Une Palestine de PlayStation
Aluf Benn
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant
Bonne nouvelle: quelque chose du processus de paix est en train de
mijoter.
Pour la première fois depuis sept ans, un premier ministre israélien
déclare qu'il y a des Palestiniens à qui parler, à savoir le président Mahmoud
Abbas et le premier ministre Salam Fayyad. Le gouvernement israélien prend
des initiatives de paix. Ehoud Olmert a convaincu Amos Oz, le maître à
penser de la gauche sioniste, qu'il a l'intention de se retirer des territoires.
Les deux parties se rencontrent et échangent des gestes de bonne volonté.
Tony Blair se promène dans la région. L'administration américaine annonce
une conférence de paix pour cet automne.
Mauvaise nouvelle : ces plans et initiatives se fondent sur une réalité
fantasmée, et sur la création d'un Etat palestinien imaginaire. Une
Palestine de Playstation.
L'hypothèse de base est qu'Abbas et Fayyad sont trop faibles et ne
pourront pas imposer l'ordre et la sécurité en Cisjordanie. Ou, comme un haut
représentant israélien le dit, ils sont agréables et modérés, mais ils
tiennent dans leurs mains des stylos et non des armes. La bande de Gaza
est tombée entre les mains du Hamas et on ne sait pas quand ni comment elle
fera partie de l'Etat-Fatah censé naître en Cisjordanie.
Pour Israël, le problème essentiel, ce sont les tirs de Qassam. Israël
ne pourra tolérer que sa population et son aéroport soient à portée des
roquettes palestiniennes. Récemment, le ministre de la défense Ehoud
Barak a dit lors d'une réunion qu'Israël ne pourrait pas renoncer à son
contrôle sécuritaire sur la Cisjordanie, au moins jusqu'à temps qu'il obtienne
les moyens d'intercepter les roquettes à courte portée.
Pareil projet pourrait prendre entre trois et cinq ans. Pour Barak, il
n'y a aucun doute : c'est la présence de l'armée sur les collines qui
surplombent l'aéroport Ben-Gourion qui empêche qu'on tire sur lui, et non une
quelconque retenue de la part d'organisations palestiniennes.
Regardons la réalité en face : en l'absence d'une force de sécurité
palestinienne efficace et d'un système israélien d'interception de
roquettes, il ne peut y avoir de retrait significatif de la
Cisjordanie, ni de remise de territoires à un Etat palestinien.
Tout retrait symbolique de colonies illégales ou isolées est également
improbable. L'armée arguera qu'elle est en pleine préparation en vue
d'une guerre possible au Nord, et qu'elle n'a pas de temps à perdre dans des
heurts avec les colons. L'état-major fera part de son inquiétude face
aux conséquences sur le moral, en particulier celui des officiers
religieux, très présents dans les unités-clés combattantes.
Les propositions d'évacuations [de colonies] avancées par le
vice-premier ministre Haïm Ramon, qui dirige la commission interministérielle
chargée des colonies illégales, seront bloquées par son rival Barak, qui y verra
une sorte de harcèlement politicien.
Dans ces circonstances, le fossé qui sépare le discours diplomatique de
la réalité s'élargit. Bien sûr, il vaut mieux parler de paix que
s' écharper.
Mais cela pourrait susciter des espoirs exagérés du côté palestinien,
qui une fois brisés, pourraient de nouveau mener à la reprise du conflit.
Olmert comprend cela et tente de combler ce fossé par le moyen d'un accord de
principes ratifiable politiquement par les deux parties. Cela
permettrait de gagner du temps et d'espérer qu'entre-temps, les choses s'arrangent.
Mais il existe une autre manière de traduire les bonnes intentions en
changements réels : alléger les restrictions imposées aux Palestiniens
de Cisjordanie dans leur liberté de circulation. Il n'y a pas d'aspect
plus cruel et plus douloureux que celui-ci, et pas d'obstacle plus important
pour la reprise de l'économie palestinienne et l'amélioration de la vie
quotidienne. A quoi sert de proposer des rencontres entre hommes
d'affaires des deux côtés, comme l'a fait Blair, quand les routes de Cisjordanie
sont bloquées? Echanger des cartes de visite avec des collègues israéliens
ne servirait pas à grand-chose pour les commerçants et les entrepreneurs
de Naplouse et de Hebron, qui veulent surtout se rendre visite entre eux.
Le "test du barrage routier" est un bon indicateur du sérieux des
intentions israéliennes et de la capacité d'Olmert à modifier la situation
existante.
Or, pour le moment, il a été mauvais : il y a plus d'un mois, Olmert
avait ordonné à l'armée de démanteler des barrages routiers. Sans résultat.
Ses instructions se sont perdues dans les arcanes de la bureaucratie
militaire, très occupée à son "travail d'état-major". L'armée et le Shin Bet
considèrent les barrages comme un outil indispensable pour lutter
contre le terrorisme, et ils n'y renonceront pas. Barak, lui, est pour faciliter
la vie des Palestiniens, mais il n'a pas encore trouvé le temps de se
rendre visite au commandement du front Centre pour étudier la chose en
profondeur.
La sombre conclusion qui s'impose est que le partenaire israélien est
faible, lui aussi, et qu'en l'absence d'un leadership capable d'imposer
sa politique sur le terrain, le processus de paix continuera d'être mené
comme un exercice virtuel, dans des conférences diplomatiques et dans des
dîners.
Aluf Benn
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant
Bonne nouvelle: quelque chose du processus de paix est en train de
mijoter.
Pour la première fois depuis sept ans, un premier ministre israélien
déclare qu'il y a des Palestiniens à qui parler, à savoir le président Mahmoud
Abbas et le premier ministre Salam Fayyad. Le gouvernement israélien prend
des initiatives de paix. Ehoud Olmert a convaincu Amos Oz, le maître à
penser de la gauche sioniste, qu'il a l'intention de se retirer des territoires.
Les deux parties se rencontrent et échangent des gestes de bonne volonté.
Tony Blair se promène dans la région. L'administration américaine annonce
une conférence de paix pour cet automne.
Mauvaise nouvelle : ces plans et initiatives se fondent sur une réalité
fantasmée, et sur la création d'un Etat palestinien imaginaire. Une
Palestine de Playstation.
L'hypothèse de base est qu'Abbas et Fayyad sont trop faibles et ne
pourront pas imposer l'ordre et la sécurité en Cisjordanie. Ou, comme un haut
représentant israélien le dit, ils sont agréables et modérés, mais ils
tiennent dans leurs mains des stylos et non des armes. La bande de Gaza
est tombée entre les mains du Hamas et on ne sait pas quand ni comment elle
fera partie de l'Etat-Fatah censé naître en Cisjordanie.
Pour Israël, le problème essentiel, ce sont les tirs de Qassam. Israël
ne pourra tolérer que sa population et son aéroport soient à portée des
roquettes palestiniennes. Récemment, le ministre de la défense Ehoud
Barak a dit lors d'une réunion qu'Israël ne pourrait pas renoncer à son
contrôle sécuritaire sur la Cisjordanie, au moins jusqu'à temps qu'il obtienne
les moyens d'intercepter les roquettes à courte portée.
Pareil projet pourrait prendre entre trois et cinq ans. Pour Barak, il
n'y a aucun doute : c'est la présence de l'armée sur les collines qui
surplombent l'aéroport Ben-Gourion qui empêche qu'on tire sur lui, et non une
quelconque retenue de la part d'organisations palestiniennes.
Regardons la réalité en face : en l'absence d'une force de sécurité
palestinienne efficace et d'un système israélien d'interception de
roquettes, il ne peut y avoir de retrait significatif de la
Cisjordanie, ni de remise de territoires à un Etat palestinien.
Tout retrait symbolique de colonies illégales ou isolées est également
improbable. L'armée arguera qu'elle est en pleine préparation en vue
d'une guerre possible au Nord, et qu'elle n'a pas de temps à perdre dans des
heurts avec les colons. L'état-major fera part de son inquiétude face
aux conséquences sur le moral, en particulier celui des officiers
religieux, très présents dans les unités-clés combattantes.
Les propositions d'évacuations [de colonies] avancées par le
vice-premier ministre Haïm Ramon, qui dirige la commission interministérielle
chargée des colonies illégales, seront bloquées par son rival Barak, qui y verra
une sorte de harcèlement politicien.
Dans ces circonstances, le fossé qui sépare le discours diplomatique de
la réalité s'élargit. Bien sûr, il vaut mieux parler de paix que
s' écharper.
Mais cela pourrait susciter des espoirs exagérés du côté palestinien,
qui une fois brisés, pourraient de nouveau mener à la reprise du conflit.
Olmert comprend cela et tente de combler ce fossé par le moyen d'un accord de
principes ratifiable politiquement par les deux parties. Cela
permettrait de gagner du temps et d'espérer qu'entre-temps, les choses s'arrangent.
Mais il existe une autre manière de traduire les bonnes intentions en
changements réels : alléger les restrictions imposées aux Palestiniens
de Cisjordanie dans leur liberté de circulation. Il n'y a pas d'aspect
plus cruel et plus douloureux que celui-ci, et pas d'obstacle plus important
pour la reprise de l'économie palestinienne et l'amélioration de la vie
quotidienne. A quoi sert de proposer des rencontres entre hommes
d'affaires des deux côtés, comme l'a fait Blair, quand les routes de Cisjordanie
sont bloquées? Echanger des cartes de visite avec des collègues israéliens
ne servirait pas à grand-chose pour les commerçants et les entrepreneurs
de Naplouse et de Hebron, qui veulent surtout se rendre visite entre eux.
Le "test du barrage routier" est un bon indicateur du sérieux des
intentions israéliennes et de la capacité d'Olmert à modifier la situation
existante.
Or, pour le moment, il a été mauvais : il y a plus d'un mois, Olmert
avait ordonné à l'armée de démanteler des barrages routiers. Sans résultat.
Ses instructions se sont perdues dans les arcanes de la bureaucratie
militaire, très occupée à son "travail d'état-major". L'armée et le Shin Bet
considèrent les barrages comme un outil indispensable pour lutter
contre le terrorisme, et ils n'y renonceront pas. Barak, lui, est pour faciliter
la vie des Palestiniens, mais il n'a pas encore trouvé le temps de se
rendre visite au commandement du front Centre pour étudier la chose en
profondeur.
La sombre conclusion qui s'impose est que le partenaire israélien est
faible, lui aussi, et qu'en l'absence d'un leadership capable d'imposer
sa politique sur le terrain, le processus de paix continuera d'être mené
comme un exercice virtuel, dans des conférences diplomatiques et dans des
dîners.