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L’imam de la laïcité

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  • L’imam de la laïcité

    Avant, il y avait le FIS qui voulait détruire l’Etat dit républicain et édifier sur ses ruines l’Etat islamique ou le califat. Au FIS, il y avait de tout, et à la lisière de ce tout patrouillaient les éternels opportunistes. Des représentants de l’Etat dit républicain commençaient déjà à humer le vent et à commander des «kamis» ouverts aux influences éoliennes.

    Dans l’Etat républicain, il y avait aussi des républicains authentiques, des laïcs en fait mais qui avaient peur des mots. Aux commandes de l’Etat évoluaient aussi des laïcs sans fard qui voulaient que chaque chose soit à sa place et que la religion soit dissociée de la politique et vice-versa.

    Sur les laïcs honteux comme sur les laïcs qui s’affichent pèse une espèce de malédiction qui est le lot des tous les Algériens : la malédiction de l’âge.

    A quarante ans, l’Algérien fait sortir les chars dans la rue pour empêcher les intégristes de prendre le pouvoir. Il embastille les intégristes les plus radicaux et pourchasse sans relâche ceux d’entre eux qui ont pris les armes.

    Après cinquante ans, l’Algérien est toujours dans le même état d’esprit mais ses convictions chancellent et ne tiennent que par l’énergie cinétique initialement acquise. Ce n’est pas encore la période de doute métaphysique mais le pèlerin pointe déjà sous la casquette. Il ne faut pas se hâter, cependant, d’impliquer les effets aggravants de l’arrêt du processus électoral. Les vrais responsables sont bien connus des praticiens de la santé qui ne considèrent pas encore la médecine comme une sous-branche de la théologie. L’apparition des premiers symptômes des maladies à risques (de mort prématurée) entraîne des changements profonds et des comportements nouveaux. Il y a désormais d’autres saisons et d’autres horizons pour les voyages. A moins que ce ne soit une question de vie ou de mort (les siennes propres, bien sûr), on évitera des directions comme Paris. Quant aux pèlerinages, ils deviendront une consécration, une espèce de panthéon que l’on s’offre de son vivant. La repentance est de mise, que l’on soit dans les maquis ou les hautes sphères du pouvoir.

    A soixante ans passés, l’Algérien n’a qu’une seule certitude : le compte à rebours a commencé. Tout le reste est fait de doutes qui se résument pour l’essentiel à cette question : et si c’était vrai ? Dramatique questionnement immédiatement suivi de cette réponse : faisons comme si et agissons de manière à ne heurter ni Dieu ni ses représentants (1). C’est ainsi que s’édifient de nos jours les Etats islamiques, sans ruines si ce n’est celles de l’âme, sans violences si ce n’est la confirmation du sort dévolu aux femmes.

    Belaïd Abdesselam, l’ancien ministre et chef de gouvernement, n’a jamais appartenu aux catégories de laïcs honteux ou de laïcs repentis. Et pour cause : dans sa dernière sortie, il pointe encore du doigt les laïcs, dont l’extrémisme égalerait ou surpasserait, selon lui, l’intégrisme islamiste. C’est une affirmation ex nihilo qui a cependant le mérite de la persévérance.

    L’intéressé tenait le même discours il y a quatorze ans alors que tous les intellectuels laïques ou soupçonnés de l’être étaient décimés par le terrorisme intégriste. Il renvoyait déjà dos à dos la victime et le bourreau en suggérant qu’il s’agissait d’une lutte entre deux extrêmes à laquelle il était totalement étranger. En somme, il y a eu face au FIS le FLS (Front laïque du salut) et, face aux GIA le GLA (Groupes laïques armés).

    M. Abdesselam feint d’ignorer que les laïcs, non encore apprivoisés, n’assassinent pas des conscrits et ne veulent pas substituer une tyrannie à une autre. Il appartiendrait plutôt à cette catégorie de sympathisants néo salafistes qui travaillent à l’absolution du terrorisme islamiste.

    C’est dans l’air du temps, comme il est de bonne guerre de s’attaquer aux officiers généraux lorsqu’ils ont perdu leur influence ou leurs capacités de nuisance. Cette mode à laquelle sacrifient volontiers certains adeptes du mutisme sélectif (2) a le mérite de dévoiler les grandes et petites lâchetés du sérail. Nous n’avons certes pas inventé l’art de tirer sur les ambulances mais nous savons être des élèves brillants lorsqu’il s’agit d’attenter à autrui sans risque.

    Ces attaques contre la laïcité font usage d’écran de fumée au moment où l’intégrisme redouble de férocité sous toutes les latitudes.

    L’Arabie saoudite, qui s’ouvre sur l’extérieur mais côté jardin, admet que de nombreux Saoudiens figurent parmi les combattants du Fatah al-Islam au Liban. Ces Saoudiens ont été enrôlés à l’intérieur du royaume même par des hommes d’Al-Qaïda qui disposent d’appuis familiaux et religieux non négligeables. C’est grâce à ces appuis dans les monarchies du Golfe que le fondamentalisme religieux retrouve souffle et vigueur, au point de dissuader toute velléité de critique ou d’expression du rationalisme. La chasse à l’esprit et à l’intelligence est ouverte sur toute l’étendue du front arabo-islamique et il s’agit avant tout de proscrire le courant laïque.

    Aujourd’hui, être partisan de la laïcité est un métier à risques que peu de personnes se hasardent à pratiquer.


    L’Egyptien Sammy Al-Buhaïri est l’un de ces téméraires, si tant est qu’il y a du mérite à être loin du champ de bataille. Sammy Al-Buhaïri, qui vit en exil aux Etats-Unis, souligne combien il est difficile de professer des idées modernistes et laïques dans les pays arabes, et principalement en Egypte. Il affirme cependant que le Prophète Mohamed était laïque et il salue en lui «L’imam de la laïcité». Il paraphrase ainsi le poète Ahmed Chawki qui l’avait appelé «l’imam du socialisme». Sammy Al- Buhaïri cite, à l’appui, le Hadith dans lequel le Prophète s’adresse à des cultivateurs de palmiers leur disant : «Vous êtes plus au fait (que moi) des problèmes de votre vie (ici bas).»

    Plus significatif est cet épisode de la bataille de Badr au cours de laquelle le Prophète changea son dispositif de combat sur les conseils d’un de ses jeunes compagnons. Celui-ci avait, en effet, conseillé de placer les musulmans devant les points d’eau de façon à en interdire l’accès aux Koreïchites.

    Quant au revers de la médaille, il est illustré par les déboires électoraux d’un des réformistes égyptiens les plus célèbres, en l’occurrence Ahmed Lotfi Sayed. Il est surtout connu pour avoir démissionné de la présidence de l’université du Caire en 1932 à la suite de l’exclusion de Tah Hussein. Il s’était présenté ensuite aux élections législatives en faisant campagne pour la démocratie dans sa région natale.

    Ses adversaires le combattirent en faisant croire aux paysans naïfs que la démocratie c’était la liberté pour une femme d’épouser plusieurs hommes. C’est ainsi que se répandit dans les campagnes cette définition perfide de la démocratie inspirée par les précurseurs de Ali Benhadj. Bien sûr, Ahmed Lotfi Sayed perdit les élections. Soixante-quinze ans après, on ne peut pas dire que la situation a progressé. Elle a même régressé sur plusieurs fronts, notamment sur le plan vestimentaire. Ce n’est pas un hasard si c’est le voile qui doit décider de l’issue des législatives en Turquie, ce dimanche 22 juillet 2007.


    (1) Parmi lesquels on peut trouver aussi bien des tueurs intégristes repentis que des députés barbus ou des «barbéfélènes » passés au RND ou encore des RND qui croient voir pâlir l’étoile d’Ahmed Ouyahia.
    (2) Il faut toujours choisir la bonne période et les bonnes cibles. La bonne période pour se payer un général, c’est quand il est à la retraite, la vraie. Car il faut encore se méfier des généraux et des colonels renvoyés dans la vie civile avec un ordre de mission.

    Par Ahmed HALLI, Le Soir
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