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    L'acte culturel... entre l'envolée lyrique et le bide

    par Farouk Zahi

    (Le Quotidien d'Oran)


    L'on aura remarqué en ces soirées ramadanesques, que l'Entreprise nationale de télédiffusion (ENTV), a développé une débauche d'énergie, pour satisfaire à tous les goûts. Des sketchs maison, au drame social, aux pièges de la caméra cachée, tout y passe. A propos de cette dernière, deux versions se partagent nos émotions. Si pour la première, il n'y a rien de nouveau, qui soit venu la sortir des sentiers battus, pour la deuxième par contre, il y a, à en redire. Il semble à première vue, qu'il n'y ait pas de trame fictionnelle ; le travail de préparation étriqué, ne va pas plus loin, que l'amusement des acteurs eux-mêmes. Le plateau est « bondé » par des éléments dont certains, n'ont rien à y faire, sauf que de remplir l'espace scénique. Cela rappelle étrangement, les travaux à haute intensité de main-d'oeuvre (THIMO), du dispositif du filet social. Les pièges de mauvais goûts déjà, exposent le « piègé » à de réels risques d'effondrement psychologique. Qu'on en juge, un jeune homme à qui on offre une boisson, assiste à un simulacre, où son voisin de table pris de malaise, après avoir pris le même breuvage, s'effondre raide mort. On pousse le cynisme jusqu'à lui faire admettre, que cette regrettable méprise, était le fait du gardien des lieux, qui s'est trompé de contenant et qu'il s'agit bel et bien d'un mortel poison. La comédie ne s'arrêtera pas en si bon chemin, on ridiculise le sujet en lui faisant faire des mouvements de pantomime, pour faire évacuer le toxique affirmait-on. Le jeune homme blême, entamait la « Chahada » et suppliait ses tortionnaires de l'emmener vite, chez ses parents pour un dernier « à Dieu » !

    Que faut-il en penser ? Le terrorisme n'est pas exclusivement armé, il peut s'exercer de différentes manières, dont celle-ci ! De par sa situation plus tragique que comique, ce jeune homme en était victime !

    Là n'était pas l'objet principal de ma contribution. Je voulais en première intention, m'exprimer sur l'émission « Alhan ou chabab ». Ressuscitée après plus d'une vingtaine d'années, c'est un véritable zombi qu'on vient d'exhumer. L'abîme abyssal, qui s'est creusé entre l'émission originale de la pétillante Leila et du défunt Mooti Bachir et le remake que nous subissons actuellement, est insondable. A cette époque dite révolue, une authentique chanson algérienne naissait et livrait une playade de futurs artistes ; des Boukhentach au Yousfi Tewfiq et de Nadia Benyoucef à Nardjes et autres, aussi fameux les uns que les autres.

    Je ne passerai pas sous silence, les images des coulisses. L'arrivée du bus Pullman ramenant l'équipe technique de « Sendouk ladjeb », est reçue en grande pompe cérémoniale. La naïveté des cavaliers et de « s'hab el baroud » n'a d'égale que cet air de conquérants, qu'affichent à leur descente du bus, nos hommes et femmes de la Télévision. Ah... pouvoir télévisuel quand tu nous tiens !

    Aux premières images de l'émission, la stupéfaction première, est ce gommage de la spécifité régionale. Il n' y a que le ton de la peau, qui pouvait renseigner sur l'origine des concurrents. L'accoutrement bigarré, le khimar sur le tee-shirt, le jean moulant et les couleurs incongrues, n'était pas fait pour rasséréner l'esprit. Tout cela peut être mis sur le compte de l'excentricité juvénile, admettons ! L'envers du décor conforte la déprime. La salle vide et la triplette du jury, les sourcils froncés, font croire que l'on est en face d'un tribunal révolutionnaire. Le jugement est expéditif et pour cause, il semble à première vue, que l'on ait veillé à donner « sa chance » à tout le monde. Mais ce que l'on oublie, c'est que la mansuétude vis-à-vis de ces jeunes, ne les sert pas toujours. Ils sont soumis à l'humiliation sarcastique et dédaigneuse de tout bord. Il s'est trouvé des moments où le docte jury, se fondait la poire.

    La déprime n'est pas en fait due au seul burlesque de quelques séquences et au kaléidoscope vestimentaire, mais accentuée par cette « machrikisation » du langage lyrique. La télévision satellitaire, a inoxérablement fait son oeuvre sur une jeunesse, livrée à toutes les contingences culturelles. Il manque à l'évidence, des espaces d'expression lyrique et artistique, où ces jeunes pourraient se faire les dents. La défunte émission « Baina Athanaouiate » (Inter-lycées), consacrée les lundis après-midi, que n'avait-elle pas fait découvrir de jeunes talents ? Rappelons-nous, le ballet de Sétif ou la troupe polyphonique de Hassiba Ben Bouali de Kouba. L'on me dira alors, faut-il vivre toujours sur son passé ou aller de l'avant. Oui, tout à fait juste, mais la nostalgie n'est-t-elle pas plus tenace, lorsque le passé a plus de reflets luminescents que le présent ? Elle nous tient dans ce cas, et par le bon bout ! Quittons vite le mur des lamentations et regardons l'avenir.

    Dans son dernier point de presse, notre flamboyante ministre de la Culture, annonçait avec fierté, à juste titre d'ailleurs, que le Conseil du gouvernement venait d'approuver les plans directeurs du secteur, aux échéances de 2009 et 2014. Remportée certainement de haute lutte, cette victoire ne doit pas constituer, une fin en soi ! Il est impératif, de faire accompagner ce plan « Marshall culturel » par un programme intérimaire de relance de l'action culturelle. Le ronronnement actuel fait que, ces activités sont confiées à la commission culturelle de l'Assemblée populaire communale. Il est vrai que certaines collectivités sont collées à cette noble mission, d'autres par contre, en font un simple divertissement d'ordre facultatif. Un proverbe arabe ne dit-il pas : « fakidou achay la ou'tih » ? (De qui, n'a pas la chose, ne peut la donner).

    Parce que, il ne s'agira plus d'activités conjoncturelles, mais d'une action soutenue en direction de l'école, du quartier, du village. Que de murs aveugles n'attendent-ils pas des artistes en herbe, pour leur rendre la lumière ? Invoquer et de manière récurrente l'absence de moyens, n'est certainement pas fait pour se désengluer, de cette apathie ambiante. Nos anciens villages coloniaux ne disposaient que de simples kiosques à musique. Quant au terroir, il n'était pas en reste, son marché hebdomadaire montait son spectacle, avec le médah muni d'une viole ou d'un galal. Les défunts Hassan El Hassani et sa troupe montaient des pièces dans les fermes agricoles... sur des remorques de tracteur et Abdelhamid Ababssa, transbahutait son piano de ville en village. Sauvons ce qui peut l'être encore. Le lancement du bibliobus est certainement une option généreuse, mais ne peut répondre qu'au postulat de savoir lire. Le ciné-bus est un axe majeur à développer, surtout dans les zones dites rurales, où l'illettrisme n'est pas encore éradiqué. Le film « La Bataille d'Alger » de Yacef Saadi, n'a-t-il pas été, la meilleure première leçon d'histoire de la guerre de libération nationale ?

    Les stades communaux, dont le tissu national est relativement dense, peuvent suppléer à l'absence de structures culturelles, sachant que la climatologie clémente du pays, s'étale sur plusieurs mois de l'année, pour des spectacles à ciel ouvert. Dans le cadre de l'année arabe de la culture, les organisateurs ont été bien inspirés, en optant pour l'esplanade de Riadh El Feth. Ce qui démontre encore une fois de plus, que l'expression culturelle, n'a forcément pas besoin d'espace clos. Faut-il aussi éviter, les scories du standard, pour ne plus faire de formulation du genre : « une annexe de la bibliothèque nationale par wilaya ». Cette circonscription administrative, ne doit plus service à l'étalonnage des services. Il serait plus pertinent de planifier selon l'indicateur démographique, qui ne peut être qu'équitable. La gradation serait en rapport avec l'importance du bassin de population à couvrir ; ceci est valable pour tous les segments de l'activité nationale. Aussi serait-il temps de réhabiliter la ville, en lui restituant ses attributs culturels. Une multitude de salles de cinéma, qui jadis vendaient du rêve aux parents, ne le font plus pour les enfants. Les salles obscures geignent sous un silence mortifère.
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