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" 40% du commerce de nos produits agricoles est aujourd'hui dans l'informel "

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  • " 40% du commerce de nos produits agricoles est aujourd'hui dans l'informel "


    Ouali Mohamed Yahiaoui DG de la Régulation et de l'Organisation des activités au ministère du Commerce

    " Au niveau du ministère du Commerce, nous pensons que les opérations "coup de poing" sont des opérations ponctuelles qui ne règlent pas les problèmes ."

    C'est en ces termes que s'est exprimé notre interlocuteur à propos du marché informel. Il considère, à juste titre d'ailleurs, qu'en donnant la possibilité à ces jeunes de faire du commerce de manière légale, il sera possible d'atténuer, à défaut d'éradiquer, les effets pervers du commerce informel.

    Le Point Economique : D'année en année, on évoque la réglementation en matière de prix, la guerre aux spéculateurs ; mais malgré cela, on se rend compte que rien ne change. Qu'est-ce qui va être fait pour y remédier ? Les choses peuvent-elles réellement changer ?

    Ouali Mohamed Yahiaoui
    : Il est important de cerner l'ensemble des concepts que l'on utilise. Le principe majeur qui régit le domaine des prix repose sur des mécanismes de marché basés sur le jeu de l'offre et de la demande. L'Etat n'est cependant pas désarmé en cas de dérapage incontrôlé des prix, ou en cas de crise, puisqu'il peut intervenir en fixant les prix pour des périodes déterminées pour certains produits réputés stratégiques après avis du conseil de la concurrence.

    A l'heure actuelle, 80 à 95% des activités commerciales au niveau du territoire national (que ce soit en termes d'activité ou en termes de produits) relèvent du régime des prix libres. Les seuls produits dont les prix sont administrés sont les produits de première nécessité tels que le lait pasteurisé en sachet, dont le prix a été fixé en 2001 à 25 DA pour le consommateur, de même que les prix du pain ordinaire (7,50 DA) et du pain amélioré (8,50 DA), le prix du pain étant fixé en amont, (celui du blé tendre utilisé pour la panification ainsi que celui de la farine sont encadrés (1 287 DA le quintal de blé tendre, 2 000 DA le quintal pour la farine destinée à la panification)). Certaines prestations de services sont fixées, de même que les produits pétroliers. Le reste obéit aux mécanismes du marché, donc aux règles de l'offre et de la demande.

    Au niveau du ministère du Commerce, à la faveur de l'ouverture du marché, de la suppression des monopoles et de la réorganisation de l'économie, nous avons identifié un train de mesures qui consiste en l'adaptation de notre législation et de notre réglementation. Nous avons eu la loi sur la concurrence qui pose les principes cardinaux liés au marché, la loi sur les pratiques commerciales et la loi relative aux conditions d'organisation des activités commerciales. Notre marché a été gangrené par le commerce informel.

    Nous disons qu'environ 40% des activités se font de manière informelle, ou encore, disons que 60% des flux physiques des produits agricoles frais ne transitent pas par des marchés de gros. Soit, ils vont directement aux collectivités, soit, ils alimentent le marché informel. Aussi, nous avons essayé d'assouplir et d'organiser ces activités. Pour exemple, parmi les mesures que nous jugeons salutaires il y a les facilitations et les assouplissements que nous avons enregistrés et mis en œuvre en ce qui concerne les conditions d'inscription au registre de commerce. Dans un passé récent, l'enregistrement au registre de commerce relevait du parcours du combattant. Les conditions ont été assouplies.

    La mise en place d'une régulation est indispensable et relève de l'Etat. Pour réguler, il faut disposer d'instruments.

    Justement, qu'est-ce qui a été fait pour réguler le marché ?

    Nous avons commencé par les domaines les plus sensibles, à savoir les marchés de gros, les marchés de fruits et légumes. Nous avons préparé des dossiers détaillant les contextes dans lesquels se développent ces activités, les travers, les insuffisances et les dysfonctionnements et nous les avons présentés au gouvernement. Nous allons nous donner le temps de stabiliser le statut du foncier agricole avant de nous attaquer à la production.

    Pour en revenir aux marchés de gros, nous avons voulu densifier les réseaux de distribution au stade de gros en réalisant 4 nouveaux marchés de gros d'intérêt national (un à l'Est, un au Centre-est, un au Centre et le dernier à l'Ouest du pays), 21 marchés de gros d'intérêt régional qui vont couvrir deux ou trois wilayas et 25 marchés de gros d'intérêt local afin de répondre à la demande des petits détaillants et des collectivités locales.

    Nous avons fait savoir au chef du gouvernement que nous avions actuellement 42 marchés de gros opérationnels à travers le territoire national, mais sur ces 42 marchés, seuls 3 peuvent être considérés comme étant de réels marchés de gros. Les autres ne répondent à aucune norme.

    C'est pour cela que nous avons voulu engager un programme de mise à niveau de ces espaces. Nous allons réhabiliter ce qui existe (portails éventrés, murs d'enceinte, intervention parasitaire, suivi des flux physiques, mercuriale, intervention d'intermédiaires à l'intérieur comme à l'extérieur…). Nous avons 4 arrêtés interministériels d'application datant de 1993, mais compte tenu ce qu'a vécu le pays à cette période, nous n'avons pas pu veiller à la mise en application de ces textes.

    Oui, mais comment régler la question de l'impact des prix sur le consommateur ?

    Par l'organisation des marchés de détail. Nous en avons identifié 860 à travers le territoire national. Nous nous sommes rendus compte qu'il n'y avait même pas un marché de détail par commune, puisqu'il y a plus de 1 500 communes dans le pays. De plus, ce qui a été réalisé dans le cadre des plans de 1980 est aujourd'hui en ruine. Nous n'avons plus rien investi dans les marchés de détail depuis. Nous avons construit des cités entières de 500 logements, de 1 500 logements…

    Malheureusement, nous n'avons pas pensé à réaliser des infrastructures commerciales. Nous avons donc décidé de construire des marchés de détail couverts pour les grandes villes et des marchés de proximité au niveau de certaines communes, en plus de réhabiliter ce qui existe déjà. Par exemple, pour la capitale, nous avons identifié pas moins de 37 marchés de détail - qui ont perdu de leur aura, puisqu'on trouve de tout dans ces marchés. Nous allons ainsi réaliser 50 marchés de gros sur les cinq prochaines années, étendre le réseau des marchés de détail et rénover ce qui existe.

    Pour cela, nous avons déjà dégagé à peu près 6 milliards de dinars parce que le programme global de réhabilitation a été estimé à 40 milliards de dinars.

    Actuellement, nous avons implanté 9 marchés de gros et des marchés de détail un peu partout pour résorber le marché informel et réinsérer ceux qui y exercent.

    Parallèlement, nous allons faire le même travail pour les abattoirs et les halles amarrées, les pêcheries et les poissonneries. Au niveau du ministère du Commerce, nous pensons que les opérations "coup de poing" sont des opérations ponctuelles qui ne règlent pas les problèmes. Nous avons décidé d'annihiler les activités qui ont lieu sur la rue de Bab El-Oued parce que la rue appartient aux piétons et aux véhicules. Cependant, nous avons prévu des étals juste à côté pour ces commerçants, afin de ne pas trop dépayser les habitués du coin.

    à suivre .....
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

  • #2
    Suite et fin

    Mis à part les fluctuations sur le marché mondial, existe-t-il d'autres facteurs qui influent sur le prix du lait ?

    96% de la structure du prix du lait est importée. Les laiteries fabriquent du lait conditionné ; les équipements sont importés, la poudre de lait est importée, la MGLA (qui sert d'adjuvant pour la fabrication du lait) aussi, de même que le fil plastique alimentaire et le plastique avec lequel nous fabriquons les bacs dans lesquels nous mettons les sachets sont importés. Nous ne faisons qu'ajouter de l'eau (qui est de production nationale) et nous fournissons la main-d'œuvre pour mettre le lait en sachet et le vendre.

    Ne pouvons-nous pas produire certains de ces éléments localement ?


    Il y a actuellement un travail mené par l'Office national interprofessionnel du lait (créée en 1997, mais réhabilité que très récemment). C'est ce dernier qui va s'occuper de nous sortir du guêpier de l'importation, des tensions sur le marché mondial. Actuellement, les chiffres diffèrent. Nous pensons que nous avons 2 milliards de litres de lait cru sur le marché national. Sur ces 2 milliards, seuls 15% font l'objet d'une collecte et sont intégrés dans la production - le reste est importé. L'ardoise "lait" est de l'ordre de 700 millions de dollars par an. Les besoins du marché, qui sont aujourd'hui de l'ordre de 3 milliards et demi, sont couverts pour à peu près 2 milliards sur le lait cru : 1 milliard correspond au lait combiné en sachet et 500 millions de litres de lait représentent le lait en poudre. Aussi, il va y avoir un travail d'organisation pour améliorer la production de lait cru, les conditions de collecte et de transformation pour nous sortir de la problématique du marché international.

    Est-t-il prévu un programme de prise en charge à cet effet ?


    C'est du domaine du plus haut niveau du ministère de l'Agriculture. Une fois que le lait est produit, il faut le traiter, le lyophiliser pour en faire de la poudre de lait etc.

    Sur le marché extérieur, le prix de la poudre de lait est passé de 1 700/2 000 $ à 5 300 $ la tonne en une année et demie. Maintenant, c'est l'Etat qui a décidé de maintenir le prix à 25 DA le sachet de lait, mais le maintien de ce prix ainsi que les perturbations sur le marché mondial vont induire une dépense du Trésor Public de 22 à 23 milliards de dinars.

    Autre élément : le blé. 70% des besoins du marché national sont couverts par l'importation. Nous importons à peu près 60 millions de quintaux par an : le blé tendre destiné à la transformation et à la production de farine. Le budget de l'Etat intervient pour l'achat de ce blé là. Le blé tendre est cédé à 1 285 DA le quintal. Cela impliquait, au moment de la stabilité des prix sur le marché mondial, une somme d'environ 18 milliards de dinars par an. Maintenant, la flambée (2 800 $ la tonne) va impliquer une dépense pour le budget de l'Etat de l'ordre de 32 milliards de dinars pour l'année.

    Le prix du blé dur destiné à la fabrication de la semoule est libre sur le marché. Le prix de la semoule a connu une hausse due à la flambée des cours sur le marché international.

    Pour le reste, mis à part l'huile qui a connu une hausse, le prix des produits connaît une relative stabilité, tant au niveau des approvisionnements qu'au niveau des prix.

    La pomme de terre est au centre des débats, des enjeux et des tensions. Qu'en est-il au juste ?

    En ce qui concerne la pomme de terre, l'Algérie a connu une excellente année en 2005 avec une production de 2 millions de tonnes par an. Cela a permis de couvrir la demande locale estimée à 1 500 000 tonnes (120 000 tonnes/mois). Les années 2006 et 2007 ont été difficiles. En 2007, la production réalisée a connu une chute de 35% et nous estimons que la production nationale n'a pas dépassé 1 300 000 tonnes. C'est ce qui explique la tension actuelle de ce produit sur le marché. Il ne s'agit pas pour autant d'une situation de pénurie ! On trouve de la pomme de terre, certes très chère, mais on en trouve tout de même ! Cela étant, il faut rompre avec l'ancien réflexe qui consiste à croire que 20 DA le kg est le prix normal de la pomme de terre, dès lors que les facteurs de production de ce produit, qui est certes " la viande du pauvre ", dépassent largement ces 20 DA, puisque 70% des quantités de semences nécessaires pour la production nationale sont importés. L'importation a un coût, de même que les techniques culturales.

    Tout cela situerait le prix de la pomme de terre entre 24 et 26 DA à la production. Pour que sa vente puisse rapporter aux différents acteurs de la chaîne de production et de distribution (grossiste, détaillant, etc.), il faut stabiliser le prix aux environs de 35 DA le kg. Il faut instaurer des mécanismes de production pour que l'on puisse faire face aux effondrements et renchérissements des prix. C'est parce que l'année a été très mauvaise que le gouvernement a pris certaines décisions. Il faut savoir qu'à travers le territoire national, il y a à peu près 100 000 ha qui sont cultivés en pomme de terre.

    La superficie était plus grande en 2005, n'est-ce pas ?


    Oui, elle était de 120 000 ha. Nous sommes actuellement à 100 000 ha.

    Qu'est-ce qui garantit qu'il n'y aura pas de spéculation sur les pommes de terre que le gouvernement va importer ?

    Ce qui enraye la spéculation, c'est l'abondance. Là, nous avons un dispositif de contrôle. Nous avons ratissé 1 200 entrepôts frigorifiques appartenant au privé lorsque nous avons eu peur que la pomme de terre de consommation ne soit stockée dans des chambres froides.

    Nous y avons trouvé 14 500 tonnes de produits stockés. Ils ne représentent que 4 à 5 jours de consommation. C'était plus un stock de régulation qu'un stock spéculatif. Mais là, l'arrière-saison va arriver et avec elle, la levée des droits de taxe, les producteurs n'ont pas intérêt à stocker pour spéculer, puisque là, elle va être moins cher. Par contre, vous n'avez pas de flambée des prix pour les produits agricoles de saison.

    Mais n'y a-t-il pas eu une flambée du prix de la tomate en juillet ?

    Cela dépend de la variété de tomate. Celle destinée à l'industrie de transformation était vendue à partir de 15 DA. Les prix les plus élevés se situent à 35 DA et le prix moyen à près de 20 DA.

    Pouvez-vous nous dire un mot de la nouvelle réglementation concernant les abus de position dominante ?

    C'est la loi sur la concurrence qui définit les positions dominantes, les concentrations et les cas d'abus de position dominante. L'ordonnance a été publiée en 2003 et nous venons de la rafraîchir.

    Cependant, cette loi prévoit des exceptions. Quand les intérêts économiques du pays l'exigent, on autorise ce type d'organisation. Maintenant, il existe des monopoles de fait.

    Par exemple, il n'y a pas si longtemps, l'ONALAIT avait le monopole de la production laitière (entre 45 et 55%). Aujourd'hui, ce sont les cimenteries publiques qui ont la plus grosse part de marché. Mais c'est un travail de longue haleine, avec organisation des activités. Nous avons mis en place, au niveau du ministère du Commerce, une structure chargée du développement des lois de la concurrence pour examiner les utilités publiques. Mais nous n'avons pas de traditions, d'expérience en ce qui concerne la gestion de ces cas.

    Existe-t-il des cas similaires dans le privé ?


    Pour le privé, le groupe Cevital est en position extra-dominante sur le marché du sucre. Mais nous ne constatons pas d'abus de position dominante. Il n'impose pas sa loi sur le marché. Il développe des actions commerciales en suggérant par exemple aux transformateurs l'utilisation du glucose liquide.

    Ne pensez-vous pas qu'il y a un manque de contrôle sur le terrain et que c'est justement là où réside le talon d'Achille ?

    Le contrôle s'impose, mais c'est la régulation qui règle les problèmes. Nous avons 1 200 000 commerçants contre un effectif du service du ministère du Commerce d'environ 4 500 agents sur le terrain : 2 000 pour le contrôle de la qualité et de la répression des fraudes et 2 500 pour le contrôle des pratiques commerciales et de la concurrence. Le contrôle n'est pas le seul instrument à même d'assainir et de rétablir la transparence dans les transactions commerciales et en matière de protection du consommateur. Il faut une coordination entre les associations professionnelles, les différents intervenants sur le marché, les services de l'Etat et, surtout, les associations de protection du consommateur.

    Ces efforts conjugués à une réglementation adaptée pourront rétablir une stabilité du marché et réduire la spéculation, le marché informel et la contrefaçon.

    Quand verra-t-on disparaître la pratique de la vente de pain dans des paniers à côté des égouts à ciel ouvert ?

    Il y a actuellement une controverse. La protection de la santé du consommateur est l'affaire de tous. Les agents de contrôle du ministère du Commerce s'attaquent à l'exercice des activités commerciales sédentaires ou organisées.

    Nous n'avons pas les moyens de faire la chasse aux vendeurs de pain à la sauvette. C'est le travail des associations professionnelles et cela relève aussi de la responsabilité du consommateur. C'est la conjugaison de tous ces éléments permettra d'assainir notre marché intérieur.



    Source: Le Point Economique- Amal Belkessam -06-09-2007
    “La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur, ou d’indifférence; encore faut-il que l’on désire passionnément écarter ces voiles” Amin Maalouf

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