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Leçon de choses sur la bonne gouvernance

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  • Leçon de choses sur la bonne gouvernance

    Le Danemark si loin de l’Algérie

    Essayez de vous imaginer en tant que gérant d’une entreprise dans un pays où l’impôt effectif dépasse les 60%, où la TVA fixée pour tous les produits et services est située à 25%, en plus des taxes de luxe (tabac, alcool) ou des taxes pour la protection de l’environnement, et où pour l’achat d’une voiture vous payez presque 200% de taxes additionnelles.


    Et l’Etat attend que vous fassiez des efforts, notamment votre engagement volontaire pour l’emploi de chômeurs qui, sans cela, sont pris en charge par les services sociaux publics. Ce pays est le Danemark, et ça marche ! » C’est en ces termes que le représentant d’une grande entreprise danoise a introduit son allocution lors de la conférence « Perspectives de l’entreprise citoyenne dans la nouvelle économie », tenue il y a déjà quelques années au Centre de Copenhague. Sa description est toujours valable en 2007. Le Doing Business 2008, qui est un thème d’actualité en Algérie, classe le Danemark à la 5e place mondiale, un pays qui est donc déjà l’un des pionniers de la nouvelle économie. Les entreprises danoises n’ont jamais réalisé depuis lors d’aussi bons résultats, alors que le salaire minimum se situe autour de 8 dollars américains l’heure, que le taux de chômage est l’un des plus bas d’Europe. Si environ 25% des personnes d’âge actif sont hors emploi et obtiennent des revenus de la protection sociale, le PIB par habitant est supérieur à celui de la France (51 700 dollars US contre 36 550 Mds d’euros) et même des Etats-Unis d’Amérique (44 970), des Emirats arabes unis (26 147), alors que celui de l’Algérie peine à 3 030. Quel est le secret de cette prodigieuse réussite faisant du Danemark un Etat-providence moderne ? Les citations les plus courantes à propos du Danemark et des Danois sont empruntées à Shakespeare, dont le cliché éculé a trait à la mélancolie et à l’indécision de Hamlet, et à cette fausse tirade : « Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark. » Non, au Danemark, il y a des leçons que nous devons apprendre. Le gouvernement danois reçoit régulièrement des délégations de ministres européens attirés par ce secret. Citons l’éloge français au Danemark : le ministre français du Travail Jean-Louis Borloo faisait, dès septembre 2004, une référence très explicite au modèle danois comme source d’inspiration privilégiée pour mettre en place des solutions « novatrices » (1). Il a été suivi depuis lors par de nombreux ministres et personnalités (2) ainsi que par des missions (3). L’éloge n’est pas restreint au modèle social danois, puisqu’il s’étend de domaines allant du commerce au développement durable (4). Citons aussi l’OCDE qui avait, dès 1995, fait l’éloge des stratégies danoises (Jobs Strategy) et l’a renouvelé en juillet 2004 (5). L’unique critique du modèle danois que nous avons entendue insiste sur son coût dissuasif du point de vue des dépenses publiques. Il est évident qu’un tel système de partage des tâches ait un prix élevé. On le devine du taux de l’impôt et de l’existence d’une frange de plus en plus importante de la population en retraite ou en préretraite. Mais c’est de balance qu’il faut parler, car les avantages tirés sont précieux et... rentables à long terme. D’ailleurs, l’organisation scandinave Samak faisait en 1999 référence à cette idée de coût par la voix de l’ancien ministre des Finances suédois puis directeur général de la DG Emploi de la Commission européenne, Allan Larsson, dans une communication au Wissenschaftzentrum de Berlin (WZB), intitulée « What can we learn from Denmark ? ». Sa conclusion combat l’idée que de basses prestations d’indemnisation chômage favorisaient la recherche d’emploi : l’inverse était empiriquement observé au Danemark (et en Suède) (6). Pour parler du secret de la réussite danoise, certains ont tenté, pour en expliquer le système, d’avancer l’idée d’un « socialisme scandinave ». Les Danois expliquent leur réussite par la bonne gouvernance. La clé de réussite de ses entreprises, c’est leur responsabilité sociétale (ci-après RS des Entreprises ou RSE). Essayons une description analytique : Le Danemark, c’est une presqu’île (Jylland – prononcer Youlàn, dont le prince mythique, Hamlet, est le héros de la pièce de Shakespeare To be or not to be, that is the question) adossée au nord de l’Allemagne et quelque 500 îles, dont Sjælland (prononcer Chillàn) où se situe Copenhague. La surface du Danemark est réduite avec une population qui dépasse à peine les 5 millions d’habitants, avec une densité de 125 habitants au kilomètre carré en raison d’une urbanisation planifiée et concertée démocratiquement. Le Danemark n’a pas de montagnes ni même de collines notables, la plus haute du pays (148 m) s’appelle la Montagne du Ciel ! Le pays n’a donc aucun potentiel hydroélectrique. Les ressources naturelles ne sont pas nombreuses et le climat est pire que celui de l’Angleterre. Il pleut en juillet et la température moyenne est de 7,8°C (3 en janvier). Pourtant, il a développé sa capacité énergétique grâce à l’éolien, la biomasse, la paille et le bio-gaz, lesquels produisent plus de 30% de son électricité (contre 7% il y a une dizaine d’années). Cela ne signifie pas que d’autres sources ne sont pas exploitées. Le Danemark dispose de plus d’installations de captation de l’énergie solaire que l’Algérie. Il est vrai qu’il n’est pas handicapé par le coût de son entretien (poussière !). Le Danemark est exportateur net de courant électrique, et a interdit il y a 12 ans la construction de nouvelles centrales à charbon ou à gaz sans récupération de chaleur, avant même le Protocole de Kyoto (ouvert à la ratification des Etats seulement en mars 1998). Il est exportateur de biens et de services liés à l’énergie, triplant sa part du marché mondial de ce secteur (8% du marché mondial) soit un bilan net qui dépasse les 8 milliards d’euros. Prenons des paramètres sociaux : L’usage du mobile, du computer et d’Internet est généralisé. Dans son discours de fin d’année 2001, la reine Margrethe demandait qu’un effort soit fait en direction des personnes âgées pour qu’elles puissent jouir du computer et d’Internet. Avec ses 5 millions d’habitants, le Danemark a plus d’adresses e-mail et de sites Web que tout le monde arabe réuni. Peu de pays dépensent pour l’éducation autant que le Danemark.

    Un peuple discipliné

    Le travail en commun est une tradition danoise bien implantée. C’est toujours le groupe qui réussit ou qui échoue. Le travail en réseau utilisant les technologies de communication est pratiqué par 90% des entreprises danoises, qui sont, avec quelques exceptions, petites et moyennes en général.
    Le marché du travail : Un travailleur qui n’est pas productif à 100% peut aisément être licencié, sans coût excessif pour l’employeur. C’est l’Etat qui prend en charge les sans-revenus avec les caisses d’assurance chômage. En raison de la faible inégalité des salaires après impôt (taux fiscal proportionnel comparativement élevé, ainsi peu de gens sont trop riches et encore moins trop pauvres), la différence entre le fait d’être au chômage indemnisé (en activation ou non) et le fait d’être en emploi reste modérée selon les standards européens. Le modèle danois du marché du travail tient, non pas seulement dans la flexibilité des contrats, mais dans l’universalité des règles qui s’appliquent aux liens juridiques. Que ce soit dans le secteur public ou privé, les règles de droit du travail, de protection contre le licenciement, de préavis, de temps de travail, etc., sont globalement les mêmes, décidées par le jeu des équivalents de conventions collectives négociées et des accords d’entreprise. Les arrangements institutionnels ou triangle d’or (7) organisent la cohérence du système qui prend en considération aussi bien la protection sociale, le droit du travail, le système de relations professionnelles et les politiques de l’emploi. Ce système, combinant des politiques adaptées, fait du marché danois du travail un marché très flexible où ceux qui travaillent sont ceux qu’il faut, et ils le font bien. La culture danoise : Les Danois constituent un peuple discipliné. Un signe : il existe des pistes cyclables sur tous les grands axes des principales villes, respectées par les automobilistes autant que par les piétons, et personne ne traverse la rue au feu rouge ! Le Danois déteste l’oisiveté, être sans travail, d’être à la charge de l’Etat ou d’une caisse de chômage (8). Il considère que c’est une atteinte à sa dignité. Le travail n’est pas gagner sa vie seulement, c’est avoir le moyen de garder cette dignité. Historiquement, lorsqu’au début du siècle passé le service social prenait en charge quelqu’un, ce dernier perdait son droit de vote. Bien que cette restriction ait été levée depuis des décennies, le sentiment d’indignité attaché à la perte de l’emploi reste très fort. Les Danois ne craignent pas de douter de leur propre valeur, en raison probablement de cette tradition des dix « négations » : tu ne dois pas croire que tu es quelqu’un, que tu sais mieux... que les jeunes appliquent de moins en moins. Mais tous aiment leur patrie, probablement parce que tous les poètes et peintres danois décrivent leur pays depuis deux siècles avec une émotion amoureuse. L’Etat mène une politique culturelle forte, avec aide nationale substantielle, et les institutions culturelles sont indépendantes (comme l’Institut du cinéma) (9). Même si le marché reste dominé à plus de 60% par le cinéma américain, le Danemark, avec sa population cinéphile, a une production annuelle de 20 à 30 longs métrages de fiction lui rapportant de nombreux titres (par exemple l’oscar au Festin de Babette de Gabriel Axel et le doublé de Bille August qui a obtenu la palme et l’oscar pour Pelle le conquérant).
    (A suivre)


  • #2
    Suite

    Notes de renvoi

    1) Document du ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, « Plan de cohésion sociale », p. 9, chapitre 1, 2004.
    2) En octobre 2004, le ministre délégué aux Relations du travail, Gérard Larcher, était reçu à Copenhague par les syndicats et le patronat danois. De retour en France, il s’appuyait à plusieurs reprises sur l’exemple danois lors du débat parlementaire à propos de la loi de programmation de cohésion sociale. Voir séance du 2 novembre 2004 (texte sur le site web du Sénat) : « Au Danemark, depuis 1896, les partenaires sociaux dialoguent sans s’invectiver mutuellement. Le dialogue social est aussi la priorité que notre gouvernement veut mettre en œuvre... Nous évoquions tout à l’heure l’exemple du Danemark : dans ce pays, le parcours de retour vers l’emploi de 60% des hommes et des femmes les plus éloignés de l’emploi s’effectue directement dans des entreprises du secteur marchand ».
    3) Celle parlementaire conduite par M. Méhaignerie a produit un rapport d’une trentaine de pages sur l’emploi au Danemark : voir Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark, n°1913, Assemblée nationale, 9 novembre 2004.
    4) En janvier 2006, Mme Blandine Kriegel, présidente du Haut Conseil à l’Intégration et en juin de la même année de Mme Lagarde, ministre déléguée au Commerce extérieur rendent visite au Danemark, tout comme en août 2005 Mme Nelly Olin, ministre de l’Ecologie et du Développement durable l’avait fait.
    5) Perspective de l’emploi au sujet de « triangle d’or » de la réussite du Danemark, Pp. 108-109.
    6) « As Denmark has the highest share of social protection, 10,5%22, and the smallest share of the working age population out of work, 22,5%, Denmark combines the most successful employment policy with the most powerful redistribution system among all the Member States. This is confirmed by comparisons of income distribution in the Member States, where Denmark has the lowest degree of people living below the poverty line (households below 50% of average income) ».
    7) La cohésion des arrangements institutionnels s’appuie sur la confiance installée depuis longtemps, avec des racines dans le compromis de septembre 1899 (Septemberforliget) conclu entre les deux principales organisations, DA (Dansk Arbejdgiverforeningà, l’organisation patronale principale et LO (Landsorganisationen ; Danemark) l’organisation syndicale très majoritaire.
    8) Les caisses de l’assurance chômage sont gérées par les syndicats. Les Danois sont affiliés à 85% à de telles caisses, qui distribuent des allocations financées par l’Etat et par les cotisations des membres.
    9) Le Danske Filminstitut propose des aides sélectives (écriture de scénario, développement de projet, réalisation) et une aide automatique à la production selon un système d’avance sur recettes réservé aux films à visées commerciales. Il permet de compléter 60% du budget si le producteur peut en couvrir 40%.

    Ibrahim Taouti, El Watan

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