Noam Chomsky soutient que la fonction des médias est la « fabrication du consentement ». Cela signifie quoi ?
De son point de vue, que les médias dominants, étant placés directement sous la coupe du pouvoir, imposent une pensée favorable à l’idéologie dominante. Du point de vue collectif de l’ouvrage, cela renvoie, plus structurellement, à la seconde forme d’orthodoxie à l’œuvre dans les médias. Dès lors en effet que ceux-ci sont « managés » comme des entreprises, les principes de rentabilité, d’efficacité, de lisibilité rapide viennent renforcer et accélérer les effets des normes journalistiques de vision et de construction du monde représenté. L’audimat est le symbole même de ce renforcement, comme aussi le pouvoir grandissant de la télévision et de l’information en continu, qui n’autorise guère le travail de recoupement et d’investigation sérieuse. Un journalisme de marché ne peut qu’être favorable à une pensée de marché. Une presse soumise à un impératif de rendement rapide et employant pour l’essentiel des journalistes précaires ne peut qu’activer des réflexes d’écriture dans lesquels le stéréotype, le cliché, le lieu commun ont la part belle. Il suffit de quelques secondes, de quelques mots pour faire savoir et croire que la résistance en Irak est le fait de terroristes. Il faut beaucoup de temps, d’arguments pour expliquer ce qu’il en est sur le terrain et en quoi celui-ci est un lieu d’affrontements entre puissances internationales. Le stéréotype, outil de la pensée pressée plus encore que de la pensée servile, est par nature favorable aux idées qui dominent dans un état donné de société. D’où la nécessité, à laquelle nous appelons exemples à l’appui, d’une lecture attentive, critique du discours médiatique, où c’est parfois dans le non-dit ou dans la façon de dire, plus que dans le contenu de pensée, que se loge ce qu’il est convenu d’appeler l’idéologie. Je me souviens d’une interview d’Elio di Rupo dans Le Soir. Di Rupo venant d’argumenter en faveur d’une défense des services publics, le journaliste, très spontanément, lui a demandé s’il voulait faire de la Wallonie une nouvelle Albanie. Tout est là résumé : la pensée binaire et caricaturale (Albanie vs Démocratie libérale), le réflexe d’allégeance à l’égard du Marché comme principe conducteur de la vie publique et, on peut le regretter, le fait que le Président du PS ait accepté de répondre à une telle question.
Pascal Durand, professeur à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, a dirigé l’ouvrage collectif Médias et Censure. Figures de l’orthodoxie, Liège, Editions de l’Université de Liège, 2004
De son point de vue, que les médias dominants, étant placés directement sous la coupe du pouvoir, imposent une pensée favorable à l’idéologie dominante. Du point de vue collectif de l’ouvrage, cela renvoie, plus structurellement, à la seconde forme d’orthodoxie à l’œuvre dans les médias. Dès lors en effet que ceux-ci sont « managés » comme des entreprises, les principes de rentabilité, d’efficacité, de lisibilité rapide viennent renforcer et accélérer les effets des normes journalistiques de vision et de construction du monde représenté. L’audimat est le symbole même de ce renforcement, comme aussi le pouvoir grandissant de la télévision et de l’information en continu, qui n’autorise guère le travail de recoupement et d’investigation sérieuse. Un journalisme de marché ne peut qu’être favorable à une pensée de marché. Une presse soumise à un impératif de rendement rapide et employant pour l’essentiel des journalistes précaires ne peut qu’activer des réflexes d’écriture dans lesquels le stéréotype, le cliché, le lieu commun ont la part belle. Il suffit de quelques secondes, de quelques mots pour faire savoir et croire que la résistance en Irak est le fait de terroristes. Il faut beaucoup de temps, d’arguments pour expliquer ce qu’il en est sur le terrain et en quoi celui-ci est un lieu d’affrontements entre puissances internationales. Le stéréotype, outil de la pensée pressée plus encore que de la pensée servile, est par nature favorable aux idées qui dominent dans un état donné de société. D’où la nécessité, à laquelle nous appelons exemples à l’appui, d’une lecture attentive, critique du discours médiatique, où c’est parfois dans le non-dit ou dans la façon de dire, plus que dans le contenu de pensée, que se loge ce qu’il est convenu d’appeler l’idéologie. Je me souviens d’une interview d’Elio di Rupo dans Le Soir. Di Rupo venant d’argumenter en faveur d’une défense des services publics, le journaliste, très spontanément, lui a demandé s’il voulait faire de la Wallonie une nouvelle Albanie. Tout est là résumé : la pensée binaire et caricaturale (Albanie vs Démocratie libérale), le réflexe d’allégeance à l’égard du Marché comme principe conducteur de la vie publique et, on peut le regretter, le fait que le Président du PS ait accepté de répondre à une telle question.
Pascal Durand, professeur à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, a dirigé l’ouvrage collectif Médias et Censure. Figures de l’orthodoxie, Liège, Editions de l’Université de Liège, 2004
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