Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le Japon brise le tabou de la satire politique

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le Japon brise le tabou de la satire politique

    Longtemps considérée comme un tabou, la satire politique n'est plus interdite au Japon. Une nouvelle génération de comédiens exploite désormais ce créneau, tel Hikari Ota, qui se moque des hommes politiques vieillissants dans son émission de télévision.

    "C'est facile de les repérer en train piquer du nez pendant les séances parlementaires", explique-t-il aux spectateurs venus assister à son show hebdomadaire, dans un studio à Tokyo. Sur un grand écran, un député sommeille sur son banc. "Parfois, ils sont même morts", ironise-t-il.

    Si le traitement qu'Hikari Ota inflige aux dirigeants pourrait paraître anodin dans d'autres pays, il est en revanche très audacieux au Japon où la satire politique a jusqu'à récemment été proscrite. Les égards réservés traditionnellement aux autorités ont longtemps cantonné les comédiens à un comique routinier, d'où les hommes politiques étaient absents. La liberté d'expression a une histoire relativement courte au Japon, et la crainte de mouvements violents de droite a aussi incité nombre de comiques à se taire.

    Mais des tabous sont tombés au cours de la dernière décennie, des bureaucrates étant impliqués dans des scandales, les hommes politiques étant devenus plus dépendants de l'opinion publique et les citoyens faisant de plus en plus entendre leur voix. Aujourd'hui, on peut à peu près tout aborder, même si cela ne met pas à l'abri des critiques. Hikari Ota n'hésite plus à titiller le Premier ministre, faire des plaisanteries sur des sujets politiques, comme la réforme constitutionnelle, et même sur l'ultime tabou: la famille impériale.

    "Nous essayons de disséquer la société avec humour", explique cet homme de 42 ans, qui anime avec son comparse Yuji Tanaka une émission satirique baptisée "Bakusho Mondai" ("Histoire d'en rire"). Dans une chronique dont le thème était "Si je devenais Premier ministre", Hikari Ota présentait de fausses propositions, telles que "le Japon devrait acheter toutes les bombes atomiques de la Corée du Nord", ou "imposer des tests de compétence aux premiers ministres".

    Dans une société où garder ses opinions pour soi est signe de maturité et d'élégance, les satiristes japonais bousculent la tradition en s'attaquant à des sujets traditionnellement inabordables.

    La cible favorite du comédien Minoru Torihada, c'est la droite qui vénère l'empereur et aspire à redonner au Japon la puissance dont elle jouissait en temps de guerre. Sur scène, dans un uniforme étriqué, il exhorte les spectateurs à "saluer le palais". "Je recommande une armée forte, avec l'enrôlement de tous les hommes de huit à 65 ans et que toutes les femmes soient fécondes", ironise-t-il, faisant référence à la propagande utilisée en temps de guerre. "Comment traiter le problème d'une population qui vieillit?", lance-t-il également. "En les envoyant au front plutôt que dans des maisons de retraite..."

    De tels thèmes peuvent choquer un Japon encore en délicatesse avec certains de ses voisins en ce qui concerne le militarisme des années 1930 et 1940, mais Minoru Torihada pense qu'il est de la responsabilité des comédiens d'aborder ces questions.

    Masaharu Ibaragi, spécialiste en politique et en comédie au département des Sciences de l'information à l'Université de Tokyo, remarque pour sa part que pendant longtemps, les comiques n'ont pas touché aux hommes politiques, à la religion et à la famille royale, et qu'ils ont du mal à oser aujourd'hui. "Au Japon, faire de la satire politique, c'est comme se produire devant un comité d'éthique", assure-t-il. "Résultat: les médias et le secteur du spectacle s'auto-censurent."

    Par AFP
Chargement...
X