Ouali Mohamed Yahiaoui DG de la Régulation et de l'Organisation des activités au ministère du Commerce
" Au niveau du ministère du Commerce, nous pensons que les opérations "coup de poing" sont des opérations ponctuelles qui ne règlent pas les problèmes ."
C'est en ces termes que s'est exprimé notre interlocuteur à propos du marché informel. Il considère, à juste titre d'ailleurs, qu'en donnant la possibilité à ces jeunes de faire du commerce de manière légale, il sera possible d'atténuer, à défaut d'éradiquer, les effets pervers du commerce informel.
Le Point Economique : D'année en année, on évoque la réglementation en matière de prix, la guerre aux spéculateurs ; mais malgré cela, on se rend compte que rien ne change. Qu'est-ce qui va être fait pour y remédier ? Les choses peuvent-elles réellement changer ?
Ouali Mohamed Yahiaoui : Il est important de cerner l'ensemble des concepts que l'on utilise. Le principe majeur qui régit le domaine des prix repose sur des mécanismes de marché basés sur le jeu de l'offre et de la demande. L'Etat n'est cependant pas désarmé en cas de dérapage incontrôlé des prix, ou en cas de crise, puisqu'il peut intervenir en fixant les prix pour des périodes déterminées pour certains produits réputés stratégiques après avis du conseil de la concurrence.
A l'heure actuelle, 80 à 95% des activités commerciales au niveau du territoire national (que ce soit en termes d'activité ou en termes de produits) relèvent du régime des prix libres. Les seuls produits dont les prix sont administrés sont les produits de première nécessité tels que le lait pasteurisé en sachet, dont le prix a été fixé en 2001 à 25 DA pour le consommateur, de même que les prix du pain ordinaire (7,50 DA) et du pain amélioré (8,50 DA), le prix du pain étant fixé en amont, (celui du blé tendre utilisé pour la panification ainsi que celui de la farine sont encadrés (1 287 DA le quintal de blé tendre, 2 000 DA le quintal pour la farine destinée à la panification)). Certaines prestations de services sont fixées, de même que les produits pétroliers. Le reste obéit aux mécanismes du marché, donc aux règles de l'offre et de la demande.
Au niveau du ministère du Commerce, à la faveur de l'ouverture du marché, de la suppression des monopoles et de la réorganisation de l'économie, nous avons identifié un train de mesures qui consiste en l'adaptation de notre législation et de notre réglementation. Nous avons eu la loi sur la concurrence qui pose les principes cardinaux liés au marché, la loi sur les pratiques commerciales et la loi relative aux conditions d'organisation des activités commerciales. Notre marché a été gangrené par le commerce informel.
Nous disons qu'environ 40% des activités se font de manière informelle, ou encore, disons que 60% des flux physiques des produits agricoles frais ne transitent pas par des marchés de gros. Soit, ils vont directement aux collectivités, soit, ils alimentent le marché informel. Aussi, nous avons essayé d'assouplir et d'organiser ces activités. Pour exemple, parmi les mesures que nous jugeons salutaires il y a les facilitations et les assouplissements que nous avons enregistrés et mis en œuvre en ce qui concerne les conditions d'inscription au registre de commerce. Dans un passé récent, l'enregistrement au registre de commerce relevait du parcours du combattant. Les conditions ont été assouplies.
La mise en place d'une régulation est indispensable et relève de l'Etat. Pour réguler, il faut disposer d'instruments.
Justement, qu'est-ce qui a été fait pour réguler le marché ?
Nous avons commencé par les domaines les plus sensibles, à savoir les marchés de gros, les marchés de fruits et légumes. Nous avons préparé des dossiers détaillant les contextes dans lesquels se développent ces activités, les travers, les insuffisances et les dysfonctionnements et nous les avons présentés au gouvernement. Nous allons nous donner le temps de stabiliser le statut du foncier agricole avant de nous attaquer à la production.
Pour en revenir aux marchés de gros, nous avons voulu densifier les réseaux de distribution au stade de gros en réalisant 4 nouveaux marchés de gros d'intérêt national (un à l'Est, un au Centre-est, un au Centre et le dernier à l'Ouest du pays), 21 marchés de gros d'intérêt régional qui vont couvrir deux ou trois wilayas et 25 marchés de gros d'intérêt local afin de répondre à la demande des petits détaillants et des collectivités locales.
Nous avons fait savoir au chef du gouvernement que nous avions actuellement 42 marchés de gros opérationnels à travers le territoire national, mais sur ces 42 marchés, seuls 3 peuvent être considérés comme étant de réels marchés de gros. Les autres ne répondent à aucune norme.
C'est pour cela que nous avons voulu engager un programme de mise à niveau de ces espaces. Nous allons réhabiliter ce qui existe (portails éventrés, murs d'enceinte, intervention parasitaire, suivi des flux physiques, mercuriale, intervention d'intermédiaires à l'intérieur comme à l'extérieur…). Nous avons 4 arrêtés interministériels d'application datant de 1993, mais compte tenu ce qu'a vécu le pays à cette période, nous n'avons pas pu veiller à la mise en application de ces textes.
Oui, mais comment régler la question de l'impact des prix sur le consommateur ?
Par l'organisation des marchés de détail. Nous en avons identifié 860 à travers le territoire national. Nous nous sommes rendus compte qu'il n'y avait même pas un marché de détail par commune, puisqu'il y a plus de 1 500 communes dans le pays. De plus, ce qui a été réalisé dans le cadre des plans de 1980 est aujourd'hui en ruine. Nous n'avons plus rien investi dans les marchés de détail depuis. Nous avons construit des cités entières de 500 logements, de 1 500 logements…
Malheureusement, nous n'avons pas pensé à réaliser des infrastructures commerciales. Nous avons donc décidé de construire des marchés de détail couverts pour les grandes villes et des marchés de proximité au niveau de certaines communes, en plus de réhabiliter ce qui existe déjà. Par exemple, pour la capitale, nous avons identifié pas moins de 37 marchés de détail - qui ont perdu de leur aura, puisqu'on trouve de tout dans ces marchés. Nous allons ainsi réaliser 50 marchés de gros sur les cinq prochaines années, étendre le réseau des marchés de détail et rénover ce qui existe.
Pour cela, nous avons déjà dégagé à peu près 6 milliards de dinars parce que le programme global de réhabilitation a été estimé à 40 milliards de dinars.
Actuellement, nous avons implanté 9 marchés de gros et des marchés de détail un peu partout pour résorber le marché informel et réinsérer ceux qui y exercent.
Parallèlement, nous allons faire le même travail pour les abattoirs et les halles amarrées, les pêcheries et les poissonneries. Au niveau du ministère du Commerce, nous pensons que les opérations "coup de poing" sont des opérations ponctuelles qui ne règlent pas les problèmes. Nous avons décidé d'annihiler les activités qui ont lieu sur la rue de Bab El-Oued parce que la rue appartient aux piétons et aux véhicules. Cependant, nous avons prévu des étals juste à côté pour ces commerçants, afin de ne pas trop dépayser les habitués du coin.
à suivre .....
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