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Comment la crise de l'immobilier américain peut se propager

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  • Comment la crise de l'immobilier américain peut se propager

    Par Thomas Lardeau et Christophe Strassel (Maîtres de conférences en économie de l’IEP de Paris) 10H21 06/08/2007

    Depuis quelques semaines, les Européens ont appris l’existence d’un segment du marché financier américain qui, jusque là, n’était connu que des spécialistes: le marché "subprime". De quoi s’agit-il?

    Sur ce marché se négocient des titres représentatifs des crédits à l’immobilier qui sont consentis aux ménages américains les plus pauvres. Intérêt pour les investisseurs: la rentabilité de ces titres est plus élevée que la moyenne. Inconvénient: en raison de la probabilité de défaut plus élevée des emprunteurs, les prêteurs courent un risque plus grand de perdre leur mise. C’est précisément ce qui est en train de se produire: avec le ralentissement de l’économie américaine et l’augmentation des taux d’intérêt, les ménages, lourdement endettés à taux variables (des taux qui peuvent donc évoluer après l’octroi du crédit), voient leur situation s’aggraver. Actuellement, on évalue à près d’un million le nombre de ménages américains qui ne peuvent plus faire face aux échéances des emprunts qu’ils ont contractés pour acquérir leur logement.

    En quoi cette situation concerne-t-elle l’Europe? Après tout, depuis 1929, les autorités monétaires ont progressé dans la maîtrise des crises financières: en 1987, la Réserve fédérale a réussi à maîtriser un krach boursier de la même ampleur que celui du fameux "jeudi noir" d’octobre 1929 et la croissance mondiale en a été peu affectée. La gestion de la crise mexicaine de 1995, puis de la crise asiatique de 1997, a été quelque peu plus délicate; mais le monde entier s’est accordé à reconnaître l’habileté du président de la Réserve fédérale de l’époque, Alan Greenspan, pour réagir de façon à ce que la vague ne fasse qu’effleurer les Etats-Unis. Pourquoi en irait-il différemment cette fois?

    La première raison de s’inquiéter vient précisément du comportement de la Réserve fédérale. S’étant tardivement émue de l’"exubérance irrationnelle des marchés" (c’est ainsi qu’Alan Greenspan avait une première fois manifesté son inquiétude face à l’apparition de la "bulle" Internet en 1996), elle se trouve aujourd’hui dans une situation difficile: elle ne peut diminuer ses taux d’intérêt sous peine de favoriser une inflation déjà considérée comme inquiétante aux Etats-Unis; mais elle ne peut les augmenter sans aggraver la crise du marché "subprime". C’est ainsi qu’elle a décidé à la fin du mois de juin dernier de les laisser provisoirement inchangés, renonçant à envoyer un message clair aux marchés.

    Le deuxième facteur d’inquiétude, proprement européen celui-là, vient de la forte implication de certains acteurs du Vieux continent sur le marché "subprime". La banque IKB, numéro un allemand des prêts aux PME, a en effet massivement investi son argent sur ce marché. Et comme les banques américaines concernées, elle s’est retrouvée dans la même situation: les fonds prêtés et investis ont été en grande partie perdus. A tel point que les autorités publiques et privées allemandes ont dû intervenir en urgence pour éviter à IKB une faillite quasi-certaine. 3,5 milliards d’euros ont d’ores et déjà été investis dans cette affaire, mais il se dit que l’exposition de IKB sur le marché "subprime" pourrait atteindre 17 milliards d’euros. Quoi qu’il en soit, selon Jochen Sanio, patron du "gendarme" allemand des marchés financiers (le Bafin), cette intervention a évité à l’Allemagne "sa plus grave crise financière depuis 1931". Des propos inhabituellement alarmistes de la part d’un responsable qui agit généralement dans la plus grande discrétion…

    Dans les autres pays européens, malgré les déclarations plus rassurantes des autorités –la Banque de France considère dans son bulletin mensuel publié début août que les risques de transmission à l’Europe de la crise actuelle sont faibles– il est difficile de connaître avec exactitude le degré d’exposition des grandes banques sur le marché "subprime". La sophistication des montages financiers empêche en effet une localisation aisée des risques encourus. Il faudra attendre les prochains mois pour mesurer l’ampleur réelle de la crise en cours.

    Devant autant d’incertitudes, un diagnostic est difficile à établir. Faut-il croire Hank Paulson, secrétaire d’Etat américain au Trésor, pour qui la résorption de la crise serait une affaire de "quelques trimestres"? Ou les nombreux analystes de marché qui craignent que le subprime ne soit "que la première carte d’un château à tomber"? Une chose est certaine: si les banques européennes devaient être plus touchées que prévu par la crise actuelle, cela constituerait un vrai test pour la Banque centrale européenne, qui devrait alors agir rapidement et gérer un dilemme particulièrement épineux entre sa mission de lutte contre l’inflation et la sauvegarde du système financier.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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