L’exception marocaine
NOUVELOBS.COM | 23.10.2007 | 12:06
S’IL EST une maladresse que je ne souhaite pas, c’est en tout cas celle que pourrait faire Nicolas Sarkozy dans un pays qui m’est cher : le Maroc. Je me souviens d’une note diplomatique que j’avais eue entre les mains avant le départ de François Mitterrand pour Rabat. On lui recommandait de ne pas oublier les singularités de ce que l’on appelle encore parfois l’empire chérifien :
1) le pays est profondément berbère et cette dimension survit chez les plus arabisés ;
2) les Marocains n’ont jamais été occupés par les Ottomans et ils en tirent fierté ;
3) ils ont vaincu l’Espagne et, à Grenade, on peut voir l’Alhambra, l’un des plus beaux palais de la Méditerranée ;
4) leur dynastie est l’une des plus anciennes de l’Occident, le souverain est "Commandeur des croyants", c’est-à-dire descendant direct du Prophète ;
5) enfin, le pays est entièrement tourné vers l’Atlantique et c’est ce qui le distingue des autres pays du Maghreb. C’est ce dernier point que François Mitterrand avait négligé en parlant toujours de Méditerranée. Au cours d’un repas auquel j’étais convié, j’ai entendu qu’on le lui faisait délicatement remarquer.
Il reste qu’aujourd’hui, si l’on doit évoquer la particularité atlantique du Maroc, c’est le projet d’Union méditerranéenne qui est essentiel. Depuis qu’en Algérie Nicolas Sarkozy en a évoqué l’idée, les manifestations d’intérêt se sont multipliées. C’est d’autant plus significatif à souligner que les utopies et leurs échecs se sont succédé. François Mitterrand, pour le citer à nouveau, avait caressé l’idée, avec Jack Lang et Jacques Berque, d’une fédération des riverains de la Méditerranée. C’était avant l’époque des conflits majeurs. Il y a eu ensuite le projet de Barcelone, cher à Jacques Delors et qui s’est heurté à un obstacle principal : l’impossibilité, pour les pays du Maghreb, de constituer entre eux une véritable union.
Nous en sommes maintenant à l’idée d’une union d’abord économique entre les cinq pays du sud : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie, et les cinq pays du nord : Portugal, Espagne, Italie, France et Grèce. Depuis, les rapports sont nombreux et le « Cercle des économistes » s’est adossé à l’autorité d’Hubert Védrine pour intervenir dans le débat public sous la forme d’un livre (1).
Reste que s’il est un projet dont je ne souhaite pas que Nicolas Sarkozy et les siens le gâchent par une série de gestes maladroits, d’initiatives brusquées et d’impatiences grossières, c’est bien ce projet d’Union méditerranéenne qui constitue tout simplement l’avenir de l’Europe. Jean Daniel
(le mardi 23 octobre 2007)
NOUVELOBS.COM | 23.10.2007 | 12:06
S’IL EST une maladresse que je ne souhaite pas, c’est en tout cas celle que pourrait faire Nicolas Sarkozy dans un pays qui m’est cher : le Maroc. Je me souviens d’une note diplomatique que j’avais eue entre les mains avant le départ de François Mitterrand pour Rabat. On lui recommandait de ne pas oublier les singularités de ce que l’on appelle encore parfois l’empire chérifien :
1) le pays est profondément berbère et cette dimension survit chez les plus arabisés ;
2) les Marocains n’ont jamais été occupés par les Ottomans et ils en tirent fierté ;
3) ils ont vaincu l’Espagne et, à Grenade, on peut voir l’Alhambra, l’un des plus beaux palais de la Méditerranée ;
4) leur dynastie est l’une des plus anciennes de l’Occident, le souverain est "Commandeur des croyants", c’est-à-dire descendant direct du Prophète ;
5) enfin, le pays est entièrement tourné vers l’Atlantique et c’est ce qui le distingue des autres pays du Maghreb. C’est ce dernier point que François Mitterrand avait négligé en parlant toujours de Méditerranée. Au cours d’un repas auquel j’étais convié, j’ai entendu qu’on le lui faisait délicatement remarquer.
Il reste qu’aujourd’hui, si l’on doit évoquer la particularité atlantique du Maroc, c’est le projet d’Union méditerranéenne qui est essentiel. Depuis qu’en Algérie Nicolas Sarkozy en a évoqué l’idée, les manifestations d’intérêt se sont multipliées. C’est d’autant plus significatif à souligner que les utopies et leurs échecs se sont succédé. François Mitterrand, pour le citer à nouveau, avait caressé l’idée, avec Jack Lang et Jacques Berque, d’une fédération des riverains de la Méditerranée. C’était avant l’époque des conflits majeurs. Il y a eu ensuite le projet de Barcelone, cher à Jacques Delors et qui s’est heurté à un obstacle principal : l’impossibilité, pour les pays du Maghreb, de constituer entre eux une véritable union.
Nous en sommes maintenant à l’idée d’une union d’abord économique entre les cinq pays du sud : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie, et les cinq pays du nord : Portugal, Espagne, Italie, France et Grèce. Depuis, les rapports sont nombreux et le « Cercle des économistes » s’est adossé à l’autorité d’Hubert Védrine pour intervenir dans le débat public sous la forme d’un livre (1).
Reste que s’il est un projet dont je ne souhaite pas que Nicolas Sarkozy et les siens le gâchent par une série de gestes maladroits, d’initiatives brusquées et d’impatiences grossières, c’est bien ce projet d’Union méditerranéenne qui constitue tout simplement l’avenir de l’Europe. Jean Daniel
(le mardi 23 octobre 2007)
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