Merci Citoyen pour le lien
Voila donc le topo :
La nouvelle grille des salaires dévalorise le savoir
Le Quotidien d'ORAN 16.10.2007
Réponse au directeur général de la fonction publique
par Abderrahmane Mebtoul*
Suite à l'interview donnée au Quotidien d'Oran en date du 11 octobre 2007 par le directeur général de la fonction publique, et pour toute objectivité, il est utile de faire une lecture de la nouvelle grille des salaires de l'enseignement supérieur qui consacre la dévalorisation du savoir en Algérie par rapport à nos collègues maghrébins (il faut comparer le comparable faisant passer le salaire net, en termes de parité de pouvoir d'achat d'un professeur d'Université en fin de carrière du 1/4 au 1/3 de leurs collègues maghrébins, sans compter la retraite qui représente seulement 80% du salaire net). Car il ne s'agit plus de réitérer de vaines promesses, mais de concrétiser la considération du savoir pour toute l'éducation.
Une dévalorisation croissante
La dévalorisation de fait s'est traduite premièrement selon les points indiciaires. Celui du professeur, le plus haut dans la fonction, rapporté dans les mêmes conditions exprimait un taux multiplicateur de 21,8. En 1990, en rapport avec la date de publication du statut actuellement en vigueur, le ratio traitement (rémunération principale : salaire de base IEP) de l'enseignant moyen du supérieur (chargé de cours, 5° échelon, 2 enfants) par rapport au SNMG chutait à 9,66. Les indemnités, hors la rémunération principale, à savoir le salaire de base plus l'indemnité d'expérience, représentaient 17% de son traitement. En 2005, ce même quotient diminuait encore pour atteindre 4,3, après avoir été de 5,42 en 2002.
Deuxièmement par la dévalorisation par l'inflation : sur une base 100 équivalente au traitement de 1968 et qui correspondait à un traitement mensuel brut de 2.193 dinars, le traitement nominal pour l'enseignant moyen (chargé de cours) augmentait à 9.663 dinars en 1990, soit l'indice 441. Cependant, en tenant compte de la dépréciation due à l'inflation, le traitement réel revenait à l'indice 72, soit une baisse de 28 points sur 22 ans (voir le tableau sur l'évolution du taux d'inflation). En 1997, le traitement nominal atteignait 27.940 dinars, soit un indice 1274, c'est-à-dire une multiplication apparente par 12,74. Déflaté, il ne correspondait plus qu'à l'indice 42. En effet, le salaire de 2.193 dinars de 1968 représentait 65.809 dinars en monnaie courante de 1997. Le traitement de 1997 ne vaut plus que 42% de celui de 1968. En 2002 (la tendance étant la même entre 2003/2006), avec les augmentations résultant de la grève, le salaire mensuel brut nominal atteignait 43.330 dinars, correspondant à l'indice 1976, soit 19,76 fois celui de 1968. Déflaté, il n'est plus qu'à l'indice 85, car le traitement de 1968 aurait eu la contre-valeur de 74.642 dinars cette année-là. Avec une inflation moyenne annuelle de 4,2% entre 2002 et 2006, il ne vaut plus que 51% de celui de 1968 estimé aujourd'hui à 84.444 dinars. Aussi impressionnante soit-elle, cette dégradation du pouvoir d'achat qui prend en compte les effets de l'inflation reste toutefois partielle. Il en ressort que la détérioration de son pouvoir d'achat s'est considérablement aggravée.
Troisièmement, la dévalorisation par rapport à la grille des fonctions supérieures de l'Etat. En 1990, les pouvoirs publics ont actualisé la grille des salaires de 1968, spécifique aux fonctionnaires occupant des fonctions supérieures de l'Etat. Cette grille a été complétée en 1991 puis 1997 par un régime indemnitaire très avantageux et régulièrement revalorisé, nonobstant par ailleurs d'autres avantages matériels totalement inaccessibles aux enseignants-chercheurs (toutes catégories confondues) relevant du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Cette grille comprenant 7 classes hors échelle démarrait à l'indice 800 pour la classe A à 1280 pour la classe G. Le traitement de base mensuel correspondait alors à la multiplication de l'indice par la valeur du point indiciaire lui aussi spécifique à cette grille puisqu'il était à 11 dinars au lieu de 10 dinars pour le reste des fonctionnaires, dont les enseignants. A cela, des indemnités dites de sujétion et de représentation furent instituées adossées au salaire au taux respectif de 35% et 15% pour l'ensemble des classes. Pour mémoire, à la même période, le professeur était à l'indice 762. Lors de l'augmentation de 2002, cet écart discriminatoire vis-à-vis des enseignants fut aggravé. En effet, il s'est accru par un glissement catégoriel beaucoup plus conséquent en faveur de la fonction supérieure de l'Etat. La classe A bénéficia alors d'un glissement de 200 points, passant de 800 à 1000 points, et la classe G de 320 points, passant de 1280 à 1600 points, soit une revalorisation de 25%. Cependant, les évolutions salariales des enseignants plafonnèrent à 11% pour le maître-assistant ( 80 points) et 6% pour le professeur qui passe de 1200 à 1280 points, soit 80 points également. Pire, les positions indiciaires des enseignants subirent un recul systématique. Le professeur dégringole du seuil théorique de la F1 à celui de la C2 et le maître de conférences de la D1 à celui de la B1. Le maître-assistant, avec 880 points, se retrouve totalement en dehors de l'équivalent de la classe hors échelle qui démarre à 1000 points. Le ratio traitement du chargé de cours rapporté à celui du haut fonctionnaire classé à la classe G, la position la plus élevée, décline régulièrement depuis 1990 et passe de 60% à 47% en 2002. Il baisse aussi en relation de la classe A, première position hors échelle, en passant de 96% à 88%. Cela est dû en grande partie à l'élargissement de l'écart entre la G et la A qui passe de 1,60 en 1990 à 1,87 en 2002 après un rétrécissement en 1997 à 1,35. Enfin quatrièmement la dévalorisation par la dévaluation du dinar algérien. Au moment où les références à la mondialisation deviennent un credo dans le discours des pouvoirs publics, il est utile d'analyser l'évolution du traitement de l'enseignant exprimé en devises (en dollars US). Ainsi, le traitement de 1968 correspondait à 439 $ US au taux officiel de change, sans l'exprimer au taux de change informel, le seul accessible. En 2005/2006, et malgré la dépréciation du dollar ($) (qui a perdu environ 40% de son pouvoir d'achat en 5 années par rapport à l'euro), le traitement brut actuel du chargé de cours, hors déduction charges sociales et fiscales, correspond à 578 $ US, c'est-à-dire moins du tiers du SMIG français. Le traitement net tourne autour de 28.000 dinars, soit moins que 300 euros au taux officiel.
A ces 4 facteurs, il faudrait ajouter la dégradation des conditions de travail et l'augmentation des charges pesant sur les enseignants : le ratio d'encadrement passe d'un enseignant pour 13 étudiants en 1990 à plus de 32 étudiants en 2004-2006, toutes disciplines confondues. Les conséquences sont là : - les meilleurs étudiants ne restent plus à l'université, il n'y a plus d'incitation à choisir la carrière d'enseignant; la reproduction du corps enseignant actuel, fruit de quatre décades d'expérience, n'est plus assurée; la baisse de la qualité du fait de cette dévalorisation était inévitable.
Voila donc le topo :
La nouvelle grille des salaires dévalorise le savoir
Le Quotidien d'ORAN 16.10.2007
Réponse au directeur général de la fonction publique
par Abderrahmane Mebtoul*
Suite à l'interview donnée au Quotidien d'Oran en date du 11 octobre 2007 par le directeur général de la fonction publique, et pour toute objectivité, il est utile de faire une lecture de la nouvelle grille des salaires de l'enseignement supérieur qui consacre la dévalorisation du savoir en Algérie par rapport à nos collègues maghrébins (il faut comparer le comparable faisant passer le salaire net, en termes de parité de pouvoir d'achat d'un professeur d'Université en fin de carrière du 1/4 au 1/3 de leurs collègues maghrébins, sans compter la retraite qui représente seulement 80% du salaire net). Car il ne s'agit plus de réitérer de vaines promesses, mais de concrétiser la considération du savoir pour toute l'éducation.
Une dévalorisation croissante
La dévalorisation de fait s'est traduite premièrement selon les points indiciaires. Celui du professeur, le plus haut dans la fonction, rapporté dans les mêmes conditions exprimait un taux multiplicateur de 21,8. En 1990, en rapport avec la date de publication du statut actuellement en vigueur, le ratio traitement (rémunération principale : salaire de base IEP) de l'enseignant moyen du supérieur (chargé de cours, 5° échelon, 2 enfants) par rapport au SNMG chutait à 9,66. Les indemnités, hors la rémunération principale, à savoir le salaire de base plus l'indemnité d'expérience, représentaient 17% de son traitement. En 2005, ce même quotient diminuait encore pour atteindre 4,3, après avoir été de 5,42 en 2002.
Deuxièmement par la dévalorisation par l'inflation : sur une base 100 équivalente au traitement de 1968 et qui correspondait à un traitement mensuel brut de 2.193 dinars, le traitement nominal pour l'enseignant moyen (chargé de cours) augmentait à 9.663 dinars en 1990, soit l'indice 441. Cependant, en tenant compte de la dépréciation due à l'inflation, le traitement réel revenait à l'indice 72, soit une baisse de 28 points sur 22 ans (voir le tableau sur l'évolution du taux d'inflation). En 1997, le traitement nominal atteignait 27.940 dinars, soit un indice 1274, c'est-à-dire une multiplication apparente par 12,74. Déflaté, il ne correspondait plus qu'à l'indice 42. En effet, le salaire de 2.193 dinars de 1968 représentait 65.809 dinars en monnaie courante de 1997. Le traitement de 1997 ne vaut plus que 42% de celui de 1968. En 2002 (la tendance étant la même entre 2003/2006), avec les augmentations résultant de la grève, le salaire mensuel brut nominal atteignait 43.330 dinars, correspondant à l'indice 1976, soit 19,76 fois celui de 1968. Déflaté, il n'est plus qu'à l'indice 85, car le traitement de 1968 aurait eu la contre-valeur de 74.642 dinars cette année-là. Avec une inflation moyenne annuelle de 4,2% entre 2002 et 2006, il ne vaut plus que 51% de celui de 1968 estimé aujourd'hui à 84.444 dinars. Aussi impressionnante soit-elle, cette dégradation du pouvoir d'achat qui prend en compte les effets de l'inflation reste toutefois partielle. Il en ressort que la détérioration de son pouvoir d'achat s'est considérablement aggravée.
Troisièmement, la dévalorisation par rapport à la grille des fonctions supérieures de l'Etat. En 1990, les pouvoirs publics ont actualisé la grille des salaires de 1968, spécifique aux fonctionnaires occupant des fonctions supérieures de l'Etat. Cette grille a été complétée en 1991 puis 1997 par un régime indemnitaire très avantageux et régulièrement revalorisé, nonobstant par ailleurs d'autres avantages matériels totalement inaccessibles aux enseignants-chercheurs (toutes catégories confondues) relevant du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Cette grille comprenant 7 classes hors échelle démarrait à l'indice 800 pour la classe A à 1280 pour la classe G. Le traitement de base mensuel correspondait alors à la multiplication de l'indice par la valeur du point indiciaire lui aussi spécifique à cette grille puisqu'il était à 11 dinars au lieu de 10 dinars pour le reste des fonctionnaires, dont les enseignants. A cela, des indemnités dites de sujétion et de représentation furent instituées adossées au salaire au taux respectif de 35% et 15% pour l'ensemble des classes. Pour mémoire, à la même période, le professeur était à l'indice 762. Lors de l'augmentation de 2002, cet écart discriminatoire vis-à-vis des enseignants fut aggravé. En effet, il s'est accru par un glissement catégoriel beaucoup plus conséquent en faveur de la fonction supérieure de l'Etat. La classe A bénéficia alors d'un glissement de 200 points, passant de 800 à 1000 points, et la classe G de 320 points, passant de 1280 à 1600 points, soit une revalorisation de 25%. Cependant, les évolutions salariales des enseignants plafonnèrent à 11% pour le maître-assistant ( 80 points) et 6% pour le professeur qui passe de 1200 à 1280 points, soit 80 points également. Pire, les positions indiciaires des enseignants subirent un recul systématique. Le professeur dégringole du seuil théorique de la F1 à celui de la C2 et le maître de conférences de la D1 à celui de la B1. Le maître-assistant, avec 880 points, se retrouve totalement en dehors de l'équivalent de la classe hors échelle qui démarre à 1000 points. Le ratio traitement du chargé de cours rapporté à celui du haut fonctionnaire classé à la classe G, la position la plus élevée, décline régulièrement depuis 1990 et passe de 60% à 47% en 2002. Il baisse aussi en relation de la classe A, première position hors échelle, en passant de 96% à 88%. Cela est dû en grande partie à l'élargissement de l'écart entre la G et la A qui passe de 1,60 en 1990 à 1,87 en 2002 après un rétrécissement en 1997 à 1,35. Enfin quatrièmement la dévalorisation par la dévaluation du dinar algérien. Au moment où les références à la mondialisation deviennent un credo dans le discours des pouvoirs publics, il est utile d'analyser l'évolution du traitement de l'enseignant exprimé en devises (en dollars US). Ainsi, le traitement de 1968 correspondait à 439 $ US au taux officiel de change, sans l'exprimer au taux de change informel, le seul accessible. En 2005/2006, et malgré la dépréciation du dollar ($) (qui a perdu environ 40% de son pouvoir d'achat en 5 années par rapport à l'euro), le traitement brut actuel du chargé de cours, hors déduction charges sociales et fiscales, correspond à 578 $ US, c'est-à-dire moins du tiers du SMIG français. Le traitement net tourne autour de 28.000 dinars, soit moins que 300 euros au taux officiel.
A ces 4 facteurs, il faudrait ajouter la dégradation des conditions de travail et l'augmentation des charges pesant sur les enseignants : le ratio d'encadrement passe d'un enseignant pour 13 étudiants en 1990 à plus de 32 étudiants en 2004-2006, toutes disciplines confondues. Les conséquences sont là : - les meilleurs étudiants ne restent plus à l'université, il n'y a plus d'incitation à choisir la carrière d'enseignant; la reproduction du corps enseignant actuel, fruit de quatre décades d'expérience, n'est plus assurée; la baisse de la qualité du fait de cette dévalorisation était inévitable.
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