Frappé par “un geste simple, très simple” comme il le qualifie lui-même, Malik a pris la peine de m’écrire pour me le raconter et, peut-être, espérait-il nous le raconter. C’est l’histoire du geste d’un routier qui circulait sur la route Guelma-Constantine dans l'est de l'Algérie. Remarquant un petit feu qui commençait à se développer sur le bord de la voie, il s’arrête ; son convoyeur descend et, muni d’un bidon d’eau, va éteindre ce début d’incendie, prévenant peut-être un début de sinistre. La scène s’est déroulée sous le regard indifférent d’autres camionneurs et automobilistes qui passaient par là. Malik nous a écrit parce qu’il a été marqué par le fait que le camion de l’unique pompier improvisé de la route Guelma-Constantine était immatriculé en Tunisie.
L’évènement venait de lui faire mesurer l’étendue de l’incivisme de ses compatriotes. Certes, le civisme, comportement à peu près commun des hommes civilisés, est constitué d’un ensemble de réflexes naturels qui s’expriment par des réactions prévisibles devant certaines situations, que l’on se trouve dans son pays ou à l’étranger. Mais que dans la fourmilière d’une route à grande circulation, il n’y ait qu’un seul usager, et de surcroît étranger, qui réagisse à ce qui, apparemment, aurait pu être un début d’incendie donne à réfléchir sur l’état du civisme national.
La déperdition progressive de valeurs triviales, comme de réagir à un risque de début de sinistre ou de porter secours à une personne en danger, a banalisé cette attitude de détachement face aux difficultés et aux menaces qui nous entourent. En espérant que “ça n’arrive qu’aux autres”. Nous avons perdu jusqu’à la faculté de considérer notre environnement, passant dans un nid-de-poule, enjambant une rigole à purin, marchant sous le crachin des climatiseurs ou discutant à côté d’un amoncellement de poubelles éventrées sans même nous en offusquer. Nous nous accommodons de l’insalubrité et du déficit d’assainissement sans rechigner. Perdue la vigilance quotidienne quant à notre milieu de vie jusqu’à la prochaine… émeute, par laquelle nous surenchérissons au laisser-aller des responsables par notre capacité de nuisance.
Ne parlons pas de prendre des risques pour défendre la veuve et l’opprimé !
Deux fondements semblent nourrir cette régression égoïste : l’avidité que la rente, la corruption, le détournement, la débrouille et l’affairisme ont diffusée dans tous les milieux jusqu’à faire de l’Algérien un “entrepreneur” individuel sans contrainte éthique et sans préoccupation pour tout ce qui est externe à sa quête du gain ; et la peur que la répression a toujours répandue dans la société et que le terrorisme a exacerbée, nous inculquant la posture du sauve-qui-peut.
L’État au lieu de combattre ces fléaux les exploite à des fins de pouvoir. De l’aveu même des autorités, il y a un trabendo électoral. On récompense les soutiens ; on paie les applaudisseurs et on terrorise ceux qui s’en tiennent à leur citoyenneté et se tiennent hors du mouvement d’allégeance. La marchandisation de la citoyenneté, soutenue par la terreur des consciences, ne peut mener qu’au recul du civisme. Avec une telle culture de pouvoir, l’incivisme a donc de beaux jours devant lui.
Par Mustapha Hammouche - Liberté
L’évènement venait de lui faire mesurer l’étendue de l’incivisme de ses compatriotes. Certes, le civisme, comportement à peu près commun des hommes civilisés, est constitué d’un ensemble de réflexes naturels qui s’expriment par des réactions prévisibles devant certaines situations, que l’on se trouve dans son pays ou à l’étranger. Mais que dans la fourmilière d’une route à grande circulation, il n’y ait qu’un seul usager, et de surcroît étranger, qui réagisse à ce qui, apparemment, aurait pu être un début d’incendie donne à réfléchir sur l’état du civisme national.
La déperdition progressive de valeurs triviales, comme de réagir à un risque de début de sinistre ou de porter secours à une personne en danger, a banalisé cette attitude de détachement face aux difficultés et aux menaces qui nous entourent. En espérant que “ça n’arrive qu’aux autres”. Nous avons perdu jusqu’à la faculté de considérer notre environnement, passant dans un nid-de-poule, enjambant une rigole à purin, marchant sous le crachin des climatiseurs ou discutant à côté d’un amoncellement de poubelles éventrées sans même nous en offusquer. Nous nous accommodons de l’insalubrité et du déficit d’assainissement sans rechigner. Perdue la vigilance quotidienne quant à notre milieu de vie jusqu’à la prochaine… émeute, par laquelle nous surenchérissons au laisser-aller des responsables par notre capacité de nuisance.
Ne parlons pas de prendre des risques pour défendre la veuve et l’opprimé !
Deux fondements semblent nourrir cette régression égoïste : l’avidité que la rente, la corruption, le détournement, la débrouille et l’affairisme ont diffusée dans tous les milieux jusqu’à faire de l’Algérien un “entrepreneur” individuel sans contrainte éthique et sans préoccupation pour tout ce qui est externe à sa quête du gain ; et la peur que la répression a toujours répandue dans la société et que le terrorisme a exacerbée, nous inculquant la posture du sauve-qui-peut.
L’État au lieu de combattre ces fléaux les exploite à des fins de pouvoir. De l’aveu même des autorités, il y a un trabendo électoral. On récompense les soutiens ; on paie les applaudisseurs et on terrorise ceux qui s’en tiennent à leur citoyenneté et se tiennent hors du mouvement d’allégeance. La marchandisation de la citoyenneté, soutenue par la terreur des consciences, ne peut mener qu’au recul du civisme. Avec une telle culture de pouvoir, l’incivisme a donc de beaux jours devant lui.
Par Mustapha Hammouche - Liberté
Commentaire