Le scénario le plus craint a failli arriver. Une bombe, qui devait être actionnée au passage du président Bouteflika à Batna, a explosé un quart d’heure avant son passage, tuant une vingtaine d’Algériens venus accueillir le Président. Pourquoi et comment a-t-on voulu assassiner le Président ?
À une semaine du 11 septembre, date fétiche du terrorisme international, du début du Ramadhan et d’une rentrée sociale inquiétante, un attentat contre le Président aurait jeté l’Algérie dans une situation chaotique. Pourtant, les indices politiques d’un pourrissement de la situation n’ont pas manqué. La campagne d’intox sur l’état de santé du Président a rendu le climat de ce mois d’août vicié, déjà alourdi par la polémique en rafales entre le général Touati et l’ancien Premier ministre, Belaïd Abdesselam.
>Un contexte propice
Dans un contexte complètement délétère, la sortie du président Bouteflika dans un périple à l’Est, probablement la dernière avant le Ramadhan, offrait la seule opportunité aux commanditaires de l’attentat de lancer un message. Il faut dire que le décès du général Smaïn Lamari, numéro 2 du DRS, a davantage accru cette atmosphère d’incertitude sur la capacité de réaction de l’État en ces temps durs. Une brèche dans laquelle s’est engouffré Ali Benhadj, l’ancien numéro 2 du FIS avec des déclarations incendiaires qui ont trouvé leur corollaire avec l’attentat de ce 6 septembre.
Avec l’attentat contre Mustapha Kertali, la montée au créneau de Madani Mezrag, ancien “émir” de l’AIS dissous, et le refus persistant de Zerhouni de refuser le retour des islamistes sur la scène politique, la situation était d’une tension palpable. Si l’on y ajoute le dernier communiqué de Droukdel, l’“émir” du GSPC promettant des actions extrêmes contre “le président Bouteflika (…), les leaders de l’AIS et les partisans de la réconciliation nationale”, il serait logique de considérer que les terroristes ont trouvé une ouverture idéale à Batna, alors que l’État algérien traverse une zone de turbulences.
>Les faits
Qu’il s’agisse d’un kamikaze prêt à se “sacrifier” ou d’un terroriste qui devait lancer la bombe contre le président Bouteflika quand ce dernier serre la main à la foule — une tradition hautement risquée lors de ses déplacements —, le procédé choisi est classique. Une bombe artisanale de moyenne puissance jetée dans un périmètre étroit avec une forte densité humaine fait des dégâts inéluctables comme le prouvent le dramatique bilan de Batna et surtout le nombre de blessés qui dépasse la centaine.
Le choix de la bombe est également un gage de réussite puisque l’attentat est imparable. À moins d’interdire tout sac dans le périmètre du président Bouteflika (ce qui est quasiment impossible), ce type d’attentat est plus efficace que celui d’un tireur isolé. D’ailleurs, si ce n’était la vigilance des citoyens (qui avaient remarqué le comportement nerveux et excité du terroriste) et dont certains ont payé de leur vie, l’attentat aurait pu réussir.
D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur a prévenu que ce genre d’attentat pouvait “se dérouler n’importe où ailleurs” et que les “attentats à la bombe sont les plus faciles à mettre en œuvre”.
>La réaction de Bouteflika
En étant à Timgad, à 25 km du centre-ville de Batna, le président Bouteflika a tenu à se rendre sur place et rendre visite aux blessés à l’hôpital. Si en pareil cas, ce sont les services secrets chargés de sa protection qui déterminent les moyens et les voies d’évacuation du Président, Bouteflika a agi d’abord en homme d’État et en homme politique, en revenant sur les lieux de l’attentat dans une ambiance électrique et menaçante.
Fait inhabituel, le président Bouteflika a réagi à chaud. Lui, à qui l’on a reproché de ne pas avoir dit un mot après les attentats à Alger du 11 avril, préférant ne pas surdimensionner l’acte terroriste et ne lui donner plus d’impact qu’il n’avait, a préféré, cette fois-ci, répondre du tac au tac en lançant quelques messages assez sibyllins : “Je dis au peuple algérien et au monde entier que nous avons choisi la voie de la réconciliation nationale. Nous n’y renoncerons pas, quel que soit le prix à payer (…) Nous rejetons aussi bien l’extrémisme des islamistes que celui des laïques (…). Les auteurs d’actes terroristes œuvrent pour le compte de capitales étrangères et de dirigeants étrangers.”
Se savait-il ciblé ? Certainement, mais le Président qui campe sur ses positions réconciliatrices a fait valoir un acharnement à décliner la voie “stratégique” de la réconciliation nationale qui peut faire grincer des dents en pareilles circonstances. À l’image des déclarations de Belkhadem, une demi-heure après les attentats du Palais du gouvernement pas toujours comprises en de telles circonstances.
Mais au-delà des mots, ce sont les actes de Bouteflika qui retiennent l’attention. Il ne quitte pas une Batna meurtrie et qui aurait pu être un second Annaba, décide de reprendre les points de la visite annulée la veille, mais surtout fait preuve de davantage de proximité avec les victimes et leur famille comme la communion lors de la prière de ce vendredi. Si l’on a reproché par le passé à Bouteflika une distance vis-à-vis des familles de victimes du terrorisme, l’épreuve de Batna a fait changer d’avis au Président. Lui qui ne veut pas que ses choix soient dictés par l’émotion collective, il a fait fi de certains calculs politiciens pour se rapprocher des gens.
>Le cauchemar de la DSPP
Ce sigle cache la Direction spéciale de la protection présidentielle. Ce sont les hommes, des officiers du DRS, qui ont la lourde tâche de protéger le Président partout où il se trouve. Anciennement dirigé par le charismatique général Sadek, il regroupe l’élite des officiers des services secrets, surentraînés et armés de gadgets de la dernière génération pour prévenir les attentats.
Depuis l’épisode Boudiaf, ces éléments sont triés sur le volet. Ils sont jeunes, athlétiques, des tireurs d’élite et spécialistes en morphologie.
Mais paradoxalement, malgré leur savoir-faire (Bouteflika n’a jamais été approché par une menace depuis 8 ans), ils doivent composer avec le comportement du président Bouteflika pas toujours adéquat pour assurer sa propre sécurité.
Ainsi, et tout spécialiste en protection rapprochée le dira, les bains de foule sont le lieu le plus propice à ce type d’attentat. Là où le Président est le plus vulnérable. Le désavantage est que Bouteflika est un président tactile. Qui aime les contacts humains, les bains de foule et les attentes de la population pour une poignée de main. Pis, Bouteflika aime les accolades (avec une préférence aux vieux moudjahidine et à des enfants ou bébés qu’on lui présente en tournée), sans se soucier, visiblement, que tout individu qui s’approche de lui est susceptible d’être une menace.
C’est avec tous ces paramètres que la DSPP doit composer en s’adaptant également à l’évolution technologique des attentats terroristes. Voitures piégées au passage du cortège ou devant son domicile (comme ce fut le cas avec le véhicule contre la maison d’Ali Tounsi), attentat au lance-roquettes, kamikaze se lançant quand Bouteflika se déplace à pied ou attaque commando surprise dans un lieu clos, toutes les hypothèses doivent être anticipées sans pour autant gêner le Président dans ses déplacements et sa volonté d’échanger avec les Algériens venus à sa rencontre.
Il faut dire que protéger Bouteflika est un cauchemar, surtout que les méthodes d’al-Qaïda, ailleurs, ont prouvé leur efficacité à atteindre un président comme ce fut le cas de Moubarak en déplacement à Addis-Abeba, le président afghan Karzai en plein Kaboul ou le président pakistanais Musharef, ciblé deux fois par des voitures piégées surpuissantes malgré la voiture suiveuse qui vise à brouiller les fréquences de télécommandes, portables ou autres bombes déclenchées à distance au passage du convoi. Même les techniques anti-mafia italiennes avec l’utilisation de motards sont utilisées et visent à mieux protéger le Président en réagissant à toutes les éventualités.
À une semaine du 11 septembre, date fétiche du terrorisme international, du début du Ramadhan et d’une rentrée sociale inquiétante, un attentat contre le Président aurait jeté l’Algérie dans une situation chaotique. Pourtant, les indices politiques d’un pourrissement de la situation n’ont pas manqué. La campagne d’intox sur l’état de santé du Président a rendu le climat de ce mois d’août vicié, déjà alourdi par la polémique en rafales entre le général Touati et l’ancien Premier ministre, Belaïd Abdesselam.
>Un contexte propice
Dans un contexte complètement délétère, la sortie du président Bouteflika dans un périple à l’Est, probablement la dernière avant le Ramadhan, offrait la seule opportunité aux commanditaires de l’attentat de lancer un message. Il faut dire que le décès du général Smaïn Lamari, numéro 2 du DRS, a davantage accru cette atmosphère d’incertitude sur la capacité de réaction de l’État en ces temps durs. Une brèche dans laquelle s’est engouffré Ali Benhadj, l’ancien numéro 2 du FIS avec des déclarations incendiaires qui ont trouvé leur corollaire avec l’attentat de ce 6 septembre.
Avec l’attentat contre Mustapha Kertali, la montée au créneau de Madani Mezrag, ancien “émir” de l’AIS dissous, et le refus persistant de Zerhouni de refuser le retour des islamistes sur la scène politique, la situation était d’une tension palpable. Si l’on y ajoute le dernier communiqué de Droukdel, l’“émir” du GSPC promettant des actions extrêmes contre “le président Bouteflika (…), les leaders de l’AIS et les partisans de la réconciliation nationale”, il serait logique de considérer que les terroristes ont trouvé une ouverture idéale à Batna, alors que l’État algérien traverse une zone de turbulences.
>Les faits
Qu’il s’agisse d’un kamikaze prêt à se “sacrifier” ou d’un terroriste qui devait lancer la bombe contre le président Bouteflika quand ce dernier serre la main à la foule — une tradition hautement risquée lors de ses déplacements —, le procédé choisi est classique. Une bombe artisanale de moyenne puissance jetée dans un périmètre étroit avec une forte densité humaine fait des dégâts inéluctables comme le prouvent le dramatique bilan de Batna et surtout le nombre de blessés qui dépasse la centaine.
Le choix de la bombe est également un gage de réussite puisque l’attentat est imparable. À moins d’interdire tout sac dans le périmètre du président Bouteflika (ce qui est quasiment impossible), ce type d’attentat est plus efficace que celui d’un tireur isolé. D’ailleurs, si ce n’était la vigilance des citoyens (qui avaient remarqué le comportement nerveux et excité du terroriste) et dont certains ont payé de leur vie, l’attentat aurait pu réussir.
D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur a prévenu que ce genre d’attentat pouvait “se dérouler n’importe où ailleurs” et que les “attentats à la bombe sont les plus faciles à mettre en œuvre”.
>La réaction de Bouteflika
En étant à Timgad, à 25 km du centre-ville de Batna, le président Bouteflika a tenu à se rendre sur place et rendre visite aux blessés à l’hôpital. Si en pareil cas, ce sont les services secrets chargés de sa protection qui déterminent les moyens et les voies d’évacuation du Président, Bouteflika a agi d’abord en homme d’État et en homme politique, en revenant sur les lieux de l’attentat dans une ambiance électrique et menaçante.
Fait inhabituel, le président Bouteflika a réagi à chaud. Lui, à qui l’on a reproché de ne pas avoir dit un mot après les attentats à Alger du 11 avril, préférant ne pas surdimensionner l’acte terroriste et ne lui donner plus d’impact qu’il n’avait, a préféré, cette fois-ci, répondre du tac au tac en lançant quelques messages assez sibyllins : “Je dis au peuple algérien et au monde entier que nous avons choisi la voie de la réconciliation nationale. Nous n’y renoncerons pas, quel que soit le prix à payer (…) Nous rejetons aussi bien l’extrémisme des islamistes que celui des laïques (…). Les auteurs d’actes terroristes œuvrent pour le compte de capitales étrangères et de dirigeants étrangers.”
Se savait-il ciblé ? Certainement, mais le Président qui campe sur ses positions réconciliatrices a fait valoir un acharnement à décliner la voie “stratégique” de la réconciliation nationale qui peut faire grincer des dents en pareilles circonstances. À l’image des déclarations de Belkhadem, une demi-heure après les attentats du Palais du gouvernement pas toujours comprises en de telles circonstances.
Mais au-delà des mots, ce sont les actes de Bouteflika qui retiennent l’attention. Il ne quitte pas une Batna meurtrie et qui aurait pu être un second Annaba, décide de reprendre les points de la visite annulée la veille, mais surtout fait preuve de davantage de proximité avec les victimes et leur famille comme la communion lors de la prière de ce vendredi. Si l’on a reproché par le passé à Bouteflika une distance vis-à-vis des familles de victimes du terrorisme, l’épreuve de Batna a fait changer d’avis au Président. Lui qui ne veut pas que ses choix soient dictés par l’émotion collective, il a fait fi de certains calculs politiciens pour se rapprocher des gens.
>Le cauchemar de la DSPP
Ce sigle cache la Direction spéciale de la protection présidentielle. Ce sont les hommes, des officiers du DRS, qui ont la lourde tâche de protéger le Président partout où il se trouve. Anciennement dirigé par le charismatique général Sadek, il regroupe l’élite des officiers des services secrets, surentraînés et armés de gadgets de la dernière génération pour prévenir les attentats.
Depuis l’épisode Boudiaf, ces éléments sont triés sur le volet. Ils sont jeunes, athlétiques, des tireurs d’élite et spécialistes en morphologie.
Mais paradoxalement, malgré leur savoir-faire (Bouteflika n’a jamais été approché par une menace depuis 8 ans), ils doivent composer avec le comportement du président Bouteflika pas toujours adéquat pour assurer sa propre sécurité.
Ainsi, et tout spécialiste en protection rapprochée le dira, les bains de foule sont le lieu le plus propice à ce type d’attentat. Là où le Président est le plus vulnérable. Le désavantage est que Bouteflika est un président tactile. Qui aime les contacts humains, les bains de foule et les attentes de la population pour une poignée de main. Pis, Bouteflika aime les accolades (avec une préférence aux vieux moudjahidine et à des enfants ou bébés qu’on lui présente en tournée), sans se soucier, visiblement, que tout individu qui s’approche de lui est susceptible d’être une menace.
C’est avec tous ces paramètres que la DSPP doit composer en s’adaptant également à l’évolution technologique des attentats terroristes. Voitures piégées au passage du cortège ou devant son domicile (comme ce fut le cas avec le véhicule contre la maison d’Ali Tounsi), attentat au lance-roquettes, kamikaze se lançant quand Bouteflika se déplace à pied ou attaque commando surprise dans un lieu clos, toutes les hypothèses doivent être anticipées sans pour autant gêner le Président dans ses déplacements et sa volonté d’échanger avec les Algériens venus à sa rencontre.
Il faut dire que protéger Bouteflika est un cauchemar, surtout que les méthodes d’al-Qaïda, ailleurs, ont prouvé leur efficacité à atteindre un président comme ce fut le cas de Moubarak en déplacement à Addis-Abeba, le président afghan Karzai en plein Kaboul ou le président pakistanais Musharef, ciblé deux fois par des voitures piégées surpuissantes malgré la voiture suiveuse qui vise à brouiller les fréquences de télécommandes, portables ou autres bombes déclenchées à distance au passage du convoi. Même les techniques anti-mafia italiennes avec l’utilisation de motards sont utilisées et visent à mieux protéger le Président en réagissant à toutes les éventualités.
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