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Le livre scolaire et le système éducatif en Algérie

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  • Le livre scolaire et le système éducatif en Algérie

    Quatre semaines avant la rentrée des classes, le ministre de l’Éducation en Algérie“rassure’’ les écoliers et les parents d’élèves sur la disponibilité du livre scolaire. Il annonce un chiffre de manuels scolaires conçu par son département qui assomme l’observateur. Depuis maintenant plusieurs années, le manuel scolaire est devenu une véritable obsession des responsables de l’éducation. Plusieurs fois changé en pleine année scolaire, revu, corrigé, augmenté, “amélioré’’, révisé, tous les participes passés ont été sollicités pour présenter à chaque fois le nouvel ouvrage. Le sujet a fini par escamoter tous les autres problèmes pédagogiques et didactiques qui minent depuis des décennies notre système d’enseignement.

    Pourtant, hormis l’enjeu économique (rentier ?) que cela représente-du rédacteur jusqu’au diffuseur en passant par l’imprimeur, sans parler de la revente informelle sur les trottoirs-, aucun débat sérieux n’a pu être entrepris au sujet du manuel scolaire.

    Ce débat aurait pu poser les vrais termes de l’équation de ce support pédagogique : pourquoi un livre scolaire ? Pourquoi devrait-il impérativement être conçu et réalisé par le ministère de l’éducation ? Partout dans le monde, les pouvoirs publics fixent le programme officiel dans ses grands traits par niveau d’enseignement. Et c’est aux professeurs et autres pédagogues qu’il appartient-en s’inspirant du programme ministériel - de réaliser, chacun selon sa méthode et ses préférences pédagogiques, le manuel scolaire. Il en résulte que l’écolier et l’enseignant auront le choix d’acheter et d’utiliser le livre qui leur paraît le meilleur. Les termes du débat ont été tellement pervertis que ce point, exagérément frappé par une inflation morbide, a pu obnubiler toute la politique d’enseignement telle qu’elle est menée jusqu’à ce jour.

    En outre, au lieu de nous rassurer sur la “santé’’ de nos institutions éducatives, les taux de réussite aux examens de l’éducation nationale doivent, au contraire, nous inquiéter et interpeller les pouvoirs publics et tous ceux qui s’attachent encore à une formation de qualité capable de faire insérer les jeunes diplômés dans le monde du travail.

    Ayant pris conscience de cette situation ubuesque où l’on se prend et se perd à mentir à soi-même, beaucoup de parents d’élèves, aux revenus pourtant modestes, se sont résolus à se ‘’saigner aux quatre veines’’ pour inscrire leurs enfants dans des écoles privées aujourd’hui prises dans le collimateur du département de Benbouzid .

    Ces établissements constituent une réponse franche à la volonté de laisser l’école publique s’enfoncer dans une déliquescence historique faisant d’elle une machine à fabriquer des chômeurs. Cet acharnement des autorités vient d’être confirmé par une décision de ‘’mise hors d’état de nuire’’ notifiée, en juin dernier, à deux écoles de la capitale qui seraient récalcitrantes aux orientations du ministère.

    La mise à nu du système éducatif algérien a commencé à ‘’crever les yeux’’ suite à la libéralisation de l’économie- qui induit des besoins nouveaux en personnel qualifié- et aux restrictions drastiques ayant affecté la Fonction publique en matière de recrutement. Pour un salaire de misère (7 000 DA), des pots-de-vin ont été versés pour l’obtention de postes précaires de pré-emploi dans certaines wilayas alors que des entreprise privées souffrent d’un déficit en cadres.

    Dans une situation économique comme celle que traverse l’Algérie, caractérisée par une lente et laborieuse transition vers le libéralisme, l’on ne peut s’offrir le ‘’luxe’’ de continuer à former des licenciés, des ingénieurs et des médecins chômeurs. Le problème se pose en termes d’adéquation entre le système d’enseignement et le marché du travail. Cette dernière notion a, il est vrai, fait défaut par le passé du fait que l’ensemble des diplômés avaient leurs débouchés pris en charge par l’État, principal employeur du pays.

    Ce genre de préoccupations, un certain moment mises en bandoulière par les décideurs du pays, à commencer par le président de la République , semblent aujourd’hui non seulement oubliées, mais, pire, elles sont promises à recevoir des solutions bancales, voire complètement en déphasage par rapport aux enjeux dont elles sont chargées. Que l’on s’arrête sur la dernière mesure prise par M. Benbouzid lors d’une réunion avec les directeurs de l’éducation des 48 wilayas en juillet dernier. Il en ressort une volonté de recruter des enseignants retraités et des étudiants en fin de cycle pour assurer des cours de français dans les wilayas où cette matière n’est pas correctement prise en charge. On a la nette impression que, malgré tous les séminaires, commissions de réformes de l’éducation et autres expertises pertinentes qui ont mis le doigt sur le vrai mal du secteur de l’éducation dans notre pays, le pifomètre demeure le seul instrument de mesure et le louvoiement la seule stratégie en place.

    La relation intime et dialectique entre la formation et l’emploi n’a pas encore bénéficié de l’attention voulue des pouvoirs publics de façon à rationaliser et harmoniser le rapport entre la qualification et le background universitaire d’une part et les besoins d’une économie émergente d’autre part. Néanmoins, l’engagement de l’Algérie dans l’économie de marché- supposant compétitivité, performance et management moderne- ne peut souffrir davantage les atermoiements d’un système scolaire et universitaire qui forme des chômeurs en puissance. Tant d’inconstance et de navigation à vue de la part de l’administration en charge du secteur ne sont certainement pas faites pour rassurer la population scolaire et les parents d’élèves dans un contexte économique où la formation qualifiante est l’arme la plus efficace pour l’ascension sociale et l’insertion dans le mouvement imparable de la mondialisation. Cette dernière risque, dans le meilleur des cas, de se faire sans nous, et dans les pires situations, contre nous.

    Par la Dépeche de Kabylie
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