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Yehya 10 ans, tué à l'obus de char israélien

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  • Yehya 10 ans, tué à l'obus de char israélien

    Sarah, Mahmoud et Yehya
    publié le dimanche 7 octobre 2007

    Yassmin Moor


    Ce mercredi après-midi-là, Yehya s’occupait de ses chèvres près de la maison quand il perdit leur trace. Quand il les aperçut reniflant de vieux lance-roquettes abandonnés, il alla les rechercher. Yehya suivit les chèvres, avec Mahmoud et Sarah derrière lui.Ils furent pris pour des « militants » par des soldats israéliens tapis dans des chars, qui firent feu.
    L’uniforme d’écolière de Sarah Abu Ghazal est encore étendu sur son lit, tel qu’elle l’avait laissé avant de courir rejoindre ses cousins Mahmoud et Yehya Abu Ghazal, le mercredi 29 août dernier. Elle devait rentrer en CM1 le 2 septembre, mais son amie Amani, qui était avec elle depuis le CP, fera le chemin de l’école seule cette année. La mère de Sarah venait de lui acheter l’uniforme bleu de l’école, un jean et des chaussures noires, la veille du jour où elle fut tuée par le tir d’un char israélien. Elle avait attendu le dernier moment pour acheter les fournitures de Sarah parce qu’elle attendait le salaire de son mari, qui n’avait pas été payé depuis juin. Toujours pleine de vie, Sarah préparait ses affaires pour la rentrée scolaire quand Yehya l’appela pour venir jouer dehors.


    Sarah, Mahmoud et Yehya
    N’ayant lui même pas de frères, Mahmoud, 10 ans, admirait Yehya et le suivait partout où il allait. Le jour de sa mort, il venait de dire à sa mère de ne rien lui acheter pour l’école avant que Yehya ne l’ait fait. Il lui fit promettre de n’acheter que ce que Yehya aurait acheté. Mahmoud fut tué en même temps que Yehya, et ils sont maintenant enterrés côte à côte.

    Issu d’une famille de 9 enfants, Yehya devait rentrer en 6ème cette année après s’être occupé des chèvres de la famille pendant une bonne partie de l’été. Issue d’une petite communauté bédouine basée près de la frontière nord de la bande de Gaza, près de Beit Hanoun et du passage d’Erez, la famille de Yehya a toujours subi de plein fouet les fréquentes invasions et attaques israéliennes dans la bande de Gaza. L’armée fait des incursions presque chaque semaine et généralement rase quelques zones, arrête des hommes puis se retire. Le père de Yehya a été arrêté en septembre 2006 et croupit toujours dans une prison israélienne en attendant d’être jugé ou inculpé. Après le retrait unilatéral israélien en 2005, la bande de Gaza apparaissait comme une zone libre, mais les chars israéliens pénétrèrent dans Gaza à 3h du matin, la maison familiale fut fouillée et le père et l’oncle de Yehya furent arrêtés.

    Selon sa mère, ce mercredi après-midi-là, Yehya s’occupait de ses chèvres près de la maison quand il perdit leur trace. Quand il les aperçut reniflant de vieux lance-roquettes abandonnés, il alla les rechercher. Yehya suivit les chèvres, avec Mahmoud et Sarah derrière lui. Ils furent pris pour des « militants » par des soldats israéliens tapis dans des chars, qui firent feu. Les garçons décédèrent immédiatement des suites de leurs blessures. Sarah mourut plus tard ce soir-là, seule à l’hôpital. Sa famille ne put arriver à temps pour la voir car son corps avait été transporté à l’hôpital de Beit Lahiya.

    L’armée israélienne déclara qu’elle avait « repéré et tiré sur plusieurs lance-roquettes dirigés vers Israël ». Selon la famille Abu Ghazal, aucune roquette n’avait été tirée depuis cet endroit dans les 9 derniers mois, et l’armée israélienne le savait. Quoiqu’il en soit, les chars étaient assez proches pour que les soldats puissent voir les enfants, et ils auraient également pu se fier à l’imposant drone de reconnaissance blanc qui survole constamment Beit Hanoun.

    Il était pratiquement impossible de trouver un chauffeur pour se rendre aux funérailles des enfants au nord de Beit Hanoun, au deuxième des trois jours de deuil - cela revenait à leur demander de conduire à travers un champ de tir. Beit Hanoun baigne dans une atmosphère différente du reste de la bande de Gaza. Les rues sont vides, jonchées de débris, d’arbres arrachés, des zones sont détruites et il ne reste presque plus rien du marché. Une terre jadis verte et agricole a été transformée en un no man’s land vide où personne n’ose se rendre. S’il y a un endroit à Gaza qui ressemble à une zone de guerre dévastée par des années de conflit, c’est bien Beit Hanoun. On peut voir et entendre les sinistres Qassams survolant la frontière de Gaza et s’écrasant sur Israël, en réponse aux tirs des F-16 et des chars israéliens. Au-dessus des têtes, on aperçoit également le drone de reconnaissance, qui trace en permanence les mouvements de chacun. Les F-16 survolent la ville plus souvent qu’aucune autre dans Gaza ; pas étonnant alors que les chauffeurs ou quiconque ne veulent plus s’approcher de Beit Hanoun.

    La communauté bédouine dont étaient issus les enfants est située parmi les champs de citronniers détruits et les immeubles dévastés du nord de la Bande de Gaza. Les pères de Yehya et Mahmoud sont frères, ils vivaient donc dans la même maison, qui comptait trois chambres. Les chambres sont recouvertes d’amiante, le sol du séjour devant les chambres est en sable, et la cuisine se résume à une vieille cuisinière et une table avec quelques marmites. Ils n’ont ni l’électricité ni l’eau courante. Les habitants arrivaient à vivre grâce aux fruits de leur travail quotidien de la terre, mais les intrusions israéliennes chaque semaine ont détruit leurs terres et donc leurs moyens de subsistance. Ils reçoivent de l’aide de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, mais doivent se rendre à Beit Hanoun ou à Beit Lahiya pour tout le reste. Leurs moyens de transports : des chariots tirés par des animaux.

    Les mères des trois enfants se tenaient assises les unes près des autres aux funérailles, pendant que les chars israéliens se tenaient tapis les uns à côté des autres près de la frontière. Les mères de Yehya et Mahmoud tenaient chacune une photo de son fils, tandis que la mère de Sarah tenait une affiche avec les photos et les noms de Yehya et Mahmoud. Entre leurs deux photos, l’image d’un bouquet de roses rouges, avec le nom de Sarah en dessous. « Israël veut faire couler notre sang », s’étranglait la mère de Yehya. « Ils n’avaient rien fait de mal... Ils n’avaient pas de roquettes, pas de chars... Ils ne faisaient que jouer », ajoutait la mère de Mahmoud. Ils s’asseyaient sur le matelas que Yehya partageait avec Mahmoud. Mahmoud se faufilait hors de la chambre de sa mère la nuit pour aller dormir avec Yehya. « Ils étaient faits l’un pour l’autre », disait la mère de Yehya, « Mahmoud n’aurait pas pu pas vivre sans Yehya. Qu’ils reposent ensemble auprès de Dieu. »

    Le lendemain, l’armée israélienne déclara à la BBC que l’assassinat de Yehya, Mahmoud et Sarah était un accident : « au tout dernier moment, nous nous sommes aperçus que ce n’était que des enfants, mais il était impossible d’empêcher l’explosion ». Aucun mot indiquant une possible enquête sur les soldats les ayant tués ou au moins proposant de l’aide aux familles et à la communauté. Ils ne peuvent quitter leur région ou leurs terres, car ils n’ont nulle part ailleurs où aller. Quelle justice pour Yehya, 12 ans, et sa jeunesse brisée, ou pour Mahmoud, 10 ans, qui ne voulait rien de plus qu’avoir la même chose que son ami, ou pour Sarah, 10 ans, qui ne portera jamais son nouvel uniforme ?


    De Yassmin Moor depuis Beit Hanoun, dans la bande de Gaza, The Electronic Intifada, 5 septembre 2007 electronicintifadaTraduction : B. Declercq, Afps

    Choix de photos : C Léostic, Afps. Sur la photo de focus il ne s’agit pas de l’un des trois enfants assassinés, mais d’un autre garçonnet, Sami al-Sharif, assassiné lui aussi par une attaque israélienne à Gaza le 21 juin 2006

    Yassmin Moor travaille actuellement sur un projet de développement du jardinage à travers une organisation qu’elle a co-fondée, Save Gaza.
    Dernière modification par Zoubir8, 10 octobre 2007, 12h13.
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