Les Débats
Partie I
Au point de vue officiel, les choses sont plutôt claires pour ce qui est du terrorisme. S’il constitue une réalité indéniable, il se trouve pour l’heure à l’état résiduel, et bientôt il appartiendra au passé car la détermination des autorités d’en finir avec lui est désormais bien réelle.
Le fait qu’il soit qualifié de résiduel depuis maintenant presque une décennie non seulement ne pose pas problème, mais semble conforter les responsables dans l’idée qu’ils ont remporté sur lui une victoire, peut-être pas totale au point qu’il n’existe plus trace de lui dans le pays, mais en tout cas décisive, en ce sens qu’il est condamné à voir ses forces s’amenuiser chaque jour davantage, et que le temps somme toute n’est pas si loin où il aura cessé de faire partie du décor.
Mais dire que les jours du terrorisme sont comptés laisse en réalité indéterminé le temps qu’il lui reste à vivre. Sa maladie est incurable, soit, mais il n’est guère possible de fixer une limite que dans tous les cas de figure, il ne pourra dépasser. A moins de supposer qu’il puisse bénéficier dans l’intervalle d’un apport de forces extérieures, ou qu’il change assez profondément pour échapper au sort qui lui était prescrit dans l’état où il s’était d’abord présenté. Cela fait une décennie, ou presque, qu’il est décrit comme un phénomène résiduel. Il n’est pas interdit de penser qu’il puisse durer un certain nombre d’années de plus en tant que tel. Mieux encore, cette possibilité n’est théoriquement pas en contradiction avec l’affirmation qu’il est finissant. Son présent peut très bien en effet se révéler extensible. N’en est-il pas ainsi des groupuscules politiques capables de se survivre un temps indéfini, quand les circonstances qui les ont vu naître ont quant à elles disparu depuis longtemps ? A croire que la miniaturisation est un garant de survie en politique.
Evidemment, une fois qu’on a décrété que le terrorisme ne représente plus un danger pour la stabilité du pays, il devient incompréhensible de proposer rien de moins qu’une réconciliation nationale à ses débris, et d’appeler dans le même temps la nation à donner son onction à cette initiative. En effet, parler en termes de réconciliation nationale laisse supposer que le pays s’est divisé en deux camps, pour le moins, engagées dans une guerre implacable l’un contre l’autre et que si cela devait durer, il serait à craindre que l’unité de l’Etat s’en trouve brisée. Or, en Algérie, bien que gravissime à une certaine période, la crise n’a pas évolué jusqu’à mettre l’Etat au bord de l’effondrement.
Elle n’a pas dégénéré en guerre civile. Elle est restée de bout en bout une crise politique, certes paroxystique, et particulière en ceci qu’un courant politique, au départ majoritaire, a versé dans la violence à outrance après l’arrêt des élections dont il avait remporté le premier tour. Et ce choix de la violence s’explique en premier lieu, non par ce qui peut passer à première vue pour une injustice commise à son endroit, mais par sa nature de parti en réalité décidé à tout pour s’emparer du pouvoir et imposer au pays son programme fondamentaliste. Si la crise s’était développée en guerre civile, elle aurait pu se traduire à terme par une division territoriale. Mais ce qui n’aurait pas manqué de se produire dans tous les cas de figure, c’est la dualité du pouvoir politique, et l’islamisme dans cette hypothèse n’aurait eu aucun besoin de recourir à l’arme du terrorisme. L’Etat aurait éclaté, et la mêlée aurait été générale entre ceux qui auraient soutenu le nouveau pouvoir et, conséquemment, auraient mis un point d’honneur à arborer ses symboles, et ceux qui seraient restés fidèle à l’ordre politique tel qu’il était avant la crise. Si celle-ci avait évolué jusque-là, il n’est pas certain que tout le personnel politique aujourd’hui aux responsabilités aurait choisi le camp dans lequel il se range pour le moment, compte tenu de l’attitude pour le moins ambiguë observée par nombre de ses représentants tout le temps où le terrorisme paraissait de force à l’emporter. Ce n’était pas pur opportunisme de leur part, mais au contraire l’indice qu’ils étaient tout disposés à servir un autre régime, en l’occurrence la théocratie pour l’établissement de laquelle les groupes terroristes ravageaient le pays et massacraient leurs concitoyens.
Si les intégristes de l’ex-Fis n’avaient d’autre programme que d’exercer le pouvoir dans le cadre de l’Etat existant, et pendant la durée du mandat obtenu par leurs candidats, ils n’auraient jamais pris prétexte de l’arrêt des élections pour basculer dans une violence tous azimuts. Ils auraient considéré cette mesure comme une provocation, comme un coup de force contre la légalité, et ils en auraient appelé à l’opinion nationale et internationale pour être rétablis dans leur droit. Mais une bonne partie des éléments de cette mouvance fondamentaliste ne s’étaient engagés dans ces premières élections législatives pluralistes qu’avec beaucoup de répugnance, et uniquement avec l’arrière-pensée de recourir à la violence si la voie des urnes ne débouchaient pas sur le pouvoir.
Même s’ils avaient perdu ces élections, ils en seraient venus aux armes tôt ou tard. Si on les avait laissés jouir de leur victoire de décembre 1991, et former le gouvernement, ils n’auraient jamais accepté de cohabiter avec un président de la République appartenant à un autre camp que le leur, ni d’ailleurs de composer avec aucune institution qui ne se serait pas trouvée sous leur coupe. Les islamistes radicaux se trouvaient alors dans un état d’esprit révolutionnaire, ils n’auraient jamais admis de ne posséder qu’une partie du pouvoir. Ils n’admettaient déjà que difficilement d’avoir à passer par des élections pour y accéder.
Le prétexte pour pousser leur avantage une fois les législatives remportées par eux était d’ailleurs tout trouvé : demander l’organisation d’une présidentielle anticipée, à la fois parce qu’ils avaient annoncé que telle était leur intention des semaines auparavant, et pour être en accord avec leur base qui n’aurait pas manqué de l’exiger, convaincus qu’ils étaient tous, dirigeants et simples militants, que rien n’était capable de leur barrer la route ou de leur résister.
à suivre...
Partie I
Au point de vue officiel, les choses sont plutôt claires pour ce qui est du terrorisme. S’il constitue une réalité indéniable, il se trouve pour l’heure à l’état résiduel, et bientôt il appartiendra au passé car la détermination des autorités d’en finir avec lui est désormais bien réelle.
Le fait qu’il soit qualifié de résiduel depuis maintenant presque une décennie non seulement ne pose pas problème, mais semble conforter les responsables dans l’idée qu’ils ont remporté sur lui une victoire, peut-être pas totale au point qu’il n’existe plus trace de lui dans le pays, mais en tout cas décisive, en ce sens qu’il est condamné à voir ses forces s’amenuiser chaque jour davantage, et que le temps somme toute n’est pas si loin où il aura cessé de faire partie du décor.
Mais dire que les jours du terrorisme sont comptés laisse en réalité indéterminé le temps qu’il lui reste à vivre. Sa maladie est incurable, soit, mais il n’est guère possible de fixer une limite que dans tous les cas de figure, il ne pourra dépasser. A moins de supposer qu’il puisse bénéficier dans l’intervalle d’un apport de forces extérieures, ou qu’il change assez profondément pour échapper au sort qui lui était prescrit dans l’état où il s’était d’abord présenté. Cela fait une décennie, ou presque, qu’il est décrit comme un phénomène résiduel. Il n’est pas interdit de penser qu’il puisse durer un certain nombre d’années de plus en tant que tel. Mieux encore, cette possibilité n’est théoriquement pas en contradiction avec l’affirmation qu’il est finissant. Son présent peut très bien en effet se révéler extensible. N’en est-il pas ainsi des groupuscules politiques capables de se survivre un temps indéfini, quand les circonstances qui les ont vu naître ont quant à elles disparu depuis longtemps ? A croire que la miniaturisation est un garant de survie en politique.
Evidemment, une fois qu’on a décrété que le terrorisme ne représente plus un danger pour la stabilité du pays, il devient incompréhensible de proposer rien de moins qu’une réconciliation nationale à ses débris, et d’appeler dans le même temps la nation à donner son onction à cette initiative. En effet, parler en termes de réconciliation nationale laisse supposer que le pays s’est divisé en deux camps, pour le moins, engagées dans une guerre implacable l’un contre l’autre et que si cela devait durer, il serait à craindre que l’unité de l’Etat s’en trouve brisée. Or, en Algérie, bien que gravissime à une certaine période, la crise n’a pas évolué jusqu’à mettre l’Etat au bord de l’effondrement.
Elle n’a pas dégénéré en guerre civile. Elle est restée de bout en bout une crise politique, certes paroxystique, et particulière en ceci qu’un courant politique, au départ majoritaire, a versé dans la violence à outrance après l’arrêt des élections dont il avait remporté le premier tour. Et ce choix de la violence s’explique en premier lieu, non par ce qui peut passer à première vue pour une injustice commise à son endroit, mais par sa nature de parti en réalité décidé à tout pour s’emparer du pouvoir et imposer au pays son programme fondamentaliste. Si la crise s’était développée en guerre civile, elle aurait pu se traduire à terme par une division territoriale. Mais ce qui n’aurait pas manqué de se produire dans tous les cas de figure, c’est la dualité du pouvoir politique, et l’islamisme dans cette hypothèse n’aurait eu aucun besoin de recourir à l’arme du terrorisme. L’Etat aurait éclaté, et la mêlée aurait été générale entre ceux qui auraient soutenu le nouveau pouvoir et, conséquemment, auraient mis un point d’honneur à arborer ses symboles, et ceux qui seraient restés fidèle à l’ordre politique tel qu’il était avant la crise. Si celle-ci avait évolué jusque-là, il n’est pas certain que tout le personnel politique aujourd’hui aux responsabilités aurait choisi le camp dans lequel il se range pour le moment, compte tenu de l’attitude pour le moins ambiguë observée par nombre de ses représentants tout le temps où le terrorisme paraissait de force à l’emporter. Ce n’était pas pur opportunisme de leur part, mais au contraire l’indice qu’ils étaient tout disposés à servir un autre régime, en l’occurrence la théocratie pour l’établissement de laquelle les groupes terroristes ravageaient le pays et massacraient leurs concitoyens.
Si les intégristes de l’ex-Fis n’avaient d’autre programme que d’exercer le pouvoir dans le cadre de l’Etat existant, et pendant la durée du mandat obtenu par leurs candidats, ils n’auraient jamais pris prétexte de l’arrêt des élections pour basculer dans une violence tous azimuts. Ils auraient considéré cette mesure comme une provocation, comme un coup de force contre la légalité, et ils en auraient appelé à l’opinion nationale et internationale pour être rétablis dans leur droit. Mais une bonne partie des éléments de cette mouvance fondamentaliste ne s’étaient engagés dans ces premières élections législatives pluralistes qu’avec beaucoup de répugnance, et uniquement avec l’arrière-pensée de recourir à la violence si la voie des urnes ne débouchaient pas sur le pouvoir.
Même s’ils avaient perdu ces élections, ils en seraient venus aux armes tôt ou tard. Si on les avait laissés jouir de leur victoire de décembre 1991, et former le gouvernement, ils n’auraient jamais accepté de cohabiter avec un président de la République appartenant à un autre camp que le leur, ni d’ailleurs de composer avec aucune institution qui ne se serait pas trouvée sous leur coupe. Les islamistes radicaux se trouvaient alors dans un état d’esprit révolutionnaire, ils n’auraient jamais admis de ne posséder qu’une partie du pouvoir. Ils n’admettaient déjà que difficilement d’avoir à passer par des élections pour y accéder.
Le prétexte pour pousser leur avantage une fois les législatives remportées par eux était d’ailleurs tout trouvé : demander l’organisation d’une présidentielle anticipée, à la fois parce qu’ils avaient annoncé que telle était leur intention des semaines auparavant, et pour être en accord avec leur base qui n’aurait pas manqué de l’exiger, convaincus qu’ils étaient tous, dirigeants et simples militants, que rien n’était capable de leur barrer la route ou de leur résister.
à suivre...
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