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Les sciences humaines et l'éthique politique en Algérie

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  • Les sciences humaines et l'éthique politique en Algérie

    Les débats sur la corruption et la gestion rationnelle des biens publics et fonciers posent la problématique de l'éthique politique en Algérie.

    Ces débats mettent également l'accent sur les carences de la formation des hommes d'Etat, qui auront pourtant le devoir d'assurer leurs fonctions sans cupidité, sans abus de pouvoir et sans profit personnel. Mais comme l'écrivait Paul Claudel: «Ce n'est pas avec l'encre et la plume qu'on fait une parole vivante !».

    Pourquoi les étudiants s'orientent-ils si peu vers les sciences humaines (sociologie, philosophie, langues étrangères, histoire, anthropologie, etc.) ? D'une part, ces formations ne facilitent guère l'accès à l'emploi. En effet, à quoi bon être diplômé de philosophie si c'est pour connaître le chômage ou être mal employé ? D'autre part, le niveau des bacheliers est souvent insuffisant. En effet, ces formations requièrent des capacités d'analyse académiques, la maîtrise d'au moins une langue étrangère et une culture générale solide. Le lien entre les formations techniques et les activités économiques s'établit clairement. Il n'en est pas de même en ce qui concerne les sciences humaines dont les résultats constituent les fondements de l'innovation et de l'harmonie sociale. Nul ne conteste la nécessité pour tous de disposer d'une culture générale et de principes éthiques. Certes, les avancées de la philosophie et de la sociologie sont indispensables à la vie économique et sociale. Ces domaines nourrissent les débats politiques, éclairent la diplomatie, favorisent la compréhension entre les peuples, développent le sens critique et celui de la responsabilité. Cependant, il me semble que l'opinion publique et les décideurs politiques n'établissent pas aisément le lien entre ces vertus et une formation de qualité en sciences humaines (et c'est aussi valable pour la recherche en ce domaine).

    Et pourtant, l'Algérie a tant besoin de sociologues, d'anthropologues, d'archéologues, de philosophes, d'historiens, etc. ! Prenons l'exemple de l'histoire: il me semble qu'il reste un long chemin à parcourir. Notre histoire antique et moyenâgeuse est écrite principalement par des spécialistes français. En l'état actuel, l'université algérienne ne peut pas former des spécialistes de cette période car, pour accéder aux textes, il est primordial de connaître les langues anciennes (latin, grec, égyptien, hébreu, etc.). De plus, notre université a cessé d'enseigner ces langues à la fin des années soixante-dix. Pourtant, la majeure partie de notre histoire a été écrite dans ces langues. Faute de spécialistes, nous sommes obligés de travailler selon les traductions françaises et d'autres langues modernes. Ce manquement crée un trou dans notre mémoire collective. De ce fait, certains ne parviennent ni à reconnaître toute l'Histoire de la nation algérienne ni à s'y reconnaître (1).

    Dans l'histoire de la Libération nationale, il reste beaucoup de zones d'ombre volontaires et involontaires. D'une part, les adeptes des oulémas voulaient nous inculquer l'idée que la Révolution nationale était le fruit de leur combat. Or, ces derniers étaient en partie pour l'assimilation. D'autre part, certains voulaient s'attribuer toute l'histoire de la Guerre de la Révolution et se considéraient comme messagers des martyrs. Pourtant, il y eut des militaires du MNA dont peu d'Algériens ont connaissance, hormis les témoins oculaires de l'époque. A l'heure actuelle, ces militaires ne bénéficient toujours pas de la reconnaissance qui leur est due. Il y eut aussi d'autres mouvements qui ont contribué directement ou indirectement à la Révolution algérienne.

    Ceci m'amène à aborder la réconciliation nationale qui serait, je pense, une bonne démarche, si elle associait tous les enfants d'Algérie, où chacun pourra se reconnaître et être reconnu par la Constitution algérienne. Cette reconnaissance donnera une légitimité à leur existence et un sens à leur vie. Ce sentiment d'appartenance à la nation est primordial pour la stabilité de l'Etat. C'est le moyen pour que notre mère patrie reconnaisse tous ses enfants, même ceux qui se sont égarés un jour. C'est une raison supplémentaire pour aimer et assumer l'histoire de notre patrie et pour admettre l'idée d'une nation républicaine. Des spécialistes dans le domaine peuvent aider notre peuple à se réconcilier en enrichissant les débats et en levant les zones d'ombre de notre histoire.

    En septembre 1809, les Français ont crée une «classe de philosophie», qui a pour mission, selon les termes du décret qui la définit, d'enseigner aux élèves «les fondements de la logique, de la morale et de la métaphysique» ainsi que les principales «opinions des philosophes». Il s'agit de préparer les jeunes gens à entrer dans l'âge adulte qui suppose, en effet, réflexion, esprit critique, capacité à argumenter en comparant la validité des différents choix éthiques et intellectuels possibles sur le sujet donné. Dans la tradition républicaine, pour exercer convenablement ses responsabilités de citoyen, il faut être capable d'autonomie intellectuelle tout comme une certaine autonomie financière peut s'avérer utile pour ne pas voter comme un seul homme sur le modèle de ses «maîtres».

    Ainsi, la philosophie peut être définie comme un «art de la réflexion», un «exercice de l'esprit critique» et une «initiation à l'argumentation». Selon la tradition républicaine, la philosophie serait par excellence cette «discipline de la méthode» dont l'idéal serait que chacun puisse un jour parvenir à «penser par lui-même». Des parents seraient heureux de voir leur enfant apprendre à penser avec davantage de «rigueur» et de «réflexion». Cependant, dans notre cas, le programme de philosophie pour les élèves de terminale ne sollicite guère les facultés des lycéens à s'étonner, à remettre en cause soi-même et les autres et à se réveiller des sommeils dogmatiques. A mon point de vue, elle est une suite de l'éducation religieuse. Les gens de culture moyenne pensent qu'étudier cette discipline les éloigne de Dieu. Cette croyance est renforcée par les prédicateurs religieux et parfois même par certains professeurs de philosophie qui conseillent aux lycéens de ne pas approfondir leurs connaissances dans ce domaine. En effet, les enseignants, s'appuyant sur des textes dits de philosophie musulmane du Moyen Age et sur les propos de certains oulémas et prédicateurs profanes, craignent que les jeunes lycéens deviennent athées. Les lycéens peuvent aussi se trouver face à des professeurs critiquant à l'excès la religion. Les voilà face à un véritable dilemme !

    En outre, les textes proposés, souvent écrits par des théologiens du Moyen Age, ne suscitent guère l'esprit critique; bien au contraire, ces textes enracinent l'esprit de sacralisation chez les jeunes. En conséquence, au lieu de devenir des citoyens éclairés et dotés d'une autonomie intellectuelle, les lycéens se voient dans l'obligation de passer par les textes religieux pour argumenter une pensée quelconque. Notons bien que la théologie musulmane n'a pas évolué depuis le Moyen Age ! Les jeunes se trouvent donc face à une situation antagoniste, entre la réalité et les obligations religieuses. Ils sont poussés à vivre dans l'hypocrisie, ce qui se traduit, sur le plan psychologique, par la culpabilité, l'angoisse et l'absence de projection dans l'avenir.

    C'est une des raisons qui poussent parfois des personnes à se convertir brutalement et radicalement dans des dogmes fanatiques pour racheter leurs péchés ou pour se révolter contre les valeurs en exergue. Désormais l'école participe, à son insu et en amont, à préparer les futurs citoyens à devenir des fanatiques religieux ou autres. Prenons en compte que la religion répandue dans notre société est traditionnelle dans ses pratiques et ses dogmes de plus en plus sacralisés. Cette sacralisation pose effectivement un problème de mobilité, de flexibilité de valeurs et de cohabitation entre les valeurs républicaines et religieuses, et n'encourage guère l'homme à penser par lui-même. A terme, n'inculquer aux élèves que de l'éthique religieuse (omniprésente dans une grande partie des textes proposés de la première année à la terminale, dans les cours de lecture, d'histoire, de philosophie, etc. ainsi que dans les comportements de certains enseignants), est insuffisant pour préparer un bon citoyen. A fortiori, notre école devrait préparer des citoyens capables de s'interroger, d'interroger leur histoire et de s'imprégner de la pensée moderne. Comme disait Rabaut Saint-Etienne: «Notre histoire n'est pas notre code». Il voulait dire par là que nous ne sommes pas prisonniers des traditions, de l'Ancien Régime et que nous pouvons inventer notre histoire et faire la révolution. L'unique richesse à donner à nos enfants est de leur donner les clés du savoir afin qu'ils accèdent à une vie bonne.

    Par le Quotidien d'Oran

  • #2
    Bonjour

    Pour résumé la chose tant que l'école sera prise en otage par les "moralisateurs" (Immorales eux mêmes) elle ne pourra pas accomplir sa mission correctement.

    La "ballisation" religieuse "radicale" pose bien des freins dans l'acquisition des "sciences humaines" qui sont les sources même des sociétés.

    Une revalorisation de ces disciplines au sein de l'école est plus qu'urgente, car au final le système scolaire algérien s'est usé à la longue les locaux de l'éducation nationale sont devenus des lieux d'apprentissage de la "calligraphie" ou tout le monde pense pour l'élève mais il ne lui est pas permis de "pensé" par lui même.

    C'est bien dommage quand on sait de quoi sont capables les algériens .
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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