Vitrines et intérieurs
Par : Mustapha Hammouche ( Liberté)
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C’est étonnant comme on se bouscule autour du projet de grande mosquée d’Alger ! Dix-sept bureaux d’architecture concourent à la conception de l’édifice. En attendant l’entrée en lice des constructeurs.
L’engouement contraste avec le dédain quasi universel opposé aux projets de centrale électrique de Témouchent et d’El-Tarf, par exemple. Opiniâtrement remis en jeu par la Sonelgaz, il arrive à peine à mobiliser deux prétendants.
Et ce n’est certainement pas seulement parce que le second projet exige une expertise technologique plus importante seulement qu’il a moins de succès. C’est plus parce qu’il est connu que les autocraties portent toujours plus d’attention aux ouvrages de prestige qu’aux réalisations de développement.
Celles-ci se noient dans le mouvement continu de construction d’un pays ; ceux-là se distinguent pour la postérité comme la marque de leur puissance et de l’esprit de leur règne. Le ministère des Affaires religieuses nous a récemment appris, avec une pointe de fierté, que l’Algérie a construit une mosquée par jour. Qu’importe donc si, trois ans après le début du plan quinquennal d’un million de logements, il n’en a été construit que trois cents quatre-vingts : depuis son indépendance, le pays vit dans l’angoisse de prouver — à qui ? — qu’il est arabe et musulman. Il passe son temps à s’excuser d’avoir pu chasser Massu et Aussaresses sans avoir complètement refoulé Voltaire et Descartes. À coups d’arabisation totale, d’année de la culture arabe, de démonstrations de piété et de traque des occidentalisés, de francophiles et d’assimilationnistes.
La guerre contre le colonisateur finie, elle poursuit une guerre contre elle-même, pour se décoloniser d’elle-même. Elle en oublie alors que la décolonisation, c’est le développement et investit plus dans les symboles que dans les infrastructures.
Les opérateurs, locaux comme étrangers, semblent l’avoir compris et répondent avec attention à nos besoins d’affirmation. Ils savent qu’incapables de concevoir et de respecter un calendrier de développement, nous voulons tout de même en mettre plein la vue, surtout quand nous avons les dollars qu’il faut pour cela.
La préséance de la vitrine sur l’intérieur se répercute dans la vie quotidienne du citoyen.
De futures dentistes, pharmaciennes et médecins, logées en résidence à Dergana dans la banlieue d’Alger, se démènent pour dénoncer l’inhospitalité de leurs conditions de logement. Pour montrer que leur détresse n’est pas une fatalité, elles comparent leur cadre de vie avec celui d’une autre cité de jeunes filles à Alger, restaurée pour les besoins de ces Jeux. Elles sont 2 000 à avoir vocation à se consacrer à la santé de la prochaine génération, mais à vivre et à travailler, pour le moment, dans des cités universitaires simplement insalubres.
Le reportage photographique qui accompagne leur SOS montre des images d’une cité blanchie et soignée et des spectacles qui écœurent du camp de Dergana : le plafond de la bibliothèque menace ruine, les murs et voûtes des couloirs sont délabrés, les tuyauteries sont apparentes et corrodées dans les sanitaires et d’autres insoutenables tableaux.
C’est cela l’effet tragique de la démarche extravertie de prestige ; à force de vouloir s’attirer l’estime des autres, on oublie de voir sa réelle condition.
L’engouement contraste avec le dédain quasi universel opposé aux projets de centrale électrique de Témouchent et d’El-Tarf, par exemple. Opiniâtrement remis en jeu par la Sonelgaz, il arrive à peine à mobiliser deux prétendants.
Et ce n’est certainement pas seulement parce que le second projet exige une expertise technologique plus importante seulement qu’il a moins de succès. C’est plus parce qu’il est connu que les autocraties portent toujours plus d’attention aux ouvrages de prestige qu’aux réalisations de développement.
Celles-ci se noient dans le mouvement continu de construction d’un pays ; ceux-là se distinguent pour la postérité comme la marque de leur puissance et de l’esprit de leur règne. Le ministère des Affaires religieuses nous a récemment appris, avec une pointe de fierté, que l’Algérie a construit une mosquée par jour. Qu’importe donc si, trois ans après le début du plan quinquennal d’un million de logements, il n’en a été construit que trois cents quatre-vingts : depuis son indépendance, le pays vit dans l’angoisse de prouver — à qui ? — qu’il est arabe et musulman. Il passe son temps à s’excuser d’avoir pu chasser Massu et Aussaresses sans avoir complètement refoulé Voltaire et Descartes. À coups d’arabisation totale, d’année de la culture arabe, de démonstrations de piété et de traque des occidentalisés, de francophiles et d’assimilationnistes.
La guerre contre le colonisateur finie, elle poursuit une guerre contre elle-même, pour se décoloniser d’elle-même. Elle en oublie alors que la décolonisation, c’est le développement et investit plus dans les symboles que dans les infrastructures.
Les opérateurs, locaux comme étrangers, semblent l’avoir compris et répondent avec attention à nos besoins d’affirmation. Ils savent qu’incapables de concevoir et de respecter un calendrier de développement, nous voulons tout de même en mettre plein la vue, surtout quand nous avons les dollars qu’il faut pour cela.
La préséance de la vitrine sur l’intérieur se répercute dans la vie quotidienne du citoyen.
De futures dentistes, pharmaciennes et médecins, logées en résidence à Dergana dans la banlieue d’Alger, se démènent pour dénoncer l’inhospitalité de leurs conditions de logement. Pour montrer que leur détresse n’est pas une fatalité, elles comparent leur cadre de vie avec celui d’une autre cité de jeunes filles à Alger, restaurée pour les besoins de ces Jeux. Elles sont 2 000 à avoir vocation à se consacrer à la santé de la prochaine génération, mais à vivre et à travailler, pour le moment, dans des cités universitaires simplement insalubres.
Le reportage photographique qui accompagne leur SOS montre des images d’une cité blanchie et soignée et des spectacles qui écœurent du camp de Dergana : le plafond de la bibliothèque menace ruine, les murs et voûtes des couloirs sont délabrés, les tuyauteries sont apparentes et corrodées dans les sanitaires et d’autres insoutenables tableaux.
C’est cela l’effet tragique de la démarche extravertie de prestige ; à force de vouloir s’attirer l’estime des autres, on oublie de voir sa réelle condition.
M. H.
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