Enquête. À quoi joue El Himma ? Et qui est-il vraiment ?
Fidèle à Mohammed VI depuis 30 ans, Fouad Ali El Himma a quitté le gouvernement pour atterrir au Parlement, où il chamboule, déjà, l'ensemble de la classe politique marocaine.
Vendredi 12 octobre 2007, Rabat est au garde-à-vous. En milieu d'après-midi, Mohammed VI préside la séance d'ouverture de la session législative d'automne. Au siège du Parlement, au centre-ville, les quelques jellabas blanches (qui attendent depuis plusieurs heures) piaffent d'impatience. Beaucoup découvrent l'hémicycle pour la première fois. Mais dans la foule, une jellaba attire particulièrement
l'attention : celle de Fouad Ali El Himma. Décontracté et souriant, “limite euphorique” comme nous l'a rapporté ce témoin de la scène, l'homme ne marche pas mais flotte dans les couloirs astiqués de la vieille bâtisse du centre-ville r'bati.
Ce jour-là, le parlementaire des Rhamna a certainement bu chaque syllabe prononcée par Mohammed VI lors de son discours d'ouverture. “Fouad Ali El Himma fait partie des hommes et femmes qui ont affiné, développé et contribué à l'élaboration de l'agenda de règne de Mohammed VI, il n'est pas étrange que les discours des deux hommes se ressemblent ou qu'ils utilisent les mêmes formules et expressions”, explique un vieux parlementaire de l'Istiqlal.
Quand Mohammed VI termine son discours, les dignitaires du régime s'éclipsent l'un après l'autre. Quelques heures avant la rupture du jeûne, la route des Zaërs, celle qui mène tout droit vers la résidence royale, voit défiler des berlines de toutes les couleurs. Hamidou Laânigri, Rochdi Chraïbi, Khelli Henna Ould Errachid… et enfin Mohammed VI. Comme à son habitude, le roi conduit lui-même une voiture de sport noire. Il traverse doucement l'avenue John Keneddy, en roulant à une allure de sénateur, “escorté” de particuliers qui n'en reviennent pas de rouler si près du souverain chérifien. Mais en quittant l'hémicycle, le roi n'a pas oublié d'embarquer son parlementaire préféré. Installé sur le siège passager, Fouad Ali El Himma passe plusieurs minutes … accroché à son téléphone. Depuis quand se permet-on de parler au téléphone lorsqu'on est en présence du roi du Maroc ? “Lorsqu'on est ami du roi et qu'on mange à la maison un jour sur deux”, répond spontanément, avec un joli sourire en coin, cet intime d'El Himma.
Allo, le roi ?
Fouad Ali El Himma est un homme pressé. “Il est très occupé… à voir le roi et à lui parler”, plaisante à peine l'un de ses habituels relais. Le député de Rhamna continue d'être, selon l'expression de cet observateur, “la première ombre du roi”, celui qui le rencontre ou l'appelle au téléphone à une cadence quasi quotidienne. C'était déjà le cas avant la démission-surprise du 7 août 2007, et cela n'a pas changé. “Pourquoi vous en étonner ? Ils (le roi et El Himma) sont amis et rien ne les empêchera de garder le contact”, poursuit notre source. Personne ne connaît, bien entendu, la teneur des échanges entretenus entre les deux “amis”. Disert mais avare en confidences, El Himma n'hésite pourtant pas à rappeler la fréquence de ces échanges devant tous ses interlocuteurs. Une façon de leur rappeler, sans forcément le dire : “Ma proximité avec le roi est restée intacte, je suis toujours le porteur de sa parole, sa pensée, ne l'oubliez pas”.
Cela résume bien la situation actuelle de Fouad Ali El Himma. L'ancien ministre délégué à l'Intérieur a changé de casquette mais pas d'habitudes. Il a gardé ses réseaux, ses manières (de signifier les choses sans toujours les dire), ses réflexes, ses tics. Simplement, il n'est plus au même étage ou, pour reprendre encore la formule de l'une de nos sources, “il agit à la manière d'un sous-marin, inexistant en surface mais à la présence diffuse, informelle, que l'on peut soupçonner partout”. Si Fouad, comme l'appellent religieusement ses fidèles, reçoit toujours. A sa villa (“Je vous jure que je ne fais que la louer, et je suis prêt à vous révéler le montant du loyer”, assure-t-il, avec un savant dosage de sincérité et de cynisme, au premier cercle de ses amis) de Bir Kacem, à Rabat. Il n'hésite pas à se déplacer, quand son agenda le lui permet, et que le standing de son hôte l'y prédispose. Il filtre ses appels (“Quand il ne répond pas et ne rappelle pas, c'est sa manière à lui de vous dire non”), mais reste à l'affût de la sonnerie de son téléphone portable, prêt à bondir pour répondre à la sollicitation d'un proche ou d’un “ami”. Et il bouge, beaucoup, dans tous les sens.
Depuis son élection à une écrasante majorité, l'heureux député ne compte plus les kilomètres parcourus, la poussière avalée, à sillonner inlassablement son bled natal des Rhmana. “Il avait donné des promesses (rénovation et construction d'écoles, d'hôpitaux, etc.), alors il revient pour les tenir”. El Himma maintient la flamme. Il renforce ses liens avec le réseau associatif local, promet des dons de mécènes (“Je reviendrai avec de l'argent offert par un mécène qui tient à son anonymat”, aurait-il ainsi plusieurs fois répété), et donne l'impression d'être encore en campagne électorale.
Une démarche de séduction un peu folle, exubérante, à peine interrompue, bien entendu, par les contacts de Si Fouad avec son “ami” le roi. Le temps d'un échange verbal en voiture, à travers les quartiers chics de Casablanca ou Rabat, le plus souvent sans témoin, El Himma est ailleurs, déconnecté, hors réseau, coupé de son monde. Exemple de cette anecdote, rapportée par nos confrères d'Al Massae : dans les premiers jours du ramadan, et alors qu'il s'apprête à assister à un f'tour au siège du ministère de l'Intérieur, organisé en guise de pot d'adieu à l'ancien ministre délégué, El Himma brille inexplicablement par son absence, laissant les convives, dont le ministre Chakib Benmoussa, sans nouvelles, complètement désemparés. Lassé d'attendre son invité, Benmoussa prend son courage à deux mains, passe une série de coups de fil, avant d'expliquer, soulagé, aux employés de la maison que “Si Fouad est en f'tour privé avec Sidna et il n'y a pas lieu de l'attendre, on peut entamer, nous, notre f'tour”.
L'étonnante, l'extraordinaire proximité entre le roi et son numéro 2 a été encore une fois vérifiée, spectaculairement, dans la soirée du 10 septembre, au lendemain de sa victoire électorale. “El Himma était venu directement aux studios de 2M à Aïn Sebaâ pour enregistrer une interview. Dès le générique de la fin, il est parti précipitamment pour reprendre la route, cette fois en direction de Khouribga, où le roi était en visite”, révèle l’un de ses proches. Pour ceux qui en douteraient encore, El Himma est toujours l'interlocuteur favori du roi, et il tient à le faire savoir.
Fidèle à Mohammed VI depuis 30 ans, Fouad Ali El Himma a quitté le gouvernement pour atterrir au Parlement, où il chamboule, déjà, l'ensemble de la classe politique marocaine.
Vendredi 12 octobre 2007, Rabat est au garde-à-vous. En milieu d'après-midi, Mohammed VI préside la séance d'ouverture de la session législative d'automne. Au siège du Parlement, au centre-ville, les quelques jellabas blanches (qui attendent depuis plusieurs heures) piaffent d'impatience. Beaucoup découvrent l'hémicycle pour la première fois. Mais dans la foule, une jellaba attire particulièrement
Ce jour-là, le parlementaire des Rhamna a certainement bu chaque syllabe prononcée par Mohammed VI lors de son discours d'ouverture. “Fouad Ali El Himma fait partie des hommes et femmes qui ont affiné, développé et contribué à l'élaboration de l'agenda de règne de Mohammed VI, il n'est pas étrange que les discours des deux hommes se ressemblent ou qu'ils utilisent les mêmes formules et expressions”, explique un vieux parlementaire de l'Istiqlal.
Quand Mohammed VI termine son discours, les dignitaires du régime s'éclipsent l'un après l'autre. Quelques heures avant la rupture du jeûne, la route des Zaërs, celle qui mène tout droit vers la résidence royale, voit défiler des berlines de toutes les couleurs. Hamidou Laânigri, Rochdi Chraïbi, Khelli Henna Ould Errachid… et enfin Mohammed VI. Comme à son habitude, le roi conduit lui-même une voiture de sport noire. Il traverse doucement l'avenue John Keneddy, en roulant à une allure de sénateur, “escorté” de particuliers qui n'en reviennent pas de rouler si près du souverain chérifien. Mais en quittant l'hémicycle, le roi n'a pas oublié d'embarquer son parlementaire préféré. Installé sur le siège passager, Fouad Ali El Himma passe plusieurs minutes … accroché à son téléphone. Depuis quand se permet-on de parler au téléphone lorsqu'on est en présence du roi du Maroc ? “Lorsqu'on est ami du roi et qu'on mange à la maison un jour sur deux”, répond spontanément, avec un joli sourire en coin, cet intime d'El Himma.
Allo, le roi ?
Fouad Ali El Himma est un homme pressé. “Il est très occupé… à voir le roi et à lui parler”, plaisante à peine l'un de ses habituels relais. Le député de Rhamna continue d'être, selon l'expression de cet observateur, “la première ombre du roi”, celui qui le rencontre ou l'appelle au téléphone à une cadence quasi quotidienne. C'était déjà le cas avant la démission-surprise du 7 août 2007, et cela n'a pas changé. “Pourquoi vous en étonner ? Ils (le roi et El Himma) sont amis et rien ne les empêchera de garder le contact”, poursuit notre source. Personne ne connaît, bien entendu, la teneur des échanges entretenus entre les deux “amis”. Disert mais avare en confidences, El Himma n'hésite pourtant pas à rappeler la fréquence de ces échanges devant tous ses interlocuteurs. Une façon de leur rappeler, sans forcément le dire : “Ma proximité avec le roi est restée intacte, je suis toujours le porteur de sa parole, sa pensée, ne l'oubliez pas”.
Cela résume bien la situation actuelle de Fouad Ali El Himma. L'ancien ministre délégué à l'Intérieur a changé de casquette mais pas d'habitudes. Il a gardé ses réseaux, ses manières (de signifier les choses sans toujours les dire), ses réflexes, ses tics. Simplement, il n'est plus au même étage ou, pour reprendre encore la formule de l'une de nos sources, “il agit à la manière d'un sous-marin, inexistant en surface mais à la présence diffuse, informelle, que l'on peut soupçonner partout”. Si Fouad, comme l'appellent religieusement ses fidèles, reçoit toujours. A sa villa (“Je vous jure que je ne fais que la louer, et je suis prêt à vous révéler le montant du loyer”, assure-t-il, avec un savant dosage de sincérité et de cynisme, au premier cercle de ses amis) de Bir Kacem, à Rabat. Il n'hésite pas à se déplacer, quand son agenda le lui permet, et que le standing de son hôte l'y prédispose. Il filtre ses appels (“Quand il ne répond pas et ne rappelle pas, c'est sa manière à lui de vous dire non”), mais reste à l'affût de la sonnerie de son téléphone portable, prêt à bondir pour répondre à la sollicitation d'un proche ou d’un “ami”. Et il bouge, beaucoup, dans tous les sens.
Depuis son élection à une écrasante majorité, l'heureux député ne compte plus les kilomètres parcourus, la poussière avalée, à sillonner inlassablement son bled natal des Rhmana. “Il avait donné des promesses (rénovation et construction d'écoles, d'hôpitaux, etc.), alors il revient pour les tenir”. El Himma maintient la flamme. Il renforce ses liens avec le réseau associatif local, promet des dons de mécènes (“Je reviendrai avec de l'argent offert par un mécène qui tient à son anonymat”, aurait-il ainsi plusieurs fois répété), et donne l'impression d'être encore en campagne électorale.
Une démarche de séduction un peu folle, exubérante, à peine interrompue, bien entendu, par les contacts de Si Fouad avec son “ami” le roi. Le temps d'un échange verbal en voiture, à travers les quartiers chics de Casablanca ou Rabat, le plus souvent sans témoin, El Himma est ailleurs, déconnecté, hors réseau, coupé de son monde. Exemple de cette anecdote, rapportée par nos confrères d'Al Massae : dans les premiers jours du ramadan, et alors qu'il s'apprête à assister à un f'tour au siège du ministère de l'Intérieur, organisé en guise de pot d'adieu à l'ancien ministre délégué, El Himma brille inexplicablement par son absence, laissant les convives, dont le ministre Chakib Benmoussa, sans nouvelles, complètement désemparés. Lassé d'attendre son invité, Benmoussa prend son courage à deux mains, passe une série de coups de fil, avant d'expliquer, soulagé, aux employés de la maison que “Si Fouad est en f'tour privé avec Sidna et il n'y a pas lieu de l'attendre, on peut entamer, nous, notre f'tour”.
L'étonnante, l'extraordinaire proximité entre le roi et son numéro 2 a été encore une fois vérifiée, spectaculairement, dans la soirée du 10 septembre, au lendemain de sa victoire électorale. “El Himma était venu directement aux studios de 2M à Aïn Sebaâ pour enregistrer une interview. Dès le générique de la fin, il est parti précipitamment pour reprendre la route, cette fois en direction de Khouribga, où le roi était en visite”, révèle l’un de ses proches. Pour ceux qui en douteraient encore, El Himma est toujours l'interlocuteur favori du roi, et il tient à le faire savoir.
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