Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Mémoire blessée,de Mohamed Sahnoun,

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Mémoire blessée,de Mohamed Sahnoun,

    Récit d'un rescapé de la torture
    Par Florence Beaugé, Le Monde, 1er juin 2007
    Pendant des décennies, il a gardé ce manuscrit dans un tiroir. Et puis, à partir de 2002, quand il a vu de quelle façon la communauté internationale se livrait "à des contorsions juridiques" pour faire valider la torture sous prétexte de combattre le terrorisme, il a décidé de porter son témoignage à la connaissance du public.
    En exhumant ce récit autobiographique, Mohamed Sahnoun, diplomate international de haut rang, ne cherche ni à remuer la boue ni à réclamer vengeance. En cela, il ressemble à la quasi-totalité de ses frères algériens rescapés de la torture qui ont réussi l'exploit de ne jamais réduire la France à leurs bourreaux. S'il n'écrit pas à la première personne et s'abrite derrière le prénom de Salem, c'est pour mieux souligner que son histoire "est loin d'être unique" et que des dizaines de milliers de ses compatriotes ont connu le même sort.
    Mémoire blessée, Algérie 1957 est un extraordinaire témoignage sur la souffrance et la solidarité humaine. Certaines pages ont la force bouleversante de La Question d'Henri Alleg ou de La Gangrène de Bachir Boumaza. Salem a une vingtaine d'années quand, un matin de 1957, il est arrêté à Laghouat, dans le Sud algérien, et transféré à Alger, à la Villa Susini, l'un des pires centres d'interrogatoires et de tortures de l'armée française. Noyade, électricité, coups, morsures de chien, soif, humiliations... Le jeune homme a droit à tout, sur fond de Non, je ne regrette rien. Car, à la Villa Susini comme à l'école Sarouy, autre centre d'interrogatoires de sinistre réputation, on torture en musique : Edith Piaf et Dalida, notamment, servent à couvrir les cris des suppliciés.
    "Qui sont tes chefs et où se cachent-ils ?" Cette interrogation, Salem va l'entendre des centaines de fois. Mais le jeune homme n'est pas le gros poisson qu'imaginent ses tortionnaires. S'il est un militant indépendantiste, il a été confondu avec l'un de ses cousins. Peu importe. Mohamed Sahnoun-Salem (qui perdra définitivement l'ouïe d'une oreille en raison de ces tortures) ne se pose pas en victime. Il relate ce qui lui est arrivé. Sa découverte, surtout, de la violence et du sadisme, autant que de l'humiliation gratuite.
    Ce n'est pourtant pas la barbarie que l'on retient de son livre, mais de magnifiques gestes de fraternité. A Alger autant qu'en France, où il va trouver refuge sitôt sorti de l'enfer, Salem va croiser des Français dont la compassion et le soutien feront office d'antidote à ce qui aurait pu se transformer en haine. Un officier, un avocat, un médecin de campagne et son épouse, une assistante sociale, des prêtres ouvriers, notamment, lui apportent leur aide, au péril de leur vie. Au fil des pages apparaissent des figures connues - Mgr Duval, l'archevêque d'Alger, l'avocat Pierre Popie ou encore l'ethnologue Germaine Tillion -, d'autres, inconnues, qui ont en commun de savoir ce que fraternité veut dire.
    "Il n'y a ni race supérieure ni race inférieure. Il y a des hommes, tous pécheurs et tous aimés de Dieu, comme ses enfants...", lit un jour le jeune Salem dans la bibliothèque d'une abbaye d'Angers où il est caché. D'où sa conclusion, à lui, le jeune musulman : "C'était cette vérité qu'on voulait nier, avec toutes ces guerres coloniales..."

    Cinquante ans plus tard, Mohamed Sahnoun, devenu conseiller pour l'Afrique du secrétaire général des Nations unies et président de l'association Initiatives et changement, plaide inlassablement pour "le devoir de protéger", autre forme du devoir d'ingérence défendu par Bernard Kouchner. Pour ne pas rester "face à face" avec ce qu'il a subi en 1957, il a tenté toute sa vie de transposer son expérience sur le plan international. "J'essaie d'apporter de l'aide aux victimes, comme d'autres l'ont fait autrefois pour moi", dit-il simplement.

    Mémoire blessée, Algérie 1957 , de Mohamed Sahnoun, Presses de la Renaissance, 234 pages...
    Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire
Chargement...
X