Par Anthony BONDAIN de Boursier.com
Anne Lauvergeon ne serait plus opposée à un rapprochement avec Bouygues. (Reuters)Anne Lauvergeon ne serait plus opposée à un rapprochement avec Bouygues. (Reuters)
Depuis plusieurs mois, l'automne 2007 était présenté comme une échéance primordiale concernant l'avenir d'Areva, donc de l'ensemble de la filière nucléaire française. L'agenda officieux pourrait être respecté: le quotidien Les Echos annonce ce matin que l'Agence des Participations de l'Etat a mandaté le bureau d'études McKinsey et la banque d'affaires HSBC pour étudier les scenarios de rationalisation du secteur, à la demande de l'Elysée. Une mission qui ne serait pour l'heure enfermée dans aucun délai fixe et qui resterait marquée du sceau de l'exhaustivité, toutes les pistes étant explorées.
La tâche promet d'être ardue. Par l'enjeu, d'abord, que représente la recomposition industrielle d'un secteur aussi sensible que le nucléaire, qui plus est quand elle concerne l'un des joyaux mondiaux de la spécialité, Areva. Par l'importance des acteurs en présence ensuite, puisque sont concernés outre le groupe d'Anne Lauvergeon, Alstom et son principal actionnaire Bouygues, l'allemand Siemens, voire EDF et Total, actionnaires du groupe et observateurs attentifs du secteur. Par les implications politiques également, dans deux directions. L'Allemagne en premier lieu, alors que la chancelière allemande Angela Merkel a encore fait part hier de son attachement à maintenir Siemens, qui détient 34% d'Areva NP (l'ancien Framatome) dans le circuit. Il se dit à l'inverse que Paris aurait préféré offrir un bon de sortie au géant allemand pour disposer de davantage de latitude dans la refonte en vue. Le Japon en second lieu, puisqu'Areva a dernièrement resserré les liens avec le japonais Mitsubishi Heavy, avec qui il commercialisera un nouveau réacteur de 1.100 MW.
Ménage à trois ?
Pour l'heure, le scénario préféré du gouvernement consisterait à rapprocher Areva et Alstom, selon des sources concordantes, en donnant à Bouygues un rôle conséquent. Un tel mariage cadrerait parfaitement avec le leitmotiv de Nicolas Sarkozy, qui prône la constitution de grands champions nationaux. Il ne serait pas non plus dépourvu, loin de là, de logique industrielle. Dans le cadre de la constitution d'un acteur de premier plan de la génération d'énergie, Alstom apporterait à Areva son expertise de la partie conventionnelle des centrales. Quant à Bouygues, la maîtrise d'ouvrage n'a pas de secret pour le groupe, qui intervient régulièrement aux côtés d'Areva, et d'Alstom, sur le génie civil de grands chantiers. Depuis le début du mois de juillet et des indiscrétions de la presse britannique (Financial Times du 3 juillet 2007), on sait également qu'Anne Lauvergeon, que l'on pensait rétive à l'idée d'une arrivée de Bouygues au capital de son groupe, la verrait désormais plutôt avec bienveillance.
Le projet a donc de quoi séduire sur le papier. Mais il faudra trouver un montage susceptible d'emporter l'adhésion de toutes les parties. Pour Alstom et ses actionnaires, il s'agira de ne pas brader les actifs d'un groupe qui pèse 18,5 milliards d'euros en bourse. Pour Areva, dont la valeur théorique approche les 25 milliards d'euros, l'enjeu consistera à préserver son organisation tout en simplifiant un organigramme particulièrement complexe dominé par l'Etat via le CEA, qui détient 79% du capital et 83% des droits de vote de la société. Bouygues de son côté va chercher à devenir un actionnaire de référence de la nouvelle structure, au moins en apportant sa part d'Alstom, au mieux en se substituant partiellement à l'Etat si celui-ci venait à réduire sa part au capital.
Ménage à quatre ?
Il faudra également trouver une place à Siemens, selon les voeux d'Angela Merkel. Il sera difficile politiquement de laisser le groupe allemand de côté, d'autant que le contentieux entre Paris et Berlin sur les questions industrielles est long à résorber, comme l'a démontré la difficile négociation sur l'avenir d'EADS. Siemens n'a pas oublié non plus le sauvetage de son grand concurrent Alstom piloté par Bercy en 2001-2002. Les analystes financiers ont évoqué une forme de statu quo maintenant le groupe d'outre-Rhin au sein de l'entité qui comprendra Areva NP. Pour ménager Siemens, puisque l'opération envisagée ne consisterait ni plus ni moins qu'à faire entrer le rival dans la future structure, le quotidien Les Echos laisse entendre que des alliances pourraient être trouvées entre les deux concurrents dans le domaine ferroviaire.
Si l'on reste au stade de l'économie-fiction, avec une part non-négligeable de politique, le processus de recomposition du paysage industriel français semble bel et bien se poursuivre. Il y a quelques semaines, les marchés ne donnaient pas bien cher de la fusion entre Gaz de France et Suez. Elle sera finalement conclue. Après l'aval du secteur énergétique français et européen, l'amont pourrait connaître semblable bouleversement dans les semaines à venir...
Anne Lauvergeon ne serait plus opposée à un rapprochement avec Bouygues. (Reuters)Anne Lauvergeon ne serait plus opposée à un rapprochement avec Bouygues. (Reuters)
Depuis plusieurs mois, l'automne 2007 était présenté comme une échéance primordiale concernant l'avenir d'Areva, donc de l'ensemble de la filière nucléaire française. L'agenda officieux pourrait être respecté: le quotidien Les Echos annonce ce matin que l'Agence des Participations de l'Etat a mandaté le bureau d'études McKinsey et la banque d'affaires HSBC pour étudier les scenarios de rationalisation du secteur, à la demande de l'Elysée. Une mission qui ne serait pour l'heure enfermée dans aucun délai fixe et qui resterait marquée du sceau de l'exhaustivité, toutes les pistes étant explorées.
La tâche promet d'être ardue. Par l'enjeu, d'abord, que représente la recomposition industrielle d'un secteur aussi sensible que le nucléaire, qui plus est quand elle concerne l'un des joyaux mondiaux de la spécialité, Areva. Par l'importance des acteurs en présence ensuite, puisque sont concernés outre le groupe d'Anne Lauvergeon, Alstom et son principal actionnaire Bouygues, l'allemand Siemens, voire EDF et Total, actionnaires du groupe et observateurs attentifs du secteur. Par les implications politiques également, dans deux directions. L'Allemagne en premier lieu, alors que la chancelière allemande Angela Merkel a encore fait part hier de son attachement à maintenir Siemens, qui détient 34% d'Areva NP (l'ancien Framatome) dans le circuit. Il se dit à l'inverse que Paris aurait préféré offrir un bon de sortie au géant allemand pour disposer de davantage de latitude dans la refonte en vue. Le Japon en second lieu, puisqu'Areva a dernièrement resserré les liens avec le japonais Mitsubishi Heavy, avec qui il commercialisera un nouveau réacteur de 1.100 MW.
Ménage à trois ?
Pour l'heure, le scénario préféré du gouvernement consisterait à rapprocher Areva et Alstom, selon des sources concordantes, en donnant à Bouygues un rôle conséquent. Un tel mariage cadrerait parfaitement avec le leitmotiv de Nicolas Sarkozy, qui prône la constitution de grands champions nationaux. Il ne serait pas non plus dépourvu, loin de là, de logique industrielle. Dans le cadre de la constitution d'un acteur de premier plan de la génération d'énergie, Alstom apporterait à Areva son expertise de la partie conventionnelle des centrales. Quant à Bouygues, la maîtrise d'ouvrage n'a pas de secret pour le groupe, qui intervient régulièrement aux côtés d'Areva, et d'Alstom, sur le génie civil de grands chantiers. Depuis le début du mois de juillet et des indiscrétions de la presse britannique (Financial Times du 3 juillet 2007), on sait également qu'Anne Lauvergeon, que l'on pensait rétive à l'idée d'une arrivée de Bouygues au capital de son groupe, la verrait désormais plutôt avec bienveillance.
Le projet a donc de quoi séduire sur le papier. Mais il faudra trouver un montage susceptible d'emporter l'adhésion de toutes les parties. Pour Alstom et ses actionnaires, il s'agira de ne pas brader les actifs d'un groupe qui pèse 18,5 milliards d'euros en bourse. Pour Areva, dont la valeur théorique approche les 25 milliards d'euros, l'enjeu consistera à préserver son organisation tout en simplifiant un organigramme particulièrement complexe dominé par l'Etat via le CEA, qui détient 79% du capital et 83% des droits de vote de la société. Bouygues de son côté va chercher à devenir un actionnaire de référence de la nouvelle structure, au moins en apportant sa part d'Alstom, au mieux en se substituant partiellement à l'Etat si celui-ci venait à réduire sa part au capital.
Ménage à quatre ?
Il faudra également trouver une place à Siemens, selon les voeux d'Angela Merkel. Il sera difficile politiquement de laisser le groupe allemand de côté, d'autant que le contentieux entre Paris et Berlin sur les questions industrielles est long à résorber, comme l'a démontré la difficile négociation sur l'avenir d'EADS. Siemens n'a pas oublié non plus le sauvetage de son grand concurrent Alstom piloté par Bercy en 2001-2002. Les analystes financiers ont évoqué une forme de statu quo maintenant le groupe d'outre-Rhin au sein de l'entité qui comprendra Areva NP. Pour ménager Siemens, puisque l'opération envisagée ne consisterait ni plus ni moins qu'à faire entrer le rival dans la future structure, le quotidien Les Echos laisse entendre que des alliances pourraient être trouvées entre les deux concurrents dans le domaine ferroviaire.
Si l'on reste au stade de l'économie-fiction, avec une part non-négligeable de politique, le processus de recomposition du paysage industriel français semble bel et bien se poursuivre. Il y a quelques semaines, les marchés ne donnaient pas bien cher de la fusion entre Gaz de France et Suez. Elle sera finalement conclue. Après l'aval du secteur énergétique français et européen, l'amont pourrait connaître semblable bouleversement dans les semaines à venir...
Commentaire