Salut les zamis,
Question : Pourquoi n'observe t'on pas les manifestation quantiques à l'échelle macroscopique ? pourtant, les objets macroscopiques, une balle de tenis ou une voiture, sont constitués d'objets microscopiques qui obéissent à la mécanique quantique ! Où se situe la limite entre classique quantique ? pourquoi une balle de tenis ne passe jamais à travers le filet de la raquette ? et pourquoi le fameux chat de Schrodinger est toujours soit vivant soit mort ?
Une réponse est apportée par ce qu'on appelle la théorie de la décohérence quantique. Introduite par Heinz Dieter Zeh en 1970, elle apporte un éclairage sur le problème de la mesure en MQ et a reçu récemment ses premières confirmations expérimentales. Ci dessous une expérience réalisée en 96 qui vient appuyé cette théorie.
Du monde quantique au monde macroscopique : la décohérence prise sur le fait
Les superpositions d'états de la mécanique quantique extrapolées à l'échelle macroscopique conduisent à des absurdités telles que le célèbre " chat de Schrödinger ", à la fois mort et vivant. L'interaction des systèmes macroscopiques avec leur environnement " brouille " très rapidement les superpositions, d'autant plus vite que le système est plus " grand ". La plupart du temps, nous n'observons que le résultat final de cette " décohérence ". L'équipe de Serge Haroche, Jean-Michel Raimond et Michel Brune, du Laboratoire Kastler Brossel (CNRS-Ecole normale supérieure-Université Pierre et Marie Curie) vient de prendre sur le fait, pour la première fois, la décohérence. Avec des atomes et des cavités bien particuliers, ils ont pu réaliser une superposition quantique mésoscopique et étudier, en temps réel, son brouillage. Cette expérience nous aide à comprendre pourquoi les aspects les moins intuitifs de la mécanique quantique ne se manifestent pas à notre échelle.
Un des aspects les plus intriguants de la mécanique quantique est sans doute l'existence de superpositions d'états. L'état quantique contient toute l'information sur un système. Il décrit, par exemple, un atome préparé dans un niveau d'énergie bien défini ou un électron localisé à une certaine position dans l'espace. La mécanique quantique est une théorie linéaire. Cela signifie que toute somme (toute combinaison linéaire) d'états possibles est aussi un état possible. Un état quantique peut donc décrire un atome qui est à la fois dans deux niveaux d'énergie, un électron qui est localisé à la fois en deux positions distinctes. L'existence de ces " états superposition " apparaît clairement dans les interférences quantiques, très similaires aux interférences observées en optique ou en acoustique. Dans l'expérience des " fentes d'Young ", réalisée depuis peu avec des atomes, l'atome " suit " en fait simultanément deux chemins dans l'appareil, entre source et détection, et la probabilité de le détecter à tel endroit ou tel autre révèle cette " superposition ".
Aussi étranges que nous paraissent les superpositions quantiques, elles sont nécessaires pour comprendre le monde microscopique. En revanche, imaginer leur extension au monde macroscopique conduit souvent à des absurdités. Schrödinger imagina ainsi un chat " préparé " dans une superposition quantique de deux états, le décrivant respectivement vivant et mort. Si la mécanique quantique autorise, en principe, des chats vivants et morts, nous savons bien que le monde ne tolère, à notre échelle, que des chats vivants ou morts. Il existe donc un mécanisme excluant ces superpositions.
Si l'image du " chat de Schrödinger " ne doit être prise que comme une métaphore des superpositions quantiques, celles-ci jouent un rôle essentiel dans la mesure quantique. Une mesure est une transcription à l'échelle macroscopique (la position d'une aiguille...) de l'état d'un système quantique. Si des superpositions quantiques macroscopiques pouvaient exister, on devrait observer l'aiguille de nos appareils de mesure pointant à la fois dans toutes les directions correspondant à tous les résultats possibles, ce qui n'est bien sûr jamais le cas.
Les modèles de " décohérence " permettent d'expliquer, dans des cas simples, l'absence de superpositions macroscopiques. Si un petit système (un seul atome) peut être bien isolé de son environnement, il n'en est pas de même pour un système macroscopique. Une aiguille (un chat) est très fortement couplé e à l'univers, par toutes sortes de mécanismes de friction. Ces interactions introduisent un " bruit " qui " brouille " les superpositions quantiques. L'alternative quantique (vivant et mort) se transforme très rapidement en une alternative classique (vivant ou mort). Cette transformation, la décohérence, s'effectue d'autant plus vite que la " distance " entre les états de la superposition est plus grande. Pour des systèmes microscopiques, la cohérence quantique peut " vivre " aussi longtemps que le système lui-même. Pour des systèmes macroscopiques, le temps de décohérence est si court que l'on ne peut observer que le produit final : un chat vivant ou mort, une aiguille dans une position ou une autre. Observer la décohérence, le glissement progressif d'une superposition quantique à un mélange statistique, impose des contraintes expérimentales très fortes. Il faut réaliser l'analogue d'un appareil de mesure avec une " aiguille " très bien isolée de l'environnement, suffisamment macroscopique pour que la décohérence se produise, et suffisamment petite pour qu'elle soit mesurable.
L'équipe de Serge Haroche, Jean-Michel Raimond et Michel Brune, du Laboratoire Kastler Brossel (LKB), a réussi pour la première fois à prendre la décohérence sur le fait en perfectionnant un dispositif déjà utilisé pour obtenir une preuve très directe de la quantification du champ (1). Ils ont " mesuré " l'état d'un système quantique, un atome préparé dans une superposition de deux niveaux d'énergie, avec une aiguille mésoscopique. Il s'agit d'un champ micro-onde, contenant quelques photons seulement, stocké dans une cavité supraconductrice de très haute qualité. La phase du champ joue le rôle de la direction de l'aiguille (modifier la phase d'un champ c'est modifier les instants auquel il prend sa valeur maximale), l'amplitude du champ, le nombre de photons jouant celui de la longueur de l'aiguille. L'équipe du LKB utilise des atomes très particuliers. Ces atomes sont portés dans des " niveaux de Rydberg circulaires " de très grande durée de vie et si fortement couplés au champ qu'un seul atome présente un indice de réfraction suffisant pour modifier de façon appréciable la fréquence de la cavité. Un atome la traversant modifie donc la phase du champ d'une quantité qui prend des valeurs opposées pour les deux niveaux mis en jeu. La " direction " finale de la phase " indique " l'état de l'atome, réalisant un modèle idéal de mesure quantique. Après cette mesure, l'" aiguille " doit pointer à la fois dans les deux directions possibles. Très rapidement, cette superposition quantique évolue, sous l'influence de l'absorption inévitable du champ dans les miroirs de la cavité, vers une superposition classique (une direction ou l'autre). En sondant la position de l'aiguille avec un second atome introduit dans la cavité, l'équipe du LKB a observé la disparition progressive de la superposition quantique. Le temps de décohérence est d'autant plus court que le champ est plus grand (que l'aiguille est plus longue) ou que la séparation entre les deux phases est plus grande. Les résultats expérimentaux sont en excellent accord avec les modèles théoriques.
Cette expérience, qui permet de comprendre comment et pourquoi une superposition quantique ne peut survivre à l'échelle macroscopique, constitue une première exploration de la frontière floue entre le monde quantique et le monde classique. Elle devrait être suivie d'autres incursions, de plus en plus profondes, dans le domaine mésoscopique, avec des tests de plus en plus sévères des modèle de décohérence.
Note
(1) cf. CNRS Info 325, 15 Juin 1996
Référence :
M. Brune, E. Hagley, J. Dreyer, X. Maître, A. Maali, C. Wunderlich, J.M. Raimond et S. Haroche : " Observing the progressive decoherence of the meter in a quantum measurement ", Phys. Rev. Lett. Sous presse (1996).
Question : Pourquoi n'observe t'on pas les manifestation quantiques à l'échelle macroscopique ? pourtant, les objets macroscopiques, une balle de tenis ou une voiture, sont constitués d'objets microscopiques qui obéissent à la mécanique quantique ! Où se situe la limite entre classique quantique ? pourquoi une balle de tenis ne passe jamais à travers le filet de la raquette ? et pourquoi le fameux chat de Schrodinger est toujours soit vivant soit mort ?
Une réponse est apportée par ce qu'on appelle la théorie de la décohérence quantique. Introduite par Heinz Dieter Zeh en 1970, elle apporte un éclairage sur le problème de la mesure en MQ et a reçu récemment ses premières confirmations expérimentales. Ci dessous une expérience réalisée en 96 qui vient appuyé cette théorie.
Du monde quantique au monde macroscopique : la décohérence prise sur le fait
Les superpositions d'états de la mécanique quantique extrapolées à l'échelle macroscopique conduisent à des absurdités telles que le célèbre " chat de Schrödinger ", à la fois mort et vivant. L'interaction des systèmes macroscopiques avec leur environnement " brouille " très rapidement les superpositions, d'autant plus vite que le système est plus " grand ". La plupart du temps, nous n'observons que le résultat final de cette " décohérence ". L'équipe de Serge Haroche, Jean-Michel Raimond et Michel Brune, du Laboratoire Kastler Brossel (CNRS-Ecole normale supérieure-Université Pierre et Marie Curie) vient de prendre sur le fait, pour la première fois, la décohérence. Avec des atomes et des cavités bien particuliers, ils ont pu réaliser une superposition quantique mésoscopique et étudier, en temps réel, son brouillage. Cette expérience nous aide à comprendre pourquoi les aspects les moins intuitifs de la mécanique quantique ne se manifestent pas à notre échelle.
Un des aspects les plus intriguants de la mécanique quantique est sans doute l'existence de superpositions d'états. L'état quantique contient toute l'information sur un système. Il décrit, par exemple, un atome préparé dans un niveau d'énergie bien défini ou un électron localisé à une certaine position dans l'espace. La mécanique quantique est une théorie linéaire. Cela signifie que toute somme (toute combinaison linéaire) d'états possibles est aussi un état possible. Un état quantique peut donc décrire un atome qui est à la fois dans deux niveaux d'énergie, un électron qui est localisé à la fois en deux positions distinctes. L'existence de ces " états superposition " apparaît clairement dans les interférences quantiques, très similaires aux interférences observées en optique ou en acoustique. Dans l'expérience des " fentes d'Young ", réalisée depuis peu avec des atomes, l'atome " suit " en fait simultanément deux chemins dans l'appareil, entre source et détection, et la probabilité de le détecter à tel endroit ou tel autre révèle cette " superposition ".
Aussi étranges que nous paraissent les superpositions quantiques, elles sont nécessaires pour comprendre le monde microscopique. En revanche, imaginer leur extension au monde macroscopique conduit souvent à des absurdités. Schrödinger imagina ainsi un chat " préparé " dans une superposition quantique de deux états, le décrivant respectivement vivant et mort. Si la mécanique quantique autorise, en principe, des chats vivants et morts, nous savons bien que le monde ne tolère, à notre échelle, que des chats vivants ou morts. Il existe donc un mécanisme excluant ces superpositions.
Si l'image du " chat de Schrödinger " ne doit être prise que comme une métaphore des superpositions quantiques, celles-ci jouent un rôle essentiel dans la mesure quantique. Une mesure est une transcription à l'échelle macroscopique (la position d'une aiguille...) de l'état d'un système quantique. Si des superpositions quantiques macroscopiques pouvaient exister, on devrait observer l'aiguille de nos appareils de mesure pointant à la fois dans toutes les directions correspondant à tous les résultats possibles, ce qui n'est bien sûr jamais le cas.
Les modèles de " décohérence " permettent d'expliquer, dans des cas simples, l'absence de superpositions macroscopiques. Si un petit système (un seul atome) peut être bien isolé de son environnement, il n'en est pas de même pour un système macroscopique. Une aiguille (un chat) est très fortement couplé e à l'univers, par toutes sortes de mécanismes de friction. Ces interactions introduisent un " bruit " qui " brouille " les superpositions quantiques. L'alternative quantique (vivant et mort) se transforme très rapidement en une alternative classique (vivant ou mort). Cette transformation, la décohérence, s'effectue d'autant plus vite que la " distance " entre les états de la superposition est plus grande. Pour des systèmes microscopiques, la cohérence quantique peut " vivre " aussi longtemps que le système lui-même. Pour des systèmes macroscopiques, le temps de décohérence est si court que l'on ne peut observer que le produit final : un chat vivant ou mort, une aiguille dans une position ou une autre. Observer la décohérence, le glissement progressif d'une superposition quantique à un mélange statistique, impose des contraintes expérimentales très fortes. Il faut réaliser l'analogue d'un appareil de mesure avec une " aiguille " très bien isolée de l'environnement, suffisamment macroscopique pour que la décohérence se produise, et suffisamment petite pour qu'elle soit mesurable.
L'équipe de Serge Haroche, Jean-Michel Raimond et Michel Brune, du Laboratoire Kastler Brossel (LKB), a réussi pour la première fois à prendre la décohérence sur le fait en perfectionnant un dispositif déjà utilisé pour obtenir une preuve très directe de la quantification du champ (1). Ils ont " mesuré " l'état d'un système quantique, un atome préparé dans une superposition de deux niveaux d'énergie, avec une aiguille mésoscopique. Il s'agit d'un champ micro-onde, contenant quelques photons seulement, stocké dans une cavité supraconductrice de très haute qualité. La phase du champ joue le rôle de la direction de l'aiguille (modifier la phase d'un champ c'est modifier les instants auquel il prend sa valeur maximale), l'amplitude du champ, le nombre de photons jouant celui de la longueur de l'aiguille. L'équipe du LKB utilise des atomes très particuliers. Ces atomes sont portés dans des " niveaux de Rydberg circulaires " de très grande durée de vie et si fortement couplés au champ qu'un seul atome présente un indice de réfraction suffisant pour modifier de façon appréciable la fréquence de la cavité. Un atome la traversant modifie donc la phase du champ d'une quantité qui prend des valeurs opposées pour les deux niveaux mis en jeu. La " direction " finale de la phase " indique " l'état de l'atome, réalisant un modèle idéal de mesure quantique. Après cette mesure, l'" aiguille " doit pointer à la fois dans les deux directions possibles. Très rapidement, cette superposition quantique évolue, sous l'influence de l'absorption inévitable du champ dans les miroirs de la cavité, vers une superposition classique (une direction ou l'autre). En sondant la position de l'aiguille avec un second atome introduit dans la cavité, l'équipe du LKB a observé la disparition progressive de la superposition quantique. Le temps de décohérence est d'autant plus court que le champ est plus grand (que l'aiguille est plus longue) ou que la séparation entre les deux phases est plus grande. Les résultats expérimentaux sont en excellent accord avec les modèles théoriques.
Cette expérience, qui permet de comprendre comment et pourquoi une superposition quantique ne peut survivre à l'échelle macroscopique, constitue une première exploration de la frontière floue entre le monde quantique et le monde classique. Elle devrait être suivie d'autres incursions, de plus en plus profondes, dans le domaine mésoscopique, avec des tests de plus en plus sévères des modèle de décohérence.
Note
(1) cf. CNRS Info 325, 15 Juin 1996
Référence :
M. Brune, E. Hagley, J. Dreyer, X. Maître, A. Maali, C. Wunderlich, J.M. Raimond et S. Haroche : " Observing the progressive decoherence of the meter in a quantum measurement ", Phys. Rev. Lett. Sous presse (1996).
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