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Les bandes sous la loupe des renseignements généraux.

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  • Les bandes sous la loupe des renseignements généraux.

    Un rapport de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG), dont Le Monde a eu connaissance, dresse un état des lieux du phénomène des bandes en France. Selon les policiers, les cinq premiers mois de 2007 ont été marqués par 129 affrontements entre bandes, soit une progression de 29 % par rapport à 2006, où l'on recensa 287 faits similaires.


    Ces dernières semaines, trois affrontements opposant des bandes se sont déroulés à Paris intra-muros, poussant la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, à organiser une réunion, jeudi 6 septembre, avec les préfets de Paris et des départements limitrophes, afin d'assurer une meilleure cohésion des services de police.

    Dans ce document daté de juillet 2007, les enquêteurs insistent notamment sur un point : le "danger de l'éventuelle fusion entre deux phénomènes a priori distinctsde repli communautaire et d'activité délinquante d'une bande".

    Même s'il demeure peu visible pour l'heure, les RG dénoncent aussi "le travail de sape mené par certaines associations instituant la religion en référent idéologique".

    RETOUR DES BANDES ETHNIQUES

    Pour la DCRG, ces derniers mois, en effet, "on assiste à un retour sensible du phénomène de bandes ethniques composées en majorité d'individus d'origine subsaharienne, arborant une appellation, des codes ou signes vestimentaires inspirés des groupes noirs américains".

    Les enquêteurs nuancent toutefois leur diagnostic : "Les affrontements entre bandes sont essentiellement liés à des rivalités territoriales", notent-ils. Ainsi, il apparaît que la gare du Nord, où des bandes rivales se sont affrontées à deux reprises le 26 août et le 2 septembre, serait devenue un lieu d'embuscade privilégié pour ces jeunes.

    "Il semblerait que la gare du Nord soit devenue un enjeu territorial, confirme le procureur de Paris, Jean-Claude Marin. Il y a une cristallisation sur cet endroit, avec deux bandes qui luttent : l'une est-parisienne, l'autre provient des Hauts-de-Seine."

    Dans sa note, la DCRG décrit ainsi une "bande de la Défense, composée d'une quarantaine d'individus pour l'essentiel d'origine subsaharienne, issus des quartiers sensibles des Hauts-de-Seine, des Yvelines et du Val-d'Oise". Une bande qui, "par volonté hégémonique", se heurte à celle de la "gare du Nord, composée d'une quarantaine d'individus de la même ethnie".

    Plusieurs combats les ont déjà opposés. Le 1er octobre 2006, porte d'Italie à Paris, deux jeunes de la bande de "gare du Nord" ont ainsi été agressés à coups de couteaux par ceux de la Défense, suite à une défaite de ces derniers, quelques jours plus tôt, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis).

    Le 13 janvier, nouvelle bagarre sur les quais du RER à la Défense. Ce jour-là, une soixantaine de jeunes se sont affrontés, faisant deux blessés, dont l'un à coups de machettes. Une rivalité qui trouverait sa source, selon les RG, dans une querelle pour le contrôle d'un secteur de la gare RER Châtelet-les-Halles, dit "La salle carrée", haut lieu de trafic de stupéfiants.

    "VIOLENCE TRIBALE"

    Si les motifs des affrontements demeurent souvent liés à la délinquance, les policiers s'inquiètent d'un communautarisme croissant. A Athis-Mons (Essonne), une bande est ainsi uniquement composée de Cap-Verdiens. Au centre commercial Grigny-2, on observe également des membres de bandes se promener avec des tee-shirts où figure l'inscription "Noirs et fiers".

    Parmi eux, on retrouve la bande des "Black guérilla armée", spécialisée dans le "carjacking" ou les "Grigny Hot Boys", des collégiens d'origine africaine, auteurs de vols avec violence.

    A Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), ce sont des adolescents d'origine africaine qui se retrouvent dans des bandes appelées "les microbes" ou les "pestes". A Torcy (Seine-et-Marne), la "bande du Mail" compte de son côté 90 jeunes, "organisés d'une manière paratribale" autour d'un leader charismatique. La structure possède une douzaine de voitures, règne sur l'économie souterraine locale.

    "Ces formations délinquantes constituées en majorité d'individus originaires d'Afrique noire ont la particularité d'instaurer une violence tribale ne donnant lieu à aucune concession", avec un "rejet violent et total des institutions" et un "total détachement quant à la gravité de l'acte commis", notent les enquêteurs.

    Les RG décrivent aussi les problèmes rencontrés par les commerçants, illustrés récemment par les menaces de mort reçus par le gérant d'un Franprix, à la cité du Franc-Moisin, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), aujourd'hui protégé par des policiers.

    "Les commerces figurent parmi les cibles privilégiées" de ces bandes, racontent les policiers. Là aussi, ils notent une communautarisation galopante, avec des réinvestissements dans les "taxiphones", ou dans des boutiques vendant des produits halal.

    A Argenteuil, ils décrivent par exemple "l'investissement croissant de fondamentalistes musulmans dans le secteur de la restauration rapide". A Rennes (Ille-et-Vilaine), une boucherie-charcuterie d'un quartier sensible a aussi fait l'objet, en novembre 2006, de graffitis sur la vitrine : "Arrêtez de vendre des saucisses qui puent ou on va vous tirer dessus, PD de boucher".

    Et les policiers de conclure : "Les commerçants ont le sentiment d'être abandonnés aux convoitises des casseurs qui veulent s'approprier le territoire." Et favoriser le blanchiment de leurs gains illicites.

    Outre les tensions "communautaires traditionnelles", entre Juifs et Africains, ou entre Gitans et Maghrébins, la DCRG relève l'arrivée d'une nouvelle délinquance, tchétchène souvent. A Nice (Alpes-Maritimes), à la cité de l'Ariane, ou à Evreux (Eure), dans le quartier de la Madeleine, les "rivalités ethnico-affairistes" dégénèrent en affrontements.

    ARMES DE GUERRE

    Le 6 novembre 2006, 17 douilles de 7,65 mm et 9 mm ont ainsi été retrouvées par la police, après que de jeunes Tchétchènes eurent tiré sur un groupe de Maghrébins. A Gonesse (Val-d'Oise), ce sont des chrétiens originaires d'Irak, installés dans le quartier des Marronniers, qui se heurtent à des Maghrébins de la cité de la Fauconnière. Le 31 octobre 2006, l'un d'eux a été paralysé à vie par une balle tirée dans le dos.

    Ces constats ne sont pas nouveaux pour les policiers de terrain. Mohamed Douhane, commandant de police, membre du syndicat Synergie explique : "Il y a un vrai décalage entre le discours d'apaisement des politiques et la réalité du terrain où l'on constate des bandes de plus en plus violentes."

    Son collègue Loïc Lecouplier, secrétaire du syndicat Alliance en Seine-Saint-Denis, surenchérit : "A Paris, on s'alarme de trois courses-poursuites dans les rues de la capitale, mais chez nous les règlements de compte entre bandes sont très, très fréquents, pour ne pas dire quotidiens." Puis il ajoute : "On a rarement des courses-poursuites comme il y en a eu à Paris. Les jeunes ont largement dépassé ce stade-là, puisqu'ils en sont carrément au règlement de compte avec armes de guerre. D'une certaine manière, on est content quand ils règlent leurs comptes en dehors de chez nous."

    Comme à Paris, par exemple, où Jean-Claude Marin promet une sévérité maximale aux fauteurs de troubles : "On ne peut faire de concessions face à des jeunes qui veulent recréer le Bronx, dit-il, on ne peut pas laisser filer les choses, il faut rétablir l'ordre et donner une réponse judiciaire ferme."

    Des jugements à délai rapproché pour les mineurs, des contrôles d'identité préventifs, et des consignes claires adressées à la PJ : bâtir des procédures irréprochables, en prévision du passage au tribunal.

    Gérard Davet et Elise Vincent
    Le Monde.
    Dernière modification par absent, 05 septembre 2007, 16h15.
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