L'Algérie concentre les plus prestigieux monuments de l’architecture berbère : Mausolée royal de Maurétanie, Medracen, Monument du Sig... Des monuments qui témoignent de la grandeur d’une civilisation et qui sont aujourd’hui menacés.
Un patrimoine à revaloriser
Ce n’est que ces dernières décennies que les chercheurs ont commencé à découvrir l’architecture berbère.
On a découvert que les maisons kabyles ou mozabites, les ksars de terre du Sud algérien ou les kasbahs de l’Anti-atlas marocain ont leur propre originalité, leur style et leurs techniques de construction... On a découvert surtout que cette architecture qu’on a qualifié parfois d’architecture de pauvre, n’est pas aussi pauvre que cela, et qu’elle a l’intelligence d’utiliser des matériaux qui s’intègrent parfaitement à l’environnement et qui ont l’avantage d’être très abondants. Certes pas de matériaux de prestige comme le marbre, l’ardoise, la dalle de sol ou le bois, selon les régions le palmier, le frêne, le chêne, le cèdre ou le pin, le roseau, le gypse, la terre... Les demeures, même si elles sont frustes et primitive, n’en sont pas moins agréables à habiter : fraîches en été, chaudes en hiver, absorbant l’humidité, assurant de bonnes isolations. Il est intéressant de faire le tour des maisons berbères, de l’Atlantique à l’oasis de Siouah, pour relever les constantes de cette architecture et de ses variantes, mais hélas les écoles d’architecture maghrébines qui étudient tous les styles, de toutes les époques, n’ont pas prévu d’enseignement sur l’architecture berbère. Une lacune qu’il faudrait combler au plus vite !
Un passé prestigieux
Les Berbères n’ont pas produit de monuments comparables aux pyramides d’Egypte ni aux temples grecs, mais ils n’en ont pas moins légué à leurs descendants des ouvrages grandioses, qui ont défié le temps et qui sont les témoins de leur génie architectural et de leur grandeur dans le passé : Mausolée royal de Maurétanie, Medracen ou Djeddars en Algérie, Mausolée de Mçora, au Maroc, Temple de Massinissa à Dougga, en Tunisie... L’Algérie surtout concentre sur son territoire les plus beaux et les plus grands de ces monuments, les uns très connus, et depuis l’antiquité, les autres moins célèbres mais qui méritent d’être connus des jeunes générations. Nous allons, dans cet article et le suivant présenter pour nos lecteurs ces monuments. Des merveilles qui méritent d’être classées au rang de chefs-d’œuvre architecturaux de l’humanité !
Le Mausolée royal de Maurétanie
Ce monument, situé à une dizaine de kilomètres de Tipaza, sur une des collines du Sahel, était appelé autrefois tombeau de la Chrétienne, appellation reprenant le nom local ‘’qbar al Rumia’’ : or non seulement, on ne dispose d’aucune preuve que le mausolée aurait reçu la dépouille d’une chrétienne, mais aussi, on sait aujourd’hui, qu’il est antérieur de plusieurs siècles à l’ère chrétienne. En fait, ce sont les traverses des portes des fausses portes de pierre du monument, qui imitent les traverses en forme de croix des portes en bois, qui ont suggéré l’idée d’une sépulture chrétienne. A l’Indépendance, le monument a pris le nom de Mausolée royal de Maurétanie.
Un étrange monument
Le monument est incontestablement un tombeau, présentant les caractéristiques des monuments funéraires berbères de l’antiquité : érection sur une colline, orientation selon les points cardinaux, et surtout, présentation en tumulus de la fameuse bazina berbère, attestée depuis la préhistoire et que l’on retrouve dans les tombes actuelles : caveau réduit aux dimensions du corps, fermé avec des dalles et recouvert d’un tumulus de terre ou d’un amas de pierres
Le Mausolée a la forme d’une ruche de 60,90 mètres de diamètre, surmontée d’un cône de 33 gradins d’une hauteur de 0,58 m chacun. Il est flanqué de quatre fausses portes donnant chacune sur un point cardinal. Tout autour de la partie cylindrique, sont disposées 60 colonnes de style ionique, supportant un rebord sur lequel s’élèvent les gradins. L’entrée réelle du tombeau, placée au-dessous de la fausse porte de l’Est, a été découverte en 1866 par le Français Adrien Berbrugger, alors inspecteur des musées archéologiques de l’Algérie. Elle était cachée par deux pierres mobiles, agencées de façon qu’elles se confondent presque avec les blocs composant du soubassement du monument. Cette porte donne accès à un couloir bas, situé au-dessous du niveau du cône et fermé par une herse.
Par une série de couloirs, de galeries on arrive dans une pièce de forme rectangulaire, voûtée de 4,04 m de long sur 3,06 m de large, comprenant trois niches disposées sur les parois nord, sud et ouest. C’est la chambre funéraire mais on n’y a trouvé aucune sépulture, le tombeau ayant sans doute été violé depuis longtemps.
Si l’architecture du monument est incontestablement berbères, certains éléments, comme les chapiteaux ou les colonnes sont influencés par l’art grec ou égyptien.
Un monument plus ancien que l’on ne le pense
On pense qu’il a servi de sépulture à Cléopâtre Séléné, la femme du roi berbère Juba II, qui ont vécu au premier siècle avant J.C.
On se rappelle qu’après que César se soit débarrassé du roi Juba I, qu’il a battu à Thapsus, il s’est emparé de son royaume et a institué dans sa partie orientale une nouvelle province romaine appelée Africa nova. Juba laissait également un jeune enfant, prénommé comme lui, que César fait enlever et figurer à son triomphe, à Rome. Mais le même César va prendre l’enfant sous sa protection et, à sa mort, il passe sous la protection d’Octave qui se charge de son éducation. Intelligent et doté d’une grande mémoire, Juba s’initie à toutes les disciplines qu’on apprenait alors, devenant, selon le mot de Plutarque "le Barbare numide le plus fin des lettrés grecs."
Octave, qui est devenu entretemps son ami, lui fait obtenir la citoyenneté romaine et l’associe à ses campagnes d’Egypte, dans la guerre contre Antoine et Cléopâtre (31-29 avant J.C.). Le même Octave, devenu Auguste, le rétablit dans ses droits de souverain et lui taille un royaume sur le territoire de la Maurétanie dont Rome s’était emparé après la mort du roi Bocchus. C’est sous le conseil de l’empereur qu’il épouse quelques années après Cléopâtre Séléné, fille de la grande Cléopâtre d’Egypte et du triumvir Antoine. La jeune princesse avait été, elle aussi, enlevée à sa patrie, après la défaite et la mort de ses parents, puis elle a été élevée à Rome. Auguste voulait, par cette union, montrer au monde la grandeur et la puissance de Rome qui, après avoir vaincu ses ennemis, s’allie leurs enfants, allant jusqu’à les faire gouverner pour son compte. En tout cas, l’union de Juba et de Cléopâtre est des plus réussie, la jeune Egyptienne ayant été associée au règne du Berbère, ainsi que le montrent des monnaies frappées à son effigie. A sa mort, survenue en vers 6 ou 5 avant J.C. Juba lui aurait élevé le fameux Mausolée royal de Maurétanie. Mais cette hypothèse est aujourd’hui contestée par certains chercheurs qui pensent que le monument est encore plus ancien ! La plus ancienne référence écrite au Mausolée est du géographe latin, Pomponius Mela, qui écrivait au début de l’ère chrétienne. Dans son livre De situ orbi, il écrit
‘’Iol (Cherchell), se trouve sur le bord de la mer, ville jadis inconnue, elle est, aujourd’hui illustre, pour avoir été la cité royale de Juba et parce qu’elle se nomme Césarée. En deça se trouvent les bourgs de Cartenna (Tenes) et de Arsenaria, le château de Quiza, le golfe Laturus et le fleuve Sardabale. Au-delà, le mausolée commun de la famille royale...’’
Mais Pomponius Mela ne précise pas de quelle famille royale il s’agit, ni à quelle époque le tombeau a été édifié. Mais quelle que soit la période, il ne peut s’agir de la période de Juba II puisque celui-ci a vécu au début de l’ère chrétienne, alors que le tombeau lui paraît antérieur.
Au début du 20e siècle déjà, l’historien français, Stéphane Gsell, spécialiste de l’antiquité maghrébine, plaçait le monument au 2e ou au 3e siècle avant J.C. Cette hypothèse s’appuie sur les détails extérieurs du monument qui reproduisaient des éléments stylistiques de cette période. Pour Gsell, le tombeau aurait reçu la sépulture d’un roi maure, peut-être Bocchus l’Ancien qui a régné au début du premier siècle avant J.C. Un autre historien, l’Italien P. Romanelli est partisan d’une datation encore plus ancienne puisqu’il fait remonter le Mausolée au 5e siècle avant J.C et même le 6e. De nos jours, sans remonter aussi loin dans le temps, le préhistorien français Gabriel Camps le propose au 3e siècle avant J.C. Ce chercheur se base sur un crampon de bois, prélevé par M. Christofle et qui, soumis au carbone 14 a donné la date de 270 avant J.C. Cependant, Camps admet une date plus tardive, le crampon ayant été peut-être ajouté ultérieurement, lors d’aménagements apportés à l’ensemble.
Un patrimoine à revaloriser
Ce n’est que ces dernières décennies que les chercheurs ont commencé à découvrir l’architecture berbère.
On a découvert que les maisons kabyles ou mozabites, les ksars de terre du Sud algérien ou les kasbahs de l’Anti-atlas marocain ont leur propre originalité, leur style et leurs techniques de construction... On a découvert surtout que cette architecture qu’on a qualifié parfois d’architecture de pauvre, n’est pas aussi pauvre que cela, et qu’elle a l’intelligence d’utiliser des matériaux qui s’intègrent parfaitement à l’environnement et qui ont l’avantage d’être très abondants. Certes pas de matériaux de prestige comme le marbre, l’ardoise, la dalle de sol ou le bois, selon les régions le palmier, le frêne, le chêne, le cèdre ou le pin, le roseau, le gypse, la terre... Les demeures, même si elles sont frustes et primitive, n’en sont pas moins agréables à habiter : fraîches en été, chaudes en hiver, absorbant l’humidité, assurant de bonnes isolations. Il est intéressant de faire le tour des maisons berbères, de l’Atlantique à l’oasis de Siouah, pour relever les constantes de cette architecture et de ses variantes, mais hélas les écoles d’architecture maghrébines qui étudient tous les styles, de toutes les époques, n’ont pas prévu d’enseignement sur l’architecture berbère. Une lacune qu’il faudrait combler au plus vite !
Un passé prestigieux
Les Berbères n’ont pas produit de monuments comparables aux pyramides d’Egypte ni aux temples grecs, mais ils n’en ont pas moins légué à leurs descendants des ouvrages grandioses, qui ont défié le temps et qui sont les témoins de leur génie architectural et de leur grandeur dans le passé : Mausolée royal de Maurétanie, Medracen ou Djeddars en Algérie, Mausolée de Mçora, au Maroc, Temple de Massinissa à Dougga, en Tunisie... L’Algérie surtout concentre sur son territoire les plus beaux et les plus grands de ces monuments, les uns très connus, et depuis l’antiquité, les autres moins célèbres mais qui méritent d’être connus des jeunes générations. Nous allons, dans cet article et le suivant présenter pour nos lecteurs ces monuments. Des merveilles qui méritent d’être classées au rang de chefs-d’œuvre architecturaux de l’humanité !
Le Mausolée royal de Maurétanie
Ce monument, situé à une dizaine de kilomètres de Tipaza, sur une des collines du Sahel, était appelé autrefois tombeau de la Chrétienne, appellation reprenant le nom local ‘’qbar al Rumia’’ : or non seulement, on ne dispose d’aucune preuve que le mausolée aurait reçu la dépouille d’une chrétienne, mais aussi, on sait aujourd’hui, qu’il est antérieur de plusieurs siècles à l’ère chrétienne. En fait, ce sont les traverses des portes des fausses portes de pierre du monument, qui imitent les traverses en forme de croix des portes en bois, qui ont suggéré l’idée d’une sépulture chrétienne. A l’Indépendance, le monument a pris le nom de Mausolée royal de Maurétanie.
Un étrange monument
Le monument est incontestablement un tombeau, présentant les caractéristiques des monuments funéraires berbères de l’antiquité : érection sur une colline, orientation selon les points cardinaux, et surtout, présentation en tumulus de la fameuse bazina berbère, attestée depuis la préhistoire et que l’on retrouve dans les tombes actuelles : caveau réduit aux dimensions du corps, fermé avec des dalles et recouvert d’un tumulus de terre ou d’un amas de pierres
Le Mausolée a la forme d’une ruche de 60,90 mètres de diamètre, surmontée d’un cône de 33 gradins d’une hauteur de 0,58 m chacun. Il est flanqué de quatre fausses portes donnant chacune sur un point cardinal. Tout autour de la partie cylindrique, sont disposées 60 colonnes de style ionique, supportant un rebord sur lequel s’élèvent les gradins. L’entrée réelle du tombeau, placée au-dessous de la fausse porte de l’Est, a été découverte en 1866 par le Français Adrien Berbrugger, alors inspecteur des musées archéologiques de l’Algérie. Elle était cachée par deux pierres mobiles, agencées de façon qu’elles se confondent presque avec les blocs composant du soubassement du monument. Cette porte donne accès à un couloir bas, situé au-dessous du niveau du cône et fermé par une herse.
Par une série de couloirs, de galeries on arrive dans une pièce de forme rectangulaire, voûtée de 4,04 m de long sur 3,06 m de large, comprenant trois niches disposées sur les parois nord, sud et ouest. C’est la chambre funéraire mais on n’y a trouvé aucune sépulture, le tombeau ayant sans doute été violé depuis longtemps.
Si l’architecture du monument est incontestablement berbères, certains éléments, comme les chapiteaux ou les colonnes sont influencés par l’art grec ou égyptien.
Un monument plus ancien que l’on ne le pense
On pense qu’il a servi de sépulture à Cléopâtre Séléné, la femme du roi berbère Juba II, qui ont vécu au premier siècle avant J.C.
On se rappelle qu’après que César se soit débarrassé du roi Juba I, qu’il a battu à Thapsus, il s’est emparé de son royaume et a institué dans sa partie orientale une nouvelle province romaine appelée Africa nova. Juba laissait également un jeune enfant, prénommé comme lui, que César fait enlever et figurer à son triomphe, à Rome. Mais le même César va prendre l’enfant sous sa protection et, à sa mort, il passe sous la protection d’Octave qui se charge de son éducation. Intelligent et doté d’une grande mémoire, Juba s’initie à toutes les disciplines qu’on apprenait alors, devenant, selon le mot de Plutarque "le Barbare numide le plus fin des lettrés grecs."
Octave, qui est devenu entretemps son ami, lui fait obtenir la citoyenneté romaine et l’associe à ses campagnes d’Egypte, dans la guerre contre Antoine et Cléopâtre (31-29 avant J.C.). Le même Octave, devenu Auguste, le rétablit dans ses droits de souverain et lui taille un royaume sur le territoire de la Maurétanie dont Rome s’était emparé après la mort du roi Bocchus. C’est sous le conseil de l’empereur qu’il épouse quelques années après Cléopâtre Séléné, fille de la grande Cléopâtre d’Egypte et du triumvir Antoine. La jeune princesse avait été, elle aussi, enlevée à sa patrie, après la défaite et la mort de ses parents, puis elle a été élevée à Rome. Auguste voulait, par cette union, montrer au monde la grandeur et la puissance de Rome qui, après avoir vaincu ses ennemis, s’allie leurs enfants, allant jusqu’à les faire gouverner pour son compte. En tout cas, l’union de Juba et de Cléopâtre est des plus réussie, la jeune Egyptienne ayant été associée au règne du Berbère, ainsi que le montrent des monnaies frappées à son effigie. A sa mort, survenue en vers 6 ou 5 avant J.C. Juba lui aurait élevé le fameux Mausolée royal de Maurétanie. Mais cette hypothèse est aujourd’hui contestée par certains chercheurs qui pensent que le monument est encore plus ancien ! La plus ancienne référence écrite au Mausolée est du géographe latin, Pomponius Mela, qui écrivait au début de l’ère chrétienne. Dans son livre De situ orbi, il écrit
‘’Iol (Cherchell), se trouve sur le bord de la mer, ville jadis inconnue, elle est, aujourd’hui illustre, pour avoir été la cité royale de Juba et parce qu’elle se nomme Césarée. En deça se trouvent les bourgs de Cartenna (Tenes) et de Arsenaria, le château de Quiza, le golfe Laturus et le fleuve Sardabale. Au-delà, le mausolée commun de la famille royale...’’
Mais Pomponius Mela ne précise pas de quelle famille royale il s’agit, ni à quelle époque le tombeau a été édifié. Mais quelle que soit la période, il ne peut s’agir de la période de Juba II puisque celui-ci a vécu au début de l’ère chrétienne, alors que le tombeau lui paraît antérieur.
Au début du 20e siècle déjà, l’historien français, Stéphane Gsell, spécialiste de l’antiquité maghrébine, plaçait le monument au 2e ou au 3e siècle avant J.C. Cette hypothèse s’appuie sur les détails extérieurs du monument qui reproduisaient des éléments stylistiques de cette période. Pour Gsell, le tombeau aurait reçu la sépulture d’un roi maure, peut-être Bocchus l’Ancien qui a régné au début du premier siècle avant J.C. Un autre historien, l’Italien P. Romanelli est partisan d’une datation encore plus ancienne puisqu’il fait remonter le Mausolée au 5e siècle avant J.C et même le 6e. De nos jours, sans remonter aussi loin dans le temps, le préhistorien français Gabriel Camps le propose au 3e siècle avant J.C. Ce chercheur se base sur un crampon de bois, prélevé par M. Christofle et qui, soumis au carbone 14 a donné la date de 270 avant J.C. Cependant, Camps admet une date plus tardive, le crampon ayant été peut-être ajouté ultérieurement, lors d’aménagements apportés à l’ensemble.
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