Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La citoyenneté dans l'Algérie contemporaine

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La citoyenneté dans l'Algérie contemporaine

    Les férus d’histoire qui ont fait le choix de déserter les places publiques de Bouzeguène, théâtres de fêtes familiales en cette soirée du 3 août, en ont eu pour leur curiosité intellectuelle avec cette lumineuse conférence-débat présentée par Daho Djerbal, directeur de la revue Naqd , chercheur en histoire et professeur à l’université d’Alger.

    Avant d’aborder la question de la citoyenneté en Algérie coloniale, le conférencier plante le décor de la conférence en posant la question si réellement nous nous sentons algériens dans notre pays. Beaucoup d’éléments plaident pour le contraire, soutient d’emblée l’orateur qui fait le constat amer que ce qu’a subi le peuple algérien par rapport à ses droits durant la nuit coloniale va continuer au lendemain du 5 juillet 1962 faute d’une relecture après le recouvrement de l’indépendance reléguant à plus tard la quête du droit citoyen.

    A l’orateur de revenir sur le code de l’indigénat et la condition juridique des Algériens considérés alors comme des sujets de la France par le senatus- consulte du 14 juillet 1865, qui signifiait pour eux l’absence de tout droit ou liberté garantis par la Constitution française à l’homme et au citoyen. Cela en sera ainsi jusqu’aux manifestations violentes de 1934-1935 pour voir l’ancien gouverneur général en Algérie, Maurice Violette, proposer des réformes au bénéfice exclusif d’une infime minorité, projet finalement rejeté par le Sénat français. Le tournant historique sera, cependant, le 8 mai 1945, constate l’orateur, qui verra les partis nationalistes accorder leurs violons pour dire leur refus du statut imposé aux Algériens et le statut fait à l’Algérie par la volonté du régime colonial. Ce qui avait induit les autorités françaises à faire passer au Parlement, en 1947, une loi portant statut organique de l’Algérie octroyant aux Algériens une existence juridique propre et signifiant la fin du code de l’indigénat. Un statut qui impose, cependant, certaines limites à l’exercice de la citoyenneté.

    Le conférencier abordera alors la question de l’identité, de la nationalité et de la citoyenneté en situation de lutte armée signifiant le passage à une nouvelle phase de l’histoire de la question nationale mais aussi de la citoyenneté et plus tard la question démocratique en situation de guerre de libération.

    La problématique de la citoyenneté dans l’Algérie indépendante se taillera ensuite la part du lion dans la conférence qui ne s’attardera pas sur les soubresauts accompagnant tout nouvel Etat dans ses premiers pas se contentant de mettre en relief le fait que la direction politique s’était divisée sur la question de l’autorité légale et du pouvoir légitime qui devait soumettre solennellement les destinées du pays à ses mandataires dûment élus par une assemblée souveraine. L’orateur ne manquera pas de démontrer par la suite la récurrence et le recours au coup de force militaire pour prendre le pouvoir et s’y maintenir et fera une halte sur l’adoption de la Constitution de 1989 qui ouvre la voie au multipartisme mais avec les limites du constitutionnalisme entendu que le président de la République n’est pas lié par l’engagement de l’Assemblée.

    Dans son dernier chapitre, la conférence aborde “la quête éperdue d’un sujet porteur de citoyenneté” se demandant pourquoi la société avec ses différentes classes et couches sociales n’a pas pesé de tout son poids dans le rapport de forces qui a fini par basculer au profit de l’exécutif, et en son sein, des forces armées, et pourquoi à chaque fois qu’un mouvement de masse conteste la suprématie du pouvoir en place apparaissent en son sein les mêmes stigmates que ceux qu’il a combattus tout au long de son ascension.

    En conclusion, la conférence scinde en trois moments les tentatives d’instauration d’un pouvoir civil. En 1962, sous la bannière d’une aile libérale et parlementarisme du mouvement national ; la seconde, sous la pression d’un mouvement de masse populaire acquis aux idées du socialisme autogestionnaire, et la troisième, sous l’égide du social islamisme. Elle soulèvera un fait troublant : depuis l’indépendance, chaque fois qu’un mouvement de masse populaire est sur le point d’aboutir à une réforme constitutionnelle du régime en place visant à ramener le centre de décision vers les représentants de la société civile, un coup d’Etat militaire, souvent soutenu par une partie de la classe politique, vient mettre un terme au processus, suggérant qu’il est intéressant de s’interroger enfin sur les raisons qui font que, dans la société, des forces continuent d’agir pour maintenir les Algériens dans la sujétion à un pouvoir despotique en empêchant à chaque fois l’émergence du peuple citoyen comme sujet de son propre droit.

    Durant les débats, le conférencier, qui avait imprudemment inclu le mouvement citoyen des arouch dans ses exemples de recours à la violence armée comme facteur récurrent, se verra reprocher de ne pas avoir pipé mot sur la crise berbère ayant marqué le mouvement national en 1947/1949. Il se verra demander comment l’Algérie pourrait résoudre ce problème de citoyenneté. Questions qui ont trouvé des réponses pertinentes chez l’orateur qui est venu avec un lot de livres qu’il a versés à la bibliothèque du centre culturel.

    Rappelons que la manifestation a été mise sur pied par l’association Igelfan qui a inclu dans son programme une randonnée interactive sur les monts d’Ath-Zikki à laquelle ont pris part des hommes mais aussi des femmes originaires de plusieurs régions du pays, à l’image de Samia et Dounia d’Alger et Habiba de Béjaïa. Daho Djerbal et Messaoudène Mohand, docteur en forêt, ont également pris part à cette expédition dans la nature encore épargnée par la pollution dans cette partie de la dorsale du Djurdjura.


    Par Le Soir
Chargement...
X