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Algérie : Le petit père des peuples n'est pas mort

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  • Algérie : Le petit père des peuples n'est pas mort

    Je croyais que le petit père de peuples était Staline.
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    Entre une pomme de terre inabordable et un mois d'août capricieux, il y a un Etat, grand comme un cratère lunaire et étroit d'esprit comme le col de l'utérus d'une pucelle sourde. Un Etat qui pense encore diriger nos pensées. Prêcher la bonne parole dans un prosélytisme stupide et violent, comme des missionnaires en Amazonie.

    Un Etat qui se croit suffisamment savant et moral pour nous indiquer le chemin du bien et nous détourner pour toujours de la déviation humaine. Nous sommes les Indiens, les Peaux-Rouges de cet Etat blanc. Des sauvages à qui il faut tout enseigner.

    L'Etat est dans la vérité et nous dans l'erreur. Forcément. C'est de cet axiome de départ que naissent tous les malentendus et se forgent toutes les dictatures.

    Il y a du religieux dans cette démarche «civilisatrice». Nous en sommes encore dans une représentation éculée de l'Etat, figé dans l'image du petit père des peuples qui corrige ses enfants, les gronde quand il estime qu'ils ont été turbulents. Les renvoie précipitamment dormir sans regarder la télévision et les prive de dessert quand ils ont été insolents. C'est un peu ce qui vient d'arriver à un chanteur de rai à succès, Reda Taliani.

    Reda Taliani est un chanteur sans histoires. Il n'est pas ce qu'on appelle pompeusement, parfois de manière totalement galvaudée, un chanteur engagé. Parce que des chanteurs engagés on en a eu. Mais ils n'ont jamais été interdits d'antenne. Bien au contraire. Leur engagement était celui du parti unique et des chants élogieux conçus uniquement pour glorifier la sainte puissance des choix de l'Etat.

    Ne pas être un chanteur engagé est loin d'être une tare.

    Reda Taliani fait de la musique. Il a un public. Il n'est pas dans la contestation politique. A chacun sa façon de faire. Il y a quelques jours, il se produisait dans une salle au Maroc. Pour des raisons qui le concerne, il a tenu des propos, forcément aux allures démagogiques dans cette salle de Casablanca, devant son public, pour préciser, sans que personne lui ait demandé ou l'ait forcé, que le Sahara était marocain. Soit.

    D'après ce qu'on a lu dans la presse, la riposte ne s'est pas fait attendre. Immédiatement une décision a été prise au niveau de la radio nationale pour interdire d'antenne Reda Taliani.

    Une affaire d'Etat qui n'en est pas une. Un acte de censure abject. Nous pouvons juger que le propos ne brillait pas par une intelligence criante, mais beaucoup de gens partagent cet avis. Un éminent écrivain algérien l'a même écrit dans un journal national. Faut-il interdire ses livres ? Faut-il l'interdire d'antenne ? Bien sûr que non.

    Comment arrive-t-on jusqu'à interdire d'antenne un chanteur ? Qui le décide et pourquoi ? Quel est ce processus mystérieux qui aboutit à la censure ?

    Reda Taliani ne représente aucune menace. Qu'il soit pour ou contre l'indépendance du Polisario ne va faire basculer aucun des deux côtés de la balance. C'est son point de vue. On peut le considérer comme étant un point de vue réactionnaire et totalement idiot. Mais l'idiotie n'est pas un délit. Si Reda Taliani avait dit que le Tibet, occupé par les Chinois depuis 1949, était une province chinoise, personne n'aurait bougé le petit doigt pour appuyer sur le bouton de la censure. Parce que l'Etat n'a pas de point de vue tranché sur le Tibet.

    La radio nationale a décidé de censurer Reda Taliani parce qu'elle a estimé que son propos ne cadrait pas avec le discours officiel. Le point de vue de l'Etat que la radio nationale semble connaître parfaitement.

    Personne n'est tenu de partager les points de vue de l'Etat. Même pas Reda Taliani. Et entre Reda Taliani et le Polisario beaucoup prendraient Reda Taliani, non pas parce qu'ils sont des analphabètes politiques ou des hommes insensibles à la souffrance d'un peuple mais seulement parce qu'ils connaissent les chansons de Taliani par cÅ"ur alors que le conflit sahraoui ils ne l'apprécient qu'à travers le prisme de la propagande gouvernementale et non pas comme l'histoire d'un peuple dominé par une puissance militaire injuste. Reda Taliani n'est pas le porte-parole du gouvernement.

    L'Etat a une démarche et l'individu en a une autre. Parfois les deux démarches peuvent se croiser au détour d'une idée et souvent non.

    Il fut un temps où les chanteurs étaient interdits d'antenne pour ce qu'ils chantaient. Maintenant on les interdit pour ce qu'ils disent aussi. On n'arrêtera jamais le progrès.

    Le petit père des peuples a décidé de censurer un chanteur non pas pour ses chansons, qui n'ont rien de subversif, mais pour ses propos, qui n'ont rien de révolutionnaire non plus.

    Reda Taliani est puni, il sera donc privé de desserts. Le dessert de la radio. Un service public. Il se couchera tôt. Mangera seul. Et copiera pendant 100 millions de fois qu'il ne dira plus de bêtises. Le petit père des peuples ramassera les copies avant la fin du conflit sahraoui. Sinon au plus tard, avant le règlement de la crise de la pomme de terre.

    23 Août 2007. La Tribune
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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