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Ces villages frontaliers otages de la contrebande

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  • Ces villages frontaliers otages de la contrebande

    Dans certains villages frontaliers, la malvie, conjuguée au sous-développement et à l’immobilisme des responsables locaux qui peinent à régler les problèmes élémentaires des habitants, crée des situations favorables aux divers trafics et contrebandes. Ici, tout est objet de contrebande vers le Maroc.

    Carburants, produits alimentaires de base et déchets ferreux et non ferreux sont autant de filières qui ont proposé et permis à des réseaux maffieux de s’implanter au point où, en 2006, des contrebandiers ont manipulé les populations afin de provoquer des émeutes contre les autorités locales qui avaient décidé, à l’époque, de procéder à l’assainissement du commerce informel. C’est dire la complexité de la situation où l’État et les pouvoirs publics sont interpellés afin de donner un coup de pied dans la fourmilière. De nombreuses agglomérations frontalières telles que Chebikia, Akid-Lotfi, Zerriga, Akid-Abbès et Bettaim, qui dépendent de la commune de Maghnia, sont devenues de véritables zones enclavées, coupées du monde. Ces localités, faut-il le souligner, ne disposent ni d’eau, ni de route, ni de transport pour la plupart, ni de mosquée ou d’école et encore moins de centre de santé. En un mot, elles sont prises en otage par les cartels de la contrebande. Il s’agit, en fait, de populations rurales, pour la plupart des agriculteurs ou des éleveurs, qui vivent actuellement dans un véritable marasme. Totalement ignorées de leurs élus, de l’administration locale et de la wilaya, elles ne savent plus à quel saint se vouer. Ici à Chebikia où nous nous sommes rendus en premier lieu, les nombreux citoyens que nous avons rencontrés se sont surtout plaints de la malvie et du sous-développement chronique.

    Des collectivités locales absentes
    “Notre village, déclare M. Beramdane Bensaïd, le forgeron du village, est ignoré par les élus locaux et l’administration.” Parmi les problèmes les plus récurrents, notre interlocuteur citera “l’extension du village qui renferme, aujourd’hui, plusieurs milliers d’habitants dont la plupart sont de jeunes ménages qui, pour la majorité, cohabitent avec leurs parents. Nombre d’entre eux vivent à quatre ou à cinq familles dans une seule et même demeure, ce qui a engendré de nombreux maux au sein de la cellule familiale.” Ici, les ruraux, poursuit-il, sont très réfractaires aux constructions du genre “immeuble”, et préfèrent construire leurs demeures selon la tradition ancestrale, et ce, afin de pouvoir préserver leur espace vital. À cet effet, poursuivra notre interlocuteur, “nous avons déposé pas moins de 152 dossiers de demandes de lots à bâtir, ces dernières sont restées à ce jour lettre morte. Lors de son inauguration par le président Houari Boumediene, dans les années 1970, notre village avait été doté d’un centre culturel, d’un centre d’apprentissage de la couture, d’une boulangerie et d’un marché. Aujourd’hui, toutes ces infrastructures, qui font partie du patrimoine immobilier de la commune, ont été squattées par des étrangers au village qui les ont transformées en maison, au vu et au su de tous les responsables locaux qui n’ont pris à ce jour aucune mesure pour les rétablir dans leur vocation originelle. Le marché, lui, est dans un véritable état de délabrement et, actuellement, au centre de nombreuses convoitises”, conclut notre interlocuteur.
    D’autres citoyens de la localité rencontrés se plaignent, quant à eux, de l’absence du personnel médical féminin. “Nous refusons, pour cette raison, de laisser nos filles et nos épouses malades aller se faire soigner au centre de santé”, disent-ils. Parmi les nombreux autres problèmes que vit la population, ils évoqueront également l’absence de viabilisation, la dégradation des voies de communication. Tous ces problèmes, ajoutés aux contraintes de développement (interdiction de fonçage de puits, nombreux problèmes liés aux terres concédées par l’État aux agriculteurs de la localité, etc.) semblent contribuer sans conteste à attiser les rancoeurs et le mécontentement des habitants de ce village d’agriculteurs qui ne demandent qu’à participer au développement local.
    Nous quittons maintenant la localité de Chebikia, pour nous rendre à celle de Akid-Lotfi, un village agricole situé sur le tracé frontalier distant d’une quinzaine de kilomètres de Maghnia. Là, le problème de l’eau potable se pose avec acuité. Quant aux structures sanitaires, culturelles et sportives, elles font cruellement défaut. Un autre fléau, moins voyant celui-là, celui de la contrebande. “Notre village est devenu un véritable repaire de contrebandiers, venus on ne sait d’où”, se plaignent les habitants de cette localité. Par le pouvoir de l’argent et de la corruption, ils font obstacle à toute tentative de développement pour conserver leur monopole sur cette localité afin d’en faire ce qu’ils veulent. Nous nous dirigeons par la suite vers Zerriga. Pour y parvenir, il faudra emprunter une petite route impraticable, généralement très fréquentée par les contrebandiers.
    Longue de près d’une dizaine de kilomètres, la route est truffée de profonds nids-de-poule atteignant parfois les 50 cm. À première vue, la route est déserte. Roulant à une vitesse n’excédant pas 20 km à l’heure, nous arrivons tant bien que mal au village de Zerriga.

    La route, source de tous les maux
    La population, constituée de trois importants douars renfermant près d’une cinquantaine de familles, vient à notre rencontre accompagnée de son porte-parole M. Djedid, secrétaire de l’Union des fellahs, (section Zerriga). Après une longue discussion avec les habitants de cette localité et leur famille, il paraît évident que toute cette population vit encore en retrait de tout développement. “Nous endurons quotidiennement un véritable calvaire”. “La plupart de nos enfants ont dû quitter les bancs de l’école faute de moyens de transport”, diront nos interlocuteurs. Et d’ajouter : “Notre village ne possède ni école, ni centre de santé, ni mosquée pour faire la prière du vendredi.” “Nous ne pouvons même pas cultiver nos terres ou élever notre cheptel en paix. Toutes nos doléances sont restées jusqu’à l’heure actuelle sans réponse. Nous nous demandons vraiment si nous jouissons de tous les droits de la citoyenneté algérienne”, s’interrogent-ils.
    À l’instar des populations des autres localités, celle de Zerriga réclame la rénovation du tronçon de route menant à leur localité ainsi que la réalisation d’une école que les autorités locales leur promettent depuis déjà des lustres. “Nous demandons le désenclavement de notre localité, nous avons marre des promesses non tenues par les responsables de la commune”, nous confient-ils.
    Destination village Akid-Abbès qui a abrité la première rencontre entre l’ex-président Chadli et le défunt Hassan II, à la fin des années 1980. Dans cette localité située à 300 mètres du tracé des frontières avec le Maroc, la priorité des citoyens est la remise en état d’un tronçon de route d’environ 8 km reliant la ville de Maghnia à Akid-Abbès. Une remise en état maintes fois promise par les élus locaux, mais jamais exécutée. Ce qui avait provoqué, il n’y a pas si longtemps encore, de nombreuses émeutes dans cette localité estimée à plus de cinq mille habitants qui continuent à déplorer l’absence de transports scolaire et collectif. Les habitants dénoncent aussi l’immobilisme des responsables locaux qui, en dépit des recommandations émanant de leurs hiérarchies respectives, peinent à amorcer les projets de développement inscrits dans leur région.
    Dans le village de Bettaim, la bourgade la plus importante de la commune avec une population de plus de dix mille habitants, les problèmes posés sont liés aux conditions de vie. Tirant ses revenus exclusivement de la terre, celle-ci excelle dans la culture de la pomme de terre, secteur dans lequel elle a déjà accompli de nombreux records de production.

    Une forte demande en sécurité
    Le président d’une association de la localité, M. Zebboudj Ahmed, n’y va pas par quatre chemins pour évoquer la situation dans laquelle se trouve la région. “Notre village est confronté à de nombreux problèmes qui n’ont pas été à ce jour résolus.” Il dénonce à ce titre l’absence d’eau potable, l’état de dégradation des voies de communication, l’absence de structures sportives et de viabilisation. L’APC nous fait savoir qu’elle a débloqué une somme de cent millions de centimes pour la réalisation du nouveau stade, mais les habitants ne l’entendent pas de cette oreille. “Nous nous demandons encore à l’heure actuelle où est passée cette somme, la réalisation d’un projet de 300 logements n’a pas encore, à ce jour, pris forme, le village est à moitié plongé dans l’obscurité faute d’éclairage public ; nous avons demandé l’implantation d’une brigade de gendarmerie afin d’assurer la sécurité des habitants, une demande qui semble toujours être remise aux calendes grecques”, poursuit le président de l’association, qui soulève notamment le problème du raccordement au gaz naturel du village, une priorité dans les revendications des citoyens de Bettaim.
    Du côté de l’APC, on affirme que les priorités sont l’AEP, l’assainissement et le raccordement au gaz naturel de la plupart des cités bidonvilles situées à la périphérie de la ville de Maghnia, en l’occurrence Chtab I, Chtab II, les villages Omar et Hamri, des cloaques de constructions illicites érigées au détriment du patrimoine domanial de l’État et de celui des forêts. Concernant les préoccupations citoyennes des localités visitées, l’APC reste très évasive à ce sujet.

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