Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Marché de la cigarette et diktat des spéculateurs

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Marché de la cigarette et diktat des spéculateurs

    «Je m’engage à pratiquer dorénavant les prix fixés. Pardonnez-moi cette fois… je ne recommencerai plus…», ainsi s’exprime ce commerçant-spéculateur de la ville de Staouéli face à l’inspecteur de la subdivision du commerce de Chéraga. Une subdivision qui brille par son absence sur le terrain.

    Comme tant d’autres d’ailleurs. Jamais les revendeurs de tabacs n’ont été contrôlés et ce, depuis des années. Celui qui est assis en face de l’inspecteur, les mains ruisselant de sueur, a été contrôlé la veille au moment où nous accompagnions les fonctionnaires du service de contrôle du commerce.

    Ce buraliste est l’un des rares à disposer de tous les documents nécessaires à son activité : registre de commerce, agrément, factures provenant de la SNTA et de deux autres entreprises productrices de cigarettes. Cela ne l’empêche pas de faire dans la pratique de la hausse des prix notamment en ce qui concerne la Rym, la cigarette blonde algérienne la plus consommée par les Algériens d’ici et d’ailleurs, car il faut savoir que le paquet de Rym est cédé à 5 et 6 euros à Paris et Marseille. Prix de vente pratiqué par ce spéculateur : 90 DA le paquet taxé à 70 DA.

    A le voir, on croirait que ce buraliste-spéculateur qui supplie pour se faire pardonner, qu’on ne le reprendrait plus à augmenter unilatéralement le prix de vente de la Rym. Que l’on se détrompe car de tels individus n’ont ni scrupule ni honneur. Seul compte pour eux, le profit et le gain et qu’importe les moyens. En effet, le soir même de son audition par les services du commerce de Chéraga, il poursuivait son entreprise. 95 DA le paquet de Rym. Comme si de rien n’était.

    D’ailleurs, il n’est pas le seul : un autre revendeur de Staouéli, celui-là, sans agrément de vente de cigarettes et donc sans factures d’achat auprès de la SNTA, vendait à 90 DA le même paquet. Convoqué par les mêmes services de contrôle, il se remettra à la pratique illicite deux heures après.

    Que peuvent faire les contrôleurs face à cet état d’infractions multiples lorsque durant des années, ils ont abandonné le terrain aux spéculateurs ? Fermer les commerces ? La procédure est trop bureaucratique pour être efficace, il faut souvent attendre trois mois pour que les différentes signatures soit apposées. A l’issue, le revendeur aura changé d’activité. Alors les inspecteurs se suffisent à établir une procédure qui sera transmise à la justice. Au train où vont les choses, le lecteur aura tout compris. Anarchie, laisser-aller et négligences. Même les spéculateurs se sont confectionnés une belle parade : ils prétendent que la pratique de la hausse des prix leur est imposée par la SNTA qui impose à son tour une vente concomitante.

    Cependant ce qu’ils cachent est qu’ils ne sont pas des clients de cette entreprise puisqu’ils ne disposent pas de l’agrément délivré par les services du ministère des Finances. Alors ? Alors ce sont des clients des pseudo-grossistes qui eux profitent de l’aubaine et de leur agrément pour s’approvisionner chez la SNTA tous les jours, constituent des stocks et deviennent des grossistes-spéculateurs. Que font les services de contrôle du commerce, des impôts ? Visiblement rien puisque la spéculation perdure depuis des années. En toute quiétude, les spéculateurs agissent et imposent leurs prix. Pour certains observateurs, l’attitude des services de contrôle du commerce s’explique par l’insuffisance des moyens humains et matériels, mais pour d’autres cela n’explique pas une si grande défaillance. Effectivement, il est difficile d’admettre que des dizaines de buralistes de Chéraga, Zéralda, Staouéli, Alger-Centre, ou Hussein-Dey n’aient jamais été contrôlés. Complicités actives ou passives ?

    Est-il utile de remuer le couteau dans la plaie ? Disons seulement qu’il est plus qu’urgent de remettre de l’ordre dans le secteur du contrôle du commerce où l’échelle des valeurs est renversée. Des compétences certaines végètent dans des bureaux tandis que des responsables accablés par la rumeur se dandinent dans des sites balnéaires.

    Un secteur aussi de sables mouvants qui n’a de prestige que le nom. Il suffit aujourd’hui de circuler dans les marchés et espaces commerciaux pour apprécier les défaillances du contrôle des prix, pardon du contrôle des pratiques commerciales.

    En effet, il ne faut plus dire contrôle des prix puisqu’ils sont libres. C’est-à-dire que le consommateur de pomme de terre, de légumes, de fruits est livré pieds et poings liés aux commerçants. Qu’en est-il pour les produits dont les prix sont fixés tels que le lait, la cigarette. Même cas.

    Hier encore, un fabricant de fromage de Chéraga vendait la barre de fromage fondu à 540 DA alors qu’elle coûtait la veille 500 DA. Hausse inéluctable ! Contrôle des prix en vacances !!!

  • #2
    Récemment (le 13 août dernier), La Nouvelle République entamait la publication de cette enquête sur le marché de la cigarette. Le jour même de la publication de la première partie, coups de fil anonymes, menaces et intimidations.Mais aussi nouvelles informations révélées par des lecteurs. Aussitôt, nous avons décidé de surseoir à sa publication en vue de pousser plus loin les investigations très révélatrices en vue de permettre une bonne compréhension des faits rapportés, nous avons opté pour la (re)publication ci- joint de la première partie de cette enquête.

    Cherchell :

    15 juillet 2007 ; nous nous présentons à cinq buralistes situés sur l’artère principale pour l’achat d’un paquet de cigarettes Rym dont le prix est fixé par arrêté ministériel à 70 DA pour le consommateur.
    - «85 DA», lance le premier buraliste qui accepte difficilement que nous lui demandions les causes de son prix, mais il consent à répondre en disant : «J’achète en deuxième main…»
    - «90 DA», assène le deuxième buraliste qui poursuit, «mon frère, si tu veux j’ai des Gita, c’est 50 DA». Face à notre étonnement puisque cette marque est fixée à 55 DA, il précise : «Je baisse les prix des Gita parce qu’elles ne se vendent pas. La SNTA nous oblige à les acheter. Les Rym sont les plus demandées, je les vends plus cher pour équilibrer les choses».
    Même état de faits chez les trois autres buralistes qui imposent leur diktat aux consommateurs.
    - Ne craignez-vous pas d’être sanctionné par les contrôleurs de commerce ? demandons-nous.
    Sourires narquois en guise de réponse. Cependant celle d’un de ces revendeurs est lourde de sens car, à elle seule, elle résume la situation anarchique qui caractérise le secteur du commerce. Voici ce qu’il affirme : «Cela fait cinq ans que je tiens ce commerce. Je n’ai jamais vu un contrôleur.
    Absence flagrante de contrôle des pratiques commerciales à Cherchell et ailleurs.
    Un petit tour au marché des fruits et légumes où n’existe aucun affichage des prix permet de se faire une idée de ce que perd l’Etat en sanctions financières à l’égard tant des commerçants malhonnêtes que des spéculateurs. Un exemple : une Mazda bâchée s’arrête, pleine jusqu’aux rotules de cageots d’haricots rouges.
    La transaction s’opère… quelques instants après, le commerçant annonce : «85 DA le kg», après l’avoir payé à 35 DA. Ni facture d’achat ni rien.

    Alger :

    25 juillet 2007, Staouéli, 22 heures
    Un buraliste dont le magasin sert de «garages» pour 3 vendeurs à la sauvette vend la même marque de cigarettes à 90 DA. Après une première question trempée dans un ton de naïveté, il rétorque :
    - «Il y a eu une augmentation à la SNTA».
    - «J’ai acheté hier soir un paquet à 85 DA ?»
    - «Ce matin, ils ont augmenté les prix…»
    - Pourtant, il n’y pas eu d’annonce dans la presse. D’habitude la SNTA fait un placard publicitaire dans les journaux.
    - «Je ne sais pas…», répond le spéculateur visiblement gêné.
    - Ne craignez-vous pas un contrôle ?
    - «Mon frère, il y a de l’argent. D’ailleurs, il n’y a jamais de contrôle…».
    Une semaine plus tard, le propriétaire de ce commerce convoqué à la Subdivision du commerce de Chéraga se mettra à quatre pattes pour qu’on lui «pardonne» :
    - «Oui, le registre de commerce est à mon nom. Mais je ne suis pas au magasin… ouallah, je ne connais pas les prix d’achat et de vente…».
    Non, je n’achète pas à la SNTA. J’achète en deuxième main, je suis livré le soir à mon magasin. Non je n’ai pas de factures d’achat…
    - Pourquoi vous ne vous ravitaillez-vous pas à la SNTA ?
    -…(Hésitations). «Je n’ai pas établi d’agrément… Je vais arrêter mon commerce».
    - Vous n’avez pas répondu à la question…
    - «J’attendais de le faire…».
    - Vous commencez depuis des années avec un registre de commerce portant la mention tabac, et au lieu de vous ravitailler à la SNTA, vous achetez en deuxième main. Avez-vous un agrément des impôts ?
    - (Le spéculateur perturbé baisse les yeux). «Non».
    - Présentez vos factures d’achat…
    - «Je n’en ai pas. J’achète en deuxième main».
    - Chez qui ?
    - «Euh… euh. Je ne le connais pas. C’est quelqu’un qui vient me livrer tous les soirs… euh».
    L’inspecteur a bien compris les choses et agit selon ses prérogatives : il établit un procès-verbal d’audition, fixe les pénalités à payer au Trésor et dresse une mise en demeure au spéculateur. C’est tout. En cas de récidive (l’inspecteur lui précise qu’un nouveau contrôle peut être effectué le soir même, le lendemain ou la semaine prochaine et dans le cas de récidive la sanction sera lourde). En vérité, même dans ce cas de récidive, la sanction tarde à être appliquée car, par exemple, il faudra attendre plus de 3 mois pour que la décision de fermeture de commerce soit finalement signée. Le spéculateur aura tout le temps de s’enrichir davantage.
    Dépassée la loi et la réglementation. Aucune possibilité de sanctionner immédiatement et efficacement.
    Selon un observateur, même les sanctions prononcées par la justice ne découragent pas les fraudeurs et spéculateurs : à peine 1 000 DA pour un commerçant, à l’origine d’une intoxication alimentaire. Une fois, la procédure effectuée, ce buraliste s’en va : ni saisie ni fermeture du commerce. Et pourtant, il vend des cigarettes à des prix illicites, il ne dispose pas de factures d’achat, il ne possède aucun agrément des services de la fiscalité. A ce jour, il continue à spéculer.
    «Jamais contrôlé»
    Même jour, même ville de Staouéli. 22 heures. Le buraliste situé à l’entrée est reste ouvert au-delà de minuit.
    90 Da le paquet de Rym. Il coûtait 85 DA la veille.
    Le jeune vendeur affirme : «Je ne suis pas le patron. J’applique ses instructions…».
    Quelques jours plus tard, le «patron» sera convoqué par les fonctionnaires de la direction du commerce à Chéraga. Tous les documents nécessaires sont en sa possession (registre de commerce, agrément, etc.)
    Tout un paquet de factures d’achat provenant de la SNTA et des deux sociétés mixtes autorisées à commercialiser en Algérie des marques de cigarettes. L’homme est un procédurier ; visiblement tout est conforme. Sauf pour les prix. Pratique de prix illicites. Un spéculateur de gros calibre. A Staouéli, on susurre qu’il ravitaille d’autres commerçants et les petits revendeurs. Un «grossiste» qui précise ne rien savoir parce que… «jamais je n’ai reçu la visite des contrôleurs». A l’entendre, ces derniers seraient la cause de la spéculation. Il jurera par tous les saints qu’on ne le surprendra plus… PV, pénalités, mise en demeure et c’est tout.

    Par la nouvelle République

    Commentaire

    Chargement...
    X