El harragas comme on les appelle chez nous, ce sont tout simplement ces jeunes qui ont du mal à supporter la marginalisation dans un pays où il n’y a pas de place pour eux, estiment ceux qui ont tenté la traversée, mais ont échoué certainement par la grâce de Dieu, qui a voulu qu’ils ne périssent pas en haute mer, comme ce fut le cas de bien d’autres.
Ces autres que l’Algerie compte par milliers, et Annaba par centaines. Il ne se passe pas un jour sans que des dizaines de corps de harragas dont les embarcations chavirent, ne soient rejetés par la mer, et ramenés par des pêcheurs ou des gardes-côtes qui, depuis plusieurs mois, ne trouvent pas de répit face au nombre croissant de jeunes à la recherche d’un eldorado se trouvant outre-mer.
Coupables ou victimes?
L’émigration clandestine est un délit passible de poursuites judiciaires. Mais dans ce cas, il y a lieu de se demander si ces harragas sont victimes ou coupables?
Les uns les jugent comme ayant enfreint la loi en voulant quitter le territoire sans passeport ni visa, d’autres plaident en leur faveur en mettant en relief les différentes raisons socioéconomiques, qui ont eu un impact négatif sur leurs états d’âme. Sauf que, les uns comme les autres, n’ont pas empêché les départs vers l’incertain, ou même les présentations, au parquet, de dizaines de jeunes harragas.
Ils sont âgés entre 19 et 40 ans. Leur point commun: le chômage, l’oisiveté et le mal-être, dans un bled où ils n’ont ni travail, ni logis, voire même l’espoir de pouvoir fonder un jour une famille. Effectivement, des rêves légitimes pour des jeunes qui ont, tant bien que mal espéré les réaliser, en vain. Et aujourd’hui, ils disent «basta», «el harga oula el hogra»; ce sont-là les propos tenus par la plupart des harragas. Ils ont choisi les voies de la clandestinité par la traversée de la Grand bleue, sans pour autant ignorer le danger qui les attend, notamment en période hivernale.
D’ailleurs, les statistiques de l’année 2006 font état de 3000 candidats à l’émigration clandestine. Tous ont quitté leurs familles sans prévenir, dans des conditions qui varient selon la conception de la traversée par les passeurs car ces jeunes sont soumis à la «réglementation» édictée par le passeur qui fait partie d’un réseau. Rares sont ceux qui font la traversée à l’improviste.
La plupart du temps, elle se prépare une semaine à dix jours à l’avance. En fait, c’est permettre aux candidats de préparer la somme demandée pour le voyage, qui est de l’ordre de 100 à 250 euros et si c’est en DA, cela tourne autour de 300 à 500.000DA, frais d’embarcation compris.
Ces embarcations de fortune qui font le bonheur des uns et le malheur des autres, on les trouve, notamment en vente sur la plage de Sidi Salem dont les propriétaires en ont fait une source d’argent, ignorant ainsi qu’ils sont les premiers complices dans ce marché informel de barques non conçues pour de telles traversées.
Au vu et au su de tous, «el harga» est un marché florissant qui s’exerce en toute impunité; c’est comme dire que l’Etat se soucie peu du sort des disparus, du stress qui ronge leurs familles généré par ce «commerce».
Durant notre enquête, nous avons pris attache avec quelques familles de harragas portés disparus depuis le 17 avril 2007. Ils sont 10 jeunes qui ont pris le large depuis la côte d’Annaba, El Chatt, entre le 17 et le 18 avril à 3 heures du matin dans une embarcation de fortune dotée d’un moteur Yamaha 40CV, avec l’intention de se rendre clandestinement en Europe, via la Sardaigne, pour émigrer.
Ce groupe de jeunes n’a plus donné signe de vie, il aurait péri en haute mer tunisienne et au moment où nous mettons sous presse, quatre corps d’immigrés clandestins ont été repêchés par un navire militaire italien à une centaine de kilomètres au large de l’île italienne de Lampedusa, au sud de la Sicile, a annoncé, avant-hier, l’agence Ansa. Pendant que six autres corps sont toujours portés disparus.
L’AFP ajoute que le navire en charge de la récupération des cadavres, n’avait trouvé aucune embarcation dans la zone où flottaient les corps. Disparus peut-être à jamais, ces jeunes ont laissé leurs familles dans la tourmente, voulant à tout prix savoir s’ils ont péri ou atteint une quelconque destination en vue d’un rapatriement.
Une longue attente
Malheureusement, en dépit de toutes les démarches entreprises par les familles des disparus auprès des autorités tunisiennes et algériennes, celles-ci restent sans écho. L’un des parents des disparus nous a fait part des différentes requêtes remises en main propre aux consuls respectifs, tunisien à Annaba, et algérien en tunisie; mais face au mutisme des deux instances gouvernementales, l’interlocuteur nous révèle qu’il a même porté le problème à la connaissance du ministère des Affaires étrangères algérien.
Jusqu’à ce jour, aucune réponse ne lui a été parvenue et l’attente se fait de plus en plus longue, augmentant chaque jour son angoisse.
Selon les familles des disparus, cette lenteur dans la prise de contact avec un pays voisin comme la Tunisie, est synonyme d’indifférence à l’égard de familles pauvres sans moyens, pour déployer des efforts nécessaires afin de mettre un terme à une souffrance que seuls un père et une mère peuvent ressentir quand on est sans nouvelles de son enfant depuis plusieurs mois.
Ce n’est là qu’un cas sur dix, voire cent et même mille. «El harga» est de plus en plus en vogue. Tous les moyens sont bons, barque de pêche, scooter, zodiac, ou hors-bord, l’essentiel, c’est de quitter l’Algérie; arriver mort ou vif pour ces milliers de jeunes candidats à l’immigration clandestine, l’important c’est de tenter sa chance; une chance qu’ils ont essayé de confectionner avec les moyens du bord d’un bled dont l’étau se resserre chaque jour un peu plus autour d’un avenir qu’ils ne voient pas se dessiner.
Annaba, aujourd’hui, pleure ses disparus et ses prisonniers. Qu’ils soient en Italie ou en Tunisie, leurs familles ne demandent qu’à les rapatrier, s’ils sont en vie, les enterrer, s’ils sont morts, ou faire leur deuil s’ils ont péri en mer.
Par L'Expression
Ces autres que l’Algerie compte par milliers, et Annaba par centaines. Il ne se passe pas un jour sans que des dizaines de corps de harragas dont les embarcations chavirent, ne soient rejetés par la mer, et ramenés par des pêcheurs ou des gardes-côtes qui, depuis plusieurs mois, ne trouvent pas de répit face au nombre croissant de jeunes à la recherche d’un eldorado se trouvant outre-mer.
Coupables ou victimes?
L’émigration clandestine est un délit passible de poursuites judiciaires. Mais dans ce cas, il y a lieu de se demander si ces harragas sont victimes ou coupables?
Les uns les jugent comme ayant enfreint la loi en voulant quitter le territoire sans passeport ni visa, d’autres plaident en leur faveur en mettant en relief les différentes raisons socioéconomiques, qui ont eu un impact négatif sur leurs états d’âme. Sauf que, les uns comme les autres, n’ont pas empêché les départs vers l’incertain, ou même les présentations, au parquet, de dizaines de jeunes harragas.
Ils sont âgés entre 19 et 40 ans. Leur point commun: le chômage, l’oisiveté et le mal-être, dans un bled où ils n’ont ni travail, ni logis, voire même l’espoir de pouvoir fonder un jour une famille. Effectivement, des rêves légitimes pour des jeunes qui ont, tant bien que mal espéré les réaliser, en vain. Et aujourd’hui, ils disent «basta», «el harga oula el hogra»; ce sont-là les propos tenus par la plupart des harragas. Ils ont choisi les voies de la clandestinité par la traversée de la Grand bleue, sans pour autant ignorer le danger qui les attend, notamment en période hivernale.
D’ailleurs, les statistiques de l’année 2006 font état de 3000 candidats à l’émigration clandestine. Tous ont quitté leurs familles sans prévenir, dans des conditions qui varient selon la conception de la traversée par les passeurs car ces jeunes sont soumis à la «réglementation» édictée par le passeur qui fait partie d’un réseau. Rares sont ceux qui font la traversée à l’improviste.
La plupart du temps, elle se prépare une semaine à dix jours à l’avance. En fait, c’est permettre aux candidats de préparer la somme demandée pour le voyage, qui est de l’ordre de 100 à 250 euros et si c’est en DA, cela tourne autour de 300 à 500.000DA, frais d’embarcation compris.
Ces embarcations de fortune qui font le bonheur des uns et le malheur des autres, on les trouve, notamment en vente sur la plage de Sidi Salem dont les propriétaires en ont fait une source d’argent, ignorant ainsi qu’ils sont les premiers complices dans ce marché informel de barques non conçues pour de telles traversées.
Au vu et au su de tous, «el harga» est un marché florissant qui s’exerce en toute impunité; c’est comme dire que l’Etat se soucie peu du sort des disparus, du stress qui ronge leurs familles généré par ce «commerce».
Durant notre enquête, nous avons pris attache avec quelques familles de harragas portés disparus depuis le 17 avril 2007. Ils sont 10 jeunes qui ont pris le large depuis la côte d’Annaba, El Chatt, entre le 17 et le 18 avril à 3 heures du matin dans une embarcation de fortune dotée d’un moteur Yamaha 40CV, avec l’intention de se rendre clandestinement en Europe, via la Sardaigne, pour émigrer.
Ce groupe de jeunes n’a plus donné signe de vie, il aurait péri en haute mer tunisienne et au moment où nous mettons sous presse, quatre corps d’immigrés clandestins ont été repêchés par un navire militaire italien à une centaine de kilomètres au large de l’île italienne de Lampedusa, au sud de la Sicile, a annoncé, avant-hier, l’agence Ansa. Pendant que six autres corps sont toujours portés disparus.
L’AFP ajoute que le navire en charge de la récupération des cadavres, n’avait trouvé aucune embarcation dans la zone où flottaient les corps. Disparus peut-être à jamais, ces jeunes ont laissé leurs familles dans la tourmente, voulant à tout prix savoir s’ils ont péri ou atteint une quelconque destination en vue d’un rapatriement.
Une longue attente
Malheureusement, en dépit de toutes les démarches entreprises par les familles des disparus auprès des autorités tunisiennes et algériennes, celles-ci restent sans écho. L’un des parents des disparus nous a fait part des différentes requêtes remises en main propre aux consuls respectifs, tunisien à Annaba, et algérien en tunisie; mais face au mutisme des deux instances gouvernementales, l’interlocuteur nous révèle qu’il a même porté le problème à la connaissance du ministère des Affaires étrangères algérien.
Jusqu’à ce jour, aucune réponse ne lui a été parvenue et l’attente se fait de plus en plus longue, augmentant chaque jour son angoisse.
Selon les familles des disparus, cette lenteur dans la prise de contact avec un pays voisin comme la Tunisie, est synonyme d’indifférence à l’égard de familles pauvres sans moyens, pour déployer des efforts nécessaires afin de mettre un terme à une souffrance que seuls un père et une mère peuvent ressentir quand on est sans nouvelles de son enfant depuis plusieurs mois.
Ce n’est là qu’un cas sur dix, voire cent et même mille. «El harga» est de plus en plus en vogue. Tous les moyens sont bons, barque de pêche, scooter, zodiac, ou hors-bord, l’essentiel, c’est de quitter l’Algérie; arriver mort ou vif pour ces milliers de jeunes candidats à l’immigration clandestine, l’important c’est de tenter sa chance; une chance qu’ils ont essayé de confectionner avec les moyens du bord d’un bled dont l’étau se resserre chaque jour un peu plus autour d’un avenir qu’ils ne voient pas se dessiner.
Annaba, aujourd’hui, pleure ses disparus et ses prisonniers. Qu’ils soient en Italie ou en Tunisie, leurs familles ne demandent qu’à les rapatrier, s’ils sont en vie, les enterrer, s’ils sont morts, ou faire leur deuil s’ils ont péri en mer.
Par L'Expression
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