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L'hôpital Mohamed Lamine-Debaghine à Bab el Oued

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  • L'hôpital Mohamed Lamine-Debaghine à Bab el Oued

    Le mois d’août consomme sa deuxième semaine. Alger suffoque. La canicule bat les records. Le climat torture les algérois peu enclins à supporter les caprices de la météo qui annonce des pics de chaleur effrayants. C’est la grande ruée vers les plages. En famille, les Algérois font trempette. Nous prenons le sens inverse. Direction les hôpitaux d’Alger. L’occasion de faire une tournée et voir comment vont les centres hospitaliers très sollicités en ces temps difficiles. On emprunte les ruelles grouillantes de monde de Bab El Oued pour nous diriger vers l’hôpital Mohamed Lamine-Debaghine (ex-Maillot).

    Arrivé à la porte principale d’entrée, première surprise: le grand portail est fermé. Renseignements pris, il s’agit d’une décision prise par la direction de l’établissement. Les malades devront entrer par la porte d’en bas et faire le tour de l’hôpital, pour les cas graves qui ne peuvent pas se déplacer à pied, pour arriver au pavillon des urgences. Nous faisons le trajet en voiture.
    A l’intérieur, les lieux donnent l’impression d’être bien entretenus. Les jardins aux arbres centenaires occupent un espace considérable. Cela donne une fraîcheur et beaucoup d’ombre, très recherchée en ces temps de canicule. Trois agents chargés du nettoyage des lieux passent devant nous. Nous profitons de l’occasion pour les interroger sur les conditions de travail. Autre surprise. Ils ne portent aucun badge et ne possèdent aucun document justifiant leur activité. Le gilet à la couleur bien distinguée, fluor, et le matériel qu’ils trimballent sont les seuls signes distinctifs de leur métier.

    Les patients livrés à eux-mêmes

    L’un d’eux nous fera savoir qu’il est ici depuis plusieurs mois. Qu’il est payé cash comme tous ses camarades. Ils n’ont même pas de fiche de paie. Comment ont-ils été recrutés? Mystère. Voyant qu’il fait l’objet d’un tir nourri de questions, notre interlocuteur, mal à l’aise, tente de mettre fin à la discussion. «Je ne veux pas avoir des problèmes, s’excuse-t-il, je ne veux pas perdre mon emploi». Il nous prie de ne pas parler de son cas.
    Il sera faussement rassuré quand on lui rappellera qu’il n’est pas seul dans ce cas...Nous arrivons au seuil du bloc des urgences. Il n’y a pas beaucoup de monde. La salle des consultations est aménagée à l’américaine. De entrées et des sorties partout. Deux malades attendent leur tour. Ils sont jeunes. L’un d’eux paraît nerveux. Il fait des va-et-vient, gesticule et demande, à haute voix, la présence d’un médecin. Personne ne lui répond. Sur les trois «coins» réservés aux consultations, seul un fonctionne. Une femme médecin s’affaire à consulter une dame qui se plaint de douleurs abdominales. Le jeune malade s’impatiente et commence à le faire savoir.

    Il parle, fait des remarques mais personne ne fait attention à ce qu’il dit. L’autre jeune patient garde son calme et parle au téléphone. Il rassure ses proches sur son état. «J’ai fait, explique-t-il, les analyses demandées et j’attends mon tour pour passer chez le médecin.» Entre temps le jeune nerveux, fatigué, tente de s’asseoir sur la civière. Cette dernière balance d’un coté et le fait tomber. Il crie sa colère et déchire sa fiche bleue en menus morceaux qu’il fait voler dans le ciel. Il quitte les lieux en lançant des insultes. Personne ne se branche sur son cinéma. Dans ce genre de cas, les infirmiers et les médecins qui passent font tout pour éviter le contact.

    Une personne qui a tout l’air d’être un responsable du service passe par le couloir des urgences. Il remarque les bouts de la fiche bleue par terre. Il les pousse avec son pied pour les amasser. Il prend le soin d’éteindre la lampe de la première salle de consultations. Une manière de signifier que le médecin n’est pas là. Puis, tout d’un coup, le seul médecin en activité s’énerve et se dirige vers le bureau des infirmiers. Elle fait remarquer à son interlocuteur qu’«il n’y a aucun infirmier dans le service» et qu’«elle ne peut pas continuer à travailler ainsi».

    Elle use de la menace même après que le préposé au bureau lui a donné des explications légères du genre «il est là, il va revenir, il ne peut être loin». Le médecin lui fait rappeler que dorénavant, elle ne va pas se taire sur ce genre de fugue. «Je vais faire un rapport dans ce sens!», martèle-t-elle. La réaction est instantanée: «Voilà, c’est moi qui vais le remplacer, ça te va comme ça», lui lance-t-il avec un air plaisantin tout en enfilant sa blouse blanche. Le médecin se calme. Je fais un tour dans la salle de déchoquage mitoyenne de la salle de consultations. La porte est entrouverte: une dame d’un certain âge est mise sous perfusion. Elle a l’air inconsciente. A ses côtés un autre malade est allongé. Ses parents l’entourent. Trois femmes versent des larmes en silence.

    L’homme est mourant. Il a les yeux ouverts mais ne réagit point. Son regard est vide. Cette salle est normalement interdite aux étrangers. Elle accueille les cas graves. Mais personne ne vient nous déranger dans notre visite. Ni les parents des malades qui sortent et rentrent comme s’il s’agissait d’une salle ordinaire. Je décide alors de faire le malade et de me faire ausculter par le médecin urgentiste de service. Je ramène la fiche bleue d’admission et j’attends mon tour. Je me mets alors à réagir de la même manière que le malheureux patient qui a déchiré sa fiche.

    Je simule un énervement et me dirige vers la petite salle réservée aux consultations laissée vide depuis un bon moment. Une énième surprise. Le médecin de service est juste là derrière le mur de séparation. Attablé, il passe son temps à ne rien faire. Je m’approche de lui et lui demande si le médecin est là. Sa réponse est directe: «Qu’est-ce que tu as?» Je lui demande alors s’il est médecin car il ne portait pas la blouseblanche.

    La réponse est affirmative. «Wach bik?», m’interroge-t-il encore une fois. Je lui réponds que j’ai des douleurs à la poitrine et aux poumons. Sa réaction m’arrache un éclat de rire que je ne pouvais maîtriser. «Hada makane, c’est tout?» Je m’approche de lui: «Quoi, vous voulez me voir comment alors?» Il ne répond point. Il sait qu’il vient de commettre une erreur de communication avec un malade. Il ramène son stéthoscope et m’ausculte. A la fin de l’examen, il me prescrit une ordonnance en bonne et due forme avec trois médicaments à la clé dont un antibiotique. Je suis surpris par la légèreté avec laquelle un médecin peut prescrire des médicaments à une personne en bonne santé. Je sors du service des urgences avec des inquiétudes sur la compétence du staff médical. Je reprends ma tournée pédestre dans ce vaste hôpital où il vaut mieux profiter de son site naturel que des services qu’il offre aux malades.

    Une belle architecture


    L’architecture est du style colonial. Plusieurs services sont fermés pour des travaux de rénovation. L’hôpital tourne au ralenti. Nous remarquons que les travaux d’aménagement des jardins sont récents. Je provoque une discussion avec un agent de passage. A mes remarques faites au sujet de la beauté du site et de son entretien, il me surprend avec un discours auquel je ne m’attendais pas. «Vous pensez, dit-il, que les gestionnaires se fichent du bien-être des malades et des visiteurs? Vous-vous trompez, ce genre de travaux sont cycliques. Cela sert à conclure des marchés et à prendre des marges.» Ça se passe comme ça partout même dans les hôpitaux.
    Il me montre alors des pierres ceinturant les arbres. «Vous voyez ces arbres, on leur a changé plusieurs fois la ceinture de décoration en pierre, pourquoi? On a mis de la brique puis de la pierre et on recommence...», m’explique-t-il d’un air abattu. Et d’enchaîner: «Au lieu de s’occuper des malades, on s’ingénie à trouver les astuces pour dépenser l’argent de l’Etat.» Clair et net. Il faut bien le dire, l’hôpital de Bab El Oued est un éternel chantier. Les travaux de rénovation durent depuis des années. Mais la prestation de service n’a pas connu d’amélioration. Sa situation dans un quartier populaire, l’un des plus populeux du pays, est souvent brandie comme un alibi pour justifier tous les dépassements enregistrés.

    Par L'Expression

  • #2
    Je simule un énervement et me dirige vers la petite salle réservée aux consultations laissée vide depuis un bon moment. Une énième surprise. Le médecin de service est juste là derrière le mur de séparation. Attablé, il passe son temps à ne rien faire.
    l'inspecteur Tahar, alias "le simulateur" entre en scene!
    et paf!
    les grand esprits se rencontrent, qui voila?
    Dr Jeckil, alias le Derrick du stethoscope!


    Dans un hopital, se foutre de la charité, quel métier "journaliste"...

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