Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Accoucher la peur au ventre en Algérie

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Accoucher la peur au ventre en Algérie

    De nos jours, pour de nombreuses femmes enceintes en Algérie, accoucher constitue une épreuve tellement difficile que beaucoup d’entre elles ont subi des traumatismes qui les ont marquées à vie. Désormais, le temps où le malade se livrait en toute confiance aux mains des médecins est bel et bien révolu. Donner la vie aujourd’hui est devenu un acte qui fait peur aussi bien au futur papa qu’à la maman…

    Il y a quelque temps, une femme a subi le calvaire dans un hôpital public à Alger. Un accouchement au forceps s’imposait. Malheureusement cet acte tournera à l’horreur. L’appareil génital de cette pauvre femme sera détruit. La sentence tomba : «Votre femme ne pourra plus avoir d’enfants.» Depuis, nous dira son époux, «ma femme, qui, autrefois, était belle et pleine de vie, s’éteint de jour en jour. Son corps s’affaiblit et elle n’accepte pas le fait de ne plus pouvoir donner la vie». Voilà l’histoire d’un jeune couple qui ne pourra plus jamais avoir d’enfants. Des accouchements qui tournent mal se comptent par centaines. Énormément touchés par le récit de ce papa qui a vu sa vie se transformer en cauchemar, nous décidons d’aller voir de plus près ce qui se passe réellement dans ces lieux publics censés initialement donner la vie. Nous nous rendons donc à l'hôpital de Béni-Messous. Une fois sur les lieux, nous évitons de décliner notre profession afin de passer inaperçus. A première vue, le service des urgences de gynécologie et obstétrique offre un semblant d’ordre. Adossés à un mur de la salle d’attente, il nous suffit de «tendre l’oreille» pour découvrir les dessous insolites d’une maternité. Une dizaine de femmes enceintes attendent avec lassitude leur tour. Elles narrent, tour à tour, l’histoire d’un accouchement difficile, d’une ségrégation ou d’une maltraitance, vécus dans l’une des maternités algéroises. Avoir une connaissance, plus communément une «maârifa», est le «mot-clé», pour pouvoir bénéficier de la meilleure des prises en charge.
    “Repassez, il n’y a rien à voir”

    Horrifiés par certains récits, décrivant l’état des lieux et surtout le traitement réservé aux patientes, notre curiosité va en s’attisant. Nous attendîmes l’heure de visite pour accéder à la maternité. Il est indiqué que les horaires de visite sont fixes et limités. Afin de les faire respecter, la porte d’accès à ce service est fermée la matinée. Une manière de faire régner «l’ordre». A 13h, les visiteurs commencent à se regrouper devant les urgences. L’anarchie et les premières altercations font leur apparition. Sans nouvelle de leurs femmes, des maris inquiets haussent le ton. Un véritable bras de fer est engagé entre ces derniers et les agents chargés de la sécurité. La porte s’ouvre à 13h25... C’est la bousculade. Toute cette foule en furie emprunta alors l’escalier pour accéder à l’étage. Encouragés par deux femmes, nous faisons le tour du propriétaire. Au niveau du service maternité, l’anarchie est totale. Des va-et-vient interminables dans le long couloir où s’entremêlent femmes enceintes, visiteurs et personnel hospitalier. Le brouhaha est tel qu’on se croit dans un stade de football ! Plusieurs mamans attendent devant la salle d’accouchement. Les youyous stridents annonçant l’arrivée d’un bébé masquent des cris provenant de cette même salle. Les chambres sont bondées de visiteurs. Nous sommes terriblement secoués par l’insalubrité des chambres. Des chambres de deux et trois lits vétustes. Chaque lit, initialement prévu pour une personne, en contient deux. Censées trouver le repos et le réconfort après une dure «délivrance», ces mamans se retrouvent obligées à «partager» leur lit. D’autres femmes qui attendent péniblement le moment d’accoucher, sont aux aguets. Debout dans le couloir, elles attendent qu’une «place» — dans un lit — se libère. Au moment de la sortie, les accouchées et leurs bébés quittent l’«endroit», emportant avec elles leur literie. Ceci dénote du non-respect de la décision de Amar Tou. Entrée en vigueur il ya une année, celle-ci interdit aux familles des malades hospitalisés de faire entrer de la literie et de l’alimentation dans les établissements hospitaliers. Pour les besoins de notre enquête, nous tentons de nous rapprocher d’un bonhomme en blouse blanche usée. Il sortait d’un bureau dont la porte portait l’inscription «chef de service». Probablement pas le chef de service... Ce dernier nous rabroue sur-lechamp, en usant de termes qui dénotent une grande nervosité mêlée à de la lassitude : «Vous n’avez pas le droit de pénétrer dans ce service sans l’autorisation du ministère. Et puis pourquoi venir enquêteur ici, allez voir plutôt du côté de ceux qui ont appauvri le peuple.» La sentence est implacable. Il nous faut déguerpir avant l’arrivée des agents de sécurité. Tout en nous dirigeant vers la sortie, nous rembobinons les propos de cette personne. Il y a tout de même du vrai…

    Alger, la «kibla» de 47 wilayas


    Deuxième halte : l’hôpital Mustapha, l’une des plus vieilles structures hospitalières de la capitale. C’est une sorte de «kibla» pour toutes les wilayas du pays. Face au manque de moyens et de personnels qualifiés dans les différentes régions du pays, des centaines de malades sont orientés vers ce centre hospitalier, «saturé». Ici, le même scénario se répète. Interrogé sur l’état de ce service, une employée au CPMC nous révélera l’état désastreux des lieux. «Personne ne s’en cache, c’est désastreux», lance-t-elle. Acharnée, cette jeune employée n’hésite pas à donner libre cours à sa colère. C’est l’absence totale d’hygiène et de conscience professionnelle. Des femmes sur le point d’accoucher sont livrées à elles-mêmes. Après avoir averti maintes fois et à haute voix l’arrivée imminente de son bébé, sa poche d’eau ayant éclaté, une femme aurait même accouché dans la salle d’attente. Elle a été soutenue par des femmes qui se trouvaient dans le même état. Elles attendaient leur admission. Selon des témoignages, la sage-femme de service avait fait la sourde oreille, car elle n’avait pas pris au sérieux les appels de la pauvre femme. Finalement, cette dernière et son bébé s’en sortirent bien. Un miracle. On évoque aussi, la présence de patientes séropositives qui viennent accoucher, sans que des précautions et de mesures de sécurité soient prises. La situation est des plus alarmantes sur les lieux. Un véritable «souk», disent la majorité des patientes rencontrées sur les lieux. Les services de maternité ressemblent à un grand «bazar» ou brouhaha et allées et venues font bon ménage. Admise à ce service à 5h du matin, suite à des contractions, cette jeune femme attend d’accoucher. Nous ayant identifiés, elle nous supplie de faire quelque chose pour l’introduire dans la salle d’accouchement. «Vous verrez, c’est infect», nous certifie-t-elle. Et d’ajouter : «Je me demande comment se déroulera mon accouchement dans de telles conditions sanitaires.» Elle nous raconte que lors de l’examen préliminaire effectué à son arrivée au service maternité : «La table d’accouchement encore pleine de sang et de déchets organiques. Une femme venait juste d’accoucher. La sage-femme m’a demandé de m’installer sur cette même table ! Vous vous rendez compte !! Ils ne prennent même pas la peine de nettoyer. » A leur tour, des responsables refusent de s'exprimer allant jusqu’à nous exiger à l’instar de ceux de Béni-Messous l’autorisation du ministère.

    Tout le monde est unanime à affirmer que le secteur de la santé publique ne sait plus où donner de la tête. Les CHU et les centres spécialisés de la wilaya d’Alger se retrouvent «dépassés».

    Les arrivées massives des autres wilayas vers ces hôpitaux sont l’une des raisons de cette décadence de ces structures. A cela s’ajoute la démobilisation du personnel en place et ce, pour diverses raisons. Les conditions de travail lamentable et portant atteinte au symbole de la profession, la faiblesse des salaires et l’indiscipline font que tout le monde s’en fout. A ce titre, le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière a déclaré en janvier dernier que «la gestion hospitalière et la maintenance des équipements demeurent les deux points noirs» de ce secteur. Sans oublier le statut du personnel paramédical. Le secteur a du pain sur la planche !

  • #2
    Des maternités axphyxiées

    Abordant le problème de la surcharge des services de maternité, les responsables mettent cela sur le dos du secteur. «Allah ghaleb, nous ne pouvons refuser toutes ces femmes orientées vers nos structures. L’Etat devrait construire de nouvelles infrastructures pour répondre à la demande», s’exclame-t- on à Béni-Messous. Effectivement, les infrastructures existantes sont saturées, très anciennes et enregistrent un manque en matière de gestion des équipements. Offrant une capacité d’accueil de 50 lits, la maternité de Béni-Messous se retrouve à pratiquer près de 120 accouchements par jour, apprend-on. Ce constat est identique dans les autres maternités. Afin de soulager un peu le service de cet hôpital «la réalisation d’une nouvelle structure communiquant avec l’actuelle maternité est en phase d’étude», avons-nous appris. D’une capacité de 20 lits, cette dernière sera dotée d’un service d’urgences. Interrogé sur les mauvaises conditions sanitaires, notre interlocuteur «déculpabilisera» le personnel hospitalier. Selon lui, le manque de civisme des patients et visiteurs y est pour beaucoup. «Une patiente peut recevoir jusqu’à une dizaine de visiteurs en une journée. Multipliez par quatre ou six, selon le nombre de patientes par chambre…», s’insurge-t-il. Comment voulez-vous que les mamans se reposent ? Qu’il n’y est pas d’infections qui se propagent ?

    Sage-femme : l’éternelle accusée

    L’Algérie a tout de même réussi à se placer à la 145e position en matière de mortalité infantile. Un bond réalisé, non sans contraintes, grâce au programme de périnatalité et néonatologie initié en 2006. Le grand rôle est attribué à la sage-femme dans l’accomplissement de ce programme. Pourtant, des doigts accusateurs se pointent vers elle. Tous les témoignages recueillis en font mention. Il est rapporté que cette dernière fait souvent preuve «d’incompétence, de manque de conscience professionnelle et surtout d’irrespect». Elle serait même à l’origine de certaines maltraitances. Plusieurs femmes assurent que lors d’accouchements, des sages-femmes «profèrent des obscénités et des méchancetés à leur encontre, les sommant de ne pas exprimer leur douleur». Les qualités censées se trouver chez une sage-femme, à savoir : capacité d'écoute, psychologie, résistance physique, disponibilité et diplomatie, seraient «en voie de disparition». Tout comme la profession d’ailleurs. Interrogé sur ce phénomène, un responsable au niveau de l’hôpital Béni-Messous met cela sur le compte des mauvaises conditions de travail, de la fatigue psychologique découlant du plan de charge, des gardes de nuit et du stress. «Il leur arrive de travailler H24, dans des conditions lamentables», s’indigne-t-il. Ajoutez à cela, la faible rémunération et l’absence d’un statut. De plus en plus de sages-femmes préfèrent travailler dans le secteur privé. D’autres optent pour un service de protection maternelle et infantile (PMI). Elles s'occupent ainsi de prévention des risques et de conseils pour les mamans défavorisées.

    Miser sur la formation

    En formant et en encadrant des infirmiers et des étudiants en médecine, en d’autres termes, en effectuant le transfert de certaines compétences, il serait possible de mieux répondre aux besoins des patients et de diminuer le nombre des consultations et des hospitalisations. Un avis que partage ce responsable à l’hôpital de Béni-Messous. D’après lui, l’on devrait miser sur la formation et le recyclage du personnel médical et paramédical. Cette revendication demeure le cheval de bataille de la corporation. Pour ainsi dire, des personnels formés tels que aides-soignants, techniciens en hygiène, gardes-malades et agents viendront énormément aider et alléger le travail du paramédical. Un personnel qui mérite plus d’égards. Tant que leurs conditions de travail et de formation ne seront pas améliorées, les personnels paramédicaux ne fourniront pas plus d’efforts, laisse entendre ce même responsable. Et la discussion nous a inévitablement versés dans la fameuse grille des salaires. «Vous parliez tout à l’heure de l’hygiène, il faudrait aborder, en parallèle la question des salaires», nous lancera-t-il. La responsabilité est également celle de l’Etat.

    En attendant, les couples les plus nantis préfèrent se diriger vers les cliniques privées. Là aussi, il y a vraiment à dire et à redire, si l’on tient compte des impressions recueillies ici et là auprès de femmes passées par là. Un constat qui, s’il venait à durer dans le temps, pousserait les couples à opter pour une stricte limitation des naissances, voire même à….

    Par le Soir

    Commentaire

    Chargement...
    X