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L'état fait le forcing contre la presse

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  • L'état fait le forcing contre la presse

    L’Etat fait le forcing

    En deux semaines, deux avocats embrouillent la scène de la presse. Les deux sont membres du parti au pouvoir et sont soucieux de sa « réputaDtion, de son image et de celle de son président », qui est le chef de l’Etat ! Du coup, l’un d’entre eux, Al-Chechtawi, saisit le procureur général d’une plainte contre Ibrahim Issa, le rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Dostour et opposant virulent au régime. Il l’accuse de porter atteinte au président Moubarak en publiant des « rumeurs faisant état d’une dégradation de sa santé ». Parce que pendant plus d’une semaine, seules deux phrases s’échangeaient dans les rues et se sont reflétées dans la presse. « As-tu entendu la nouvelle ? », « Quoi ? », « Le président est malade ? ».

    Le second avocat avait agi le premier, mais les conséquences de son acte sont arrivées dix jours après la décision de déférer Issa à la justice. Abdel-Rassoul intente directement un procès et, fait inouï, contre quatre rédacteurs en chef à la fois : Adel Hammouda, Waël Al-Ibrachi, Abdel-Halim Qandil et Ibrahim Issa, de nouveau. L’affaire remonte à environ un an. L’avocat collecte une série d’articles et d’éditos publiés dans les quatre journaux indépendants. Des articles qui, selon lui, « nuisent à l’image du PND et aux symboles, notamment Gamal Moubarak, Ahmad Nazif et Zakariya Azmi ». « Gouvernement de voleurs », avait titré Al-Fagr de Adel Hammouda. Dimanche, il a reproduit le même article qui, en effet, accuse le gouvernement d’avoir collecté des dons pour les victimes de l’incendie du train de la Haute-Egypte, sans donner cet argent à qui de droit. Paradoxalement, le gouvernement visé était celui de Atef Ebeid, le prédécesseur de Nazif. Waël Al-Ibrachi avait titré dans Sawt Al-Oumma : « L’Egypte est humiliée sur le plan extérieur et effondrée sur le plan intérieur ».

    Sans trop s’attarder sur les contenus des articles ni sur le profil des plaignants, des interrogations se posent bien sûr sur le bien-fondé juridique et politique. La critique est confondue avec diffamation et les interrogations s’identifient aux mensonges. Dans les deux cas, le chef d’accusation est basé sur l’article 188 du code pénal, relatif aux fausses informations. « Celui qui publie des informations ou déclarations ou rumeurs susceptibles de susciter la peur entre les gens et de nuire à l’intérêt général est passible d’une peine de prison et d’une amende ». Les quatre rédacteurs en chef sont ainsi condamnés à un an de prison et à 20 000 livres égyptiennes d’amendes, mais les choses pourraient changer vers la fin de l’année, puisque les accusés ont décidé de faire appel.

    Le changement ne serait pas celui de la loi, mais de la volonté politique probablement. Car en dépit de la réforme du Code pénal, l’an dernier, des articles relatifs à la publication, les journalistes et même le citoyen ordinaire publiant dans la presse sont passibles d’une peine de prison dans 16 cas. Le plus important est celui de « l’offense au chef de l’Etat », l’accusé pourrait même être placé en détention provisoire pour une durée indéterminée et la plus sarcastique est celle d’offense contre un chef d’Etat étranger !! Mais la peine liée à l’article 188 est la plus courante après l’annulation de la peine de prison dans les affaires de diffamation. « Au cours des 20 dernières années, le régime a eu recours à cette charge dans environ 90 % des affaires avec la presse, explique l’avocat et ancien syndicaliste, Ragaï Al-Merghani. En une seule année, 1998, cinq journalistes ont été condamnés à la prison. Et entre 1996 et 1998, 16 jugements de condamnation à la prison avec sursis ont été prononcés contre les journalistes.

    C’était le cas tout au long de l’histoire de la presse en Egypte. Le pouvoir a partout tenté de dominer la presse. En 1981, c’était la répression de la presse d’opposition née dans le multipartisme des années 1970 sous Sadate. Résultat : plus de 1 500 personnes en taule, en grande majorité des intellectuels, écrivains et journalistes. « Aujourd’hui, c’est le tour de la presse indépendante », affirme Gamal Fahmi, journaliste à l’hebdomadaire nassérien Al-Arabi et membre du conseil du syndicat. Lui-même a fait un an de prison pour diffamation contre l’écrivain Sarwat Abaza.

    Les deux procès ont été intentés par des membres du parti au pouvoir mais curieusement, ni le parti ni le gouvernement ne se sont prononcés sur l’affaire. Ils ne l’ont ni approuvé et soutenu ni dénoncé. Même les trois personnes, dont les noms ont figuré dans le jugement, n’ont pris position. Ceci voudrait peut-être dire que le PND est implicitement d’accord. « Il est précipité de mettre en place des scénarios relatifs à l’avenir du pays. Pour ce, il cherche à éliminer ou neutraliser cette presse indépendante qui dévoile les desseins secrets du régime », dit Al-Ibrachi. Une première hypothèse.

    L’autre hypothèse est qu’une seule branche du PND serait derrière cette mobilisation contre la presse. « Une branche peu intelligente et qui préfère des solutions radicales. Elle pense qu’en allant dans ce bras de fer contre les journalistes, le gouvernement finira par l’emporter. Elle n’aurait pas imaginé une conséquence aussi scandaleuse », précise Al-Ibrachi. Elle serait où donc l’autre branche « plus intelligente » ou « plus modérée » au sein du parti au pouvoir ? Mais le parti au pouvoir n’est-il pas, de façon générale, contre toute liberté d’expression, comme l’accuse l’opposition ? « C’est surtout parce que le régime se sent peu crédible aux yeux de la population au moment où cette presse indépendante gagne du terrain et notamment de crédibilité », précise Merghani. Le gouvernement se réfère à des lois datant de 1937 et à des techniques archaïques pour faire taire toute opposition ou critique. Il marque un record pourtant avec la condamnation de quatre rédacteurs en chef à la fois. Le tout se déroule dans une parfaite confusion. Preuve en est que les condamnés sont jusqu’à ce jour incapables d’obtenir une copie des attendus du jugement, alors que ceux-ci ont été publiés dans la presse gouvernementale : 2/3 de page pour Al-Ahram et 1/3 pour Al-Akhbar et Al-Gomhouriya. « Probablement, ils sont en train de l’amender car ils se sont rendu compte de leur bavure, juridique même, mais trop tard », estime Hamdine Sabbahi, député et rédacteur en chef actuel du journal Al-Karama.

    Un dossier en voie de pourrissement ?

    Mais même le gouvernement aurait des lignes rouges qu’il ne pourrait pas franchir, simplement car la société a beaucoup changé, la relation entre le régime et l’autre aussi. Les journalistes les plus estimés pensent que le pouvoir qui a opté pour la répression avec les Frères musulmans, avec le parti Al-Ghad et avec le mouvement Kéfaya, ne fera pas de même avec la presse. Les faits démontrent le contraire et l’Etat est loin de lâcher du lest. Deux semaines après la condamnation des rédacteurs en chef, un autre jugement aussi choquant a jeté de l’huile sur le feu. Trois journalistes, dont le rédacteur en chef du quotidien Al-Wafd, viennent d’être condamnés à deux ans de prison ferme et à une amende de 200 livres égyptiennes pour avoir « porté atteinte au prestige de la justice et du ministère de la Justice ».

    En janvier dernier, Al-Wafd avait repris des propos du ministre de la Justice, Mamdouh Maréï, devant le Conseil consultatif. Selon le journal, le ministre avait estimé que 90 % des juges égyptiens n’étaient pas à la hauteur de leur tâche, ce qu’avait aussitôt démenti M. Maréï.
    Onze avocats ont alors porté plainte contre les trois journalistes, estimant que les articles incriminés comportaient des informations mensongères portant atteinte à la justice, et par conséquent nuisaient à leur image et à leurs intérêts. La peine n’est pas exécutoire et les journalistes peuvent faire appel. Anwar Al-Hawari, le rédacteur en chef du quotidien, estime qu’une « offensive contre la liberté de la presse » est lancée. Aucune équivoque.

    Mais de quelle presse parle-t-on ? En chiffres, le pays compte 16 quotidiens et 500 hebdomadaires et mensuels. On dirait désormais qu’il y a deux presses en Egypte, peut-être trois aussi. Des journaux indépendants et jeunes qui gagnent chaque jour un peu plus de terrain et réussissent à créer une presse différente de ce que connaissaient les Egyptiens depuis des années. Ses partisans veulent forcer le gouvernement à s’adapter aux nouvelles règles de la liberté et pour ce, ils peuvent aller jusqu’au bout avec le régime et avec une autre presse pro-gouvernementale qualifiée de « corrompue ». Cette dernière a aussi ses objectifs : elle ne veut pas de ces journalistes qui font fausse note, « sèment la zizanie et menacent l’intérêt national ». Elle aussi est prête à aller jusqu’au bout et ne voit aucune gêne à la condamnation en prison de l’un ou l’autre des journalistes. Et entre les deux, oscillent une presse assez traditionnelle mais loin d’être gouvernementale, des journaux des partis d’opposition qui ont l’habitude de critiquer le gouvernement et non pas le régime et avec un ton moins fort que les jeunes journaux, à eux s’ajoutent quelques journaux indépendants comme Al-Osboue. Ceux-ci pratiquent le compromis, ne voulant pas être taxés de pro-gouvernementaux ni non plus s’allier aux journaux trop contestataires.

    Résultat : une fissure difficile à combler dans les rangs de la presse. Elle est fort notable à chaque fois que la presse est en crise. Les disputes ne se cachent pas et les querelles se déroulent au vu de tout le monde, derrière les portes fermées et même dans les couloirs du syndicat (lire page 5). De quoi devenir une cible facile. Mais au fond, personne ne veut aller trop loin. Même les opposants les plus virulents envers le régime ont fini par accepter de négocier avec le gouvernement.

    Samar Al-Gamal
    Dernière modification par jawzia, 29 septembre 2007, 17h28.

  • #2
    Quand on instrumentalise la justice il ne reste qu'a faire son paquetage quand on est opposant

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