pouvoir, ajoutent-ils, a échappé à son concepteur, et s’est développée selon une logique de violence, apanage de ceux qui n’ont jamais accordé de crédit à l’action politique. Souvenons-nous de l’ex-FIS qui avait rentabilisé à son profit le mouvement de contestation légitime des jeunes en 1988, recruta ses militants, mena un travail d’endoctrinement dans les mosquées et créa une branche armée dont les membres ont fini par le disqualifier pour défier ouvertement une autorité politique et administrative déliquescente. C’est alors qu’un mouvement intégriste violent impatient de rééditer l’exploit afghan en Algérie se substitua à un mouvement islamiste d’essence politique. Il sera nourri par les légions de combattants recrutés sur des fonds arabes et américains dans les pays musulmans qui se sont redéployées vers l'Algérie et ont ainsi constitué les noyaux les plus féroces des groupes armés. L’apparition du Fida aura fait des coupes sombres dans l’élite algérienne. Hauts cadres, artistes, journalistes, médecins, hommes de religion ont payé de leur vie leur différence de points de vue.
À côté du Fida, un autre groupe, le GIA s'était spécialisé, toujours dans les villes, dans l'assassinat des forces de l'ordre et la destruction des structures socioéconomiques et culturelles de l’État algérien. L'émergence des GIA avaient marqué une radicalisation de l'insurrection lancée début 1992 par l’ex-Fis. Les étrangers n’échappèrent pas à cette stratégie de terreur. Et ce qui ne gâchait rien, médias, ONG européennes et américaines et même leur gouvernement ont cautionné cette tentative de prise de pouvoir violente en la légitimant politiquement. On assista alors à une véritable mystification qui avait réussi à rendre le comportement de larges franges de jeunes ouvertement hostile à l’État et ses institutions. Ce qui favorisa la multiplication des réseaux de soutien et à cet égard, des cités entières se transformèrent dans certaines villes du pays en “lieux du repos du guerrier”. C’est en ces moments que les groupes terroristes bénéficièrent de l’acheminement des armes et des moyens financiers avec la bénédiction des pays voisins, le Maroc et la libye.
Une récupération entamée dès 2002
On se rappelle à ce propos les paroles de feu Hassan II qui avait assimilé l’Algérie à un laboratoire pour tester l’efficacité de la gestion d’un pays par des islamistes. En ces temps, on parlait volontiers de réseaux internationaux islamistes de collecte de fonds et d’approvisionnement en armes des maquis algériens et certains soupçonnaient derrière la main de l’organisation d’Oussama Ben Laden, al-Qaïda. Bien avant l'apparition officielle, fin 2006, d'une coalition salafiste régionale appelée al-Qaïda au pays du Maghreb islamique, le processus de récupération des maquis djihadistes maghrébins par al-Qaïda, nous disent les spécialistes de la question, avait été amorcé dès le début de l'année 2002, après la chute des bases d'al-Qaïda en Afghanistan. Trois groupes armés directement affiliés à al-Qaïda ont été créés début 2003 : le Groupe islamique combattant libyen (GICL) dirigé par Abou Abdallah Al-Sadek, le Groupe islamique combattant tunisien (GICT) de Tarek Maroufi et surtout le Groupe islamique combattant marocain (GICM), fondé par Abdelkrim Al-Medjati devenu, après avoir “réussi” les attentats de Madrid, en mars 2004, “émir” de tous les réseaux d'al-Qaïda en Europe et au Maghreb. Cependant, selon ces mêmes sources, c'est en Algérie qu'al-Qaïda a réussi son plus grand coup de force.
Les 400 djihadistes internationalistes ayant rejoint le maquis algérien après la chute du sanctuaire afghan ont destitué l'“émir” fondateur du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), Hassan Hattab, qui refusait toute alliance avec al-Qaïda et toute action armée en dehors du territoire algérien.
Aussitôt intronisé “émir” du GSPC, le chef de file de ce courant internationaliste, Nabil Sahraoui, a fait officiellement allégeance à al-Qaïda, le 11 septembre 2003. Deux ans plus tard, son successeur, l'“émir” actuel du groupe, Abdelmalek Droudkel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, a scellé une alliance stratégique avec Al-Zarqawi en Irak. Une alliance renouvelée et validée par le numéro deux d'al-Qaïda, Aymen Al-Zawahiri, le 11 septembre dernier.
Commentaire