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On achève bien les élites en Algérie

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  • On achève bien les élites en Algérie

    Les cadres supérieurs de l'Etat estiment que les dispositions de l'ordonnance de mars dernier frisent le mépris.

    Il s'agit de l'ordonnance du 07-01 du 1er mars 2007 relative aux incompatibilités et obligations particulières attachées à certains emplois et fonctions. Le texte est décrié « à cause du mépris et de la suspicion que l'Etat affiche à l'égard des cadres » disent les spécialistes. Parue dans le journal officiel du 7 mars dernier, l'ordonnance réglemente le départ de cadres de l'Etat vers le privé. Mais le législateur n'a pas clarifié la catégorie, le niveau et le statut des cadres qui en sont concernés. « Elle s'applique aux titulaires d'un emploi d'encadrement ou d'une fonction supérieure de l'Etat exerçant au sein des institutions et administrations publiques, des établissements publics, des entreprises publiques économiques, y compris des sociétés mixtes où l'Etat détient 50% au moins du capital ainsi qu'au niveau des autorités de régulation ou tout autre organisme public assimilé assurant des missions de régulation, de contrôle ou d'arbitrage », stipule l'article 1. Les fonctions sont ainsi citées pêle-mêle jusqu'à en confondre les catégories. En fait, le législateur algérien s'est toujours arrangé pour laisser des brèches dans les textes qu'il confectionne pour permettre aux pouvoirs publics de s'y infiltrer et trouver des combinaisons d'interprétation qui correspondent aux objectifs qu'ils veulent atteindre et qu'ils s'assignent selon les conjonctures et les intérêts.

    L'on susurre que l'ordonnance aurait été suggérée lorsqu'un haut cadre a quitté l'Agence de régulation des postes et télécommunications (ARPT) pour aller travailler à El Wataniya, une boîte privée concurrente de Mobilis la publique. Ce cadre n'a pas dû faire attention à la disposition qui existe dans la loi 90-11 du 21 avril 90 régissant les relations de travail et qui avait érigé à l'époque, de nouveaux principes notamment en matière de pouvoir réglementaire détenu par l'employeur et celui de négociation entre les parties liées par une relation de travail, qu'elle soit menée dans le cadre collectif ou individuel. Disposition qui plus est dans nombre de cas, contenue dans un contrat de travail conclu justement par le biais de la négociation et prévoyant pour tout départ de cadre, d'importantes indemnisations. Mais l'on dit surtout que l'ordonnance a été imposée par le départ important des cadres de la Sonatrach vers des sociétés étrangères.

    « C'EST UNE ABERRATION »


    Interrogé au sujet du départ de son directeur général, le président de l'ARPT refusera de se prononcer sur « une rumeur » qui, en réalité, n'en est pas une mais fera volontiers sa critique de l'ordonnance.

    « C'est une catastrophe », lance Mohamed Belfodil sans hésiter. Parce que, dit-il « l'ordonnance est venue confirmer une loi qui existe déjà et qui s'adresse aux cadres de l'Etat leur interdisant de travailler dans des entreprises étrangères qu'après deux ans de leur départ de celles publiques.

    Le législateur aurait dû commencer par préciser la notion de cadre supérieur de l'Etat et compléter la loi en question au lieu de recourir à une nouvelle ordonnance ». Le président de l'ARPT dénoncera tout autant que nombre de nos interlocuteurs, le caractère « vicieux » de l'esprit de l'ordonnance, qui, selon Mme Foudad, aurait dû être évité si employeur et employé étaient tenus d'inclure dans des contrats de travail ce qu'elle appelle « une clause d'exclusivité et de concurrence par laquelle on pourrait prévoir des indemnisations au profit des cadres ». Cet ancien cadre supérieur des Sociétés de gestion des participations (SGP) et spécialiste des ressources humaines, appelle à privilégier dans ce cas, le régime contractuel. D'autre part, « l'article 1 de l'ordonnance s'applique à tous ceux qui sont nommés par décret, c'est-à-dire les cadres supérieurs de la fonction publique mais pour ce qui est des emplois d'encadrement, c'est difficile de savoir qui en sont concernés », dit-elle pour confirmer le caractère vicieux du texte pointé du doigt par Belfodil. Un autre ancien cadre des SGP l'évoquera « aussi quand il est précisé que les cadres ne peuvent aller travailler chez un privé si le domaine dans lequel il exerce est le même que celui où ils exerçaient précédemment ». Il qualifie de « ridicule le fait de penser qu'après une longue carrière dans un domaine précis, un cadre pourrait travailler facilement dans tout à fait autre chose ».

    C'est, dit notre interlocuteur, « une aberration quand on sait qu'à chaque fois qu'il y a problème, on le règle en en créant d'autres ». Un ancien banquier converti en privé relève que « l'ordonnance permet une ouverture pour les expatriés avec en prime des salaires transférables ». Lazhar Hani, PDG de CMA CGM Algérie, explique que depuis la promulgation de cette ordonnance, les cadres retraités ou limogés ont des difficultés à arrondir leurs fins de mois « puisqu'ils n'ont pas le droit de travailler chez le privé qu'après deux ans de leur départ du secteur public ». L'article 3 de l'ordonnance stipule en effet, « sans préjudice des incompatibilités prévues par la législation et la réglementation en vigueur, à la fin de leur mission et ce, quel qu'en soit le motif, les titulaires des emplois et fonctions cités à l'article 1 ne peuvent exercer, pour une période de deux (2) années, une activité de consultation, une activité professionnelle de quelque nature que ce soit ou détenir des intérêts directs ou indirects auprès d'entreprises ou d'organismes dont ils ont eu à assurer un contrôle ou une surveillance, à conclure un marché ou à émettre un avis en vue de la passation d'un marché, ainsi qu'auprès de toute autre entreprise ou organisme opérant dans le même domaine d'activité ».

    « ON TUE LES COMPETENCES »


    En attendant, Lazhar Hani estime que par de telles dispositions « on tue le marché du travail et les compétences en les mettant ainsi en veilleuse ». Son expérience de banquier lui fait noter à titre d'exemple que « seule l'Algérie octroie des crédits à la consommation pour l'achat de produits importés.

    C'est ainsi le seul pays qui instaure un dispositif de soutien à l'emploi ailleurs et qui permet à des banques étrangères de s'installer pour faire de ces crédits une de leurs principales prestations ». Mme Foudad relève à juste titre que « l'ordonnance comporte en fait, trois interdictions en une, le cadre supérieur de l'Etat n'a droit pendant deux ans ni à être salarié, ni à être actionnaire ni à être consultant, ce qui n'est pas normal». Maître Smati pour sa part, explique l'ordonnance au plan juridique. « Il y a une contradiction entre le régime général du droit du travail qui privilégie la négociation et cette ordonnance qui instaure elle un régime autoritaire », dit-elle. En fait, pour elle « il y a un recul en matière du droit ». Autre recul, c'est Mme Foudad qui en parle en précisant « qu'on mélange ainsi des statuts de différents fonctionnaires régis par des dispositions spécifiques ». C'est d'autant vrai quand on sait, comme elle le relève, que « des statuts particuliers pour différents corps de travail sont en préparation ». Elle note ainsi qu'il y a confusion à propos du statut juridique des entreprises économiques dont les personnels sont régis par le droit commun. Encore un autre recul, celui-ci en matière de progrès social. Appuyée par Maître Smati, Mme Foudad estime en effet, qu'en rédigeant cette ordonnance, « le législateur s'est réapproprié les dispositions du droit social alors qu'il relève initialement du régime de la négociation entre les parties ». Des cadres dénoncent par ailleurs, l'esprit tendancieux de l'article 4 de l'ordonnance. On y lit : « A l'expiration de la période de deux ans, l'exercice de toute activité professionnelle ou de consultation ainsi que de détention d'intérêts prévus à l'article 3 doit, pendant une période de trois (3) années, faire l'objet d'une déclaration écrite de l'intéressé auprès de l'organe de prévention et de lutte contre la corruption et selon le cas, du dernier organisme employeur ou de l'autorité chargée de la fonction publique, dans un délai d'un (1) mois à compter de la date du début de l'exercice de l'activité ».

  • #2
    DU « PANTOUFLISME » OCCIDENTAL AU MEPRIS ALGERIEN


    Il est évident, selon eux, qu'en se référant à l'agence de lutte contre la corruption, c'est la suspicion qui est exprimée vis-à-vis des cadres. Rappel de la chasse aux cadres enclenchée par Ouyahia entre 1997 et 1998. « Les cadres ont été déférés devant le juge mais ils ont tous bénéficié d'un non-lieu. Ceci dit, ils n'ont jamais eu réparation » dit l'ancien cadre des SGP.

    Mme Foudad conforte ses propos en soutenant que « l'article 4 ne fait que mélanger les pratiques concurrentielles avec celles de corruption alors qu'au plan légal, ce sont deux choses différentes. Autant on peut comprendre que les cadres soient déclarés auprès d'un organisme public mais qu'ils le soient auprès de l'agence de lutte contre la corruption, c'est aberrant ».

    « Le départ des cadres supérieurs du secteur public vers le privé est réglementé mais pas de manière aussi chaotique et aussi aveugle ».

    Ce sont les propos d'un économiste et spécialiste des ressources humaines lorsqu'il aborde ce qu'il appelle « régime d'habilitation au secret ». Il précise qu'en contrepartie « sont négociés des avantages et privilèges importants ». Les Français, dit-il, « appellent le passage après une longue carrière, d'un cadre du secteur de l'Etat vers celui privé « le pantouflisme». Dans ce cas, l'Etat est tenu, selon lui, « de faire attention à la divulgation de l'information stratégique ou à l'utilisation du portefeuille réseau ». Le « prof » estime « qu'il y a un dosage à trouver entre préserver les secrets et ne pas abuser de sa position et de son pouvoir d'influence et le principe de la liberté de travail dans un monde qui encourage plus que jamais la mobilité des compétences ».

    Par Le Quotidien d'Oran

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