Sortis de leurs déserts au lendemain de la mort du fondateur de l'islam (632) et rapidement maîtres d'immenses territoires s'étendant de l'Espagne à l'Asie centrale, les Arabes n'avaient pas de grandes traditions artistiques et n'amenaient avec eux que leur religion, leur littérature et leur mentalité sémitique. Pour créer leur civilisation, une civilisation qui s'avérera puissante et originale, ils ne pouvaient que puiser dans l'immense stock culturel des sols sur lesquels ils s'étaient implantés, dans l'Antiquité classique et sassanide, dans l'Égypte copte, le christianisme byzantin et syrien, le mazdéisme iranien. Dans le domaine de la peinture qui fait l'objet de cette étude, on entend ainsi par peinture arabe la peinture réalisée sur quelque support que ce soit non seulement par des Arabes, qui s'y sont adonnés assez tard, mais aussi par tous ceux qui, n'étant pas Arabes, ont œuvré pour des Arabes dans le cadre de la civilisation arabe.
La mosaïque
Bien que la mosaïque ne soit pas à proprement parler de la peinture on peut la considérer comme telle parce que, comme elle, elle utilise les lignes et les couleurs et suppose des cartons préalables. Au Dôme du Rocher, le tambour de la coupole, les écoinçons et les frises du déambulatoire présentent des motifs végétaux variés, en or et bleu vert avec des touches de noir, de blanc et de rouge, arrangés dans des vases ou des cornes d'abondance, des arbres portant fruits, de grandes fleurs qui jaillissent à la verticale et des bijoux, en particulier des couronnes byzantines et iraniennes, ces dernières dévoilant des influences orientales inconnues des Byzantins et qui dénoncent l'intervention d'artistes syriens, maîtres mosaïstes s'il en fut.
Il n'y aucune trace de présence iranienne à la Grande Mosquée de Damas où tous les artistes étaient venus de Constantinople. Ils avaient intégralement revêtu l'édifice d'un manteau de mosaïques, malheureusement en grande partie détruit : Il n'en reste plus que des vestiges, d'ailleurs éblouissants, sur la porte du transept – partiellement refaite – et dans le portique occidental. On y retrouve les vases et les feuilles d'acanthe de Jérusalem, mais le thème dominant est un paysage urbain traité en perspective, composé de pavillons isolés et de vastes ensembles architecturaux entourés de verdure et baignés par des eaux calmes ou agitées, où l'absence de tout être vivant, de toute fortification donne une impression à la fois de solitude et de paix. Après avoir voulu découvrir dans ces paysages des représentations de la Damas antique, on a fini par voir en eux, comme le disaient les textes arabes, celles « de tous les pays connus ».
C'est le château de Khirbat al-Mafdjar (742-743) qui nous livre, à côté de maints fragments presque tous à décor géométrique et d'inspiration à la fois iranienne, byzantine, romaine, ce qui peut-être le chef-d'œuvre non seulement de la mosaïque arabe, mais universelle. Situé dans la salle d'audience du bain, c'est un grand tableau dont le centre est occupé par un immense arbre entouré de chétifs arbustes, sous les branches duquel figurent, d'un côté un lion qui assaille une gazelle, de l'autre deux gazelles dont l'une broute paisiblement, tandis que l'autre dresse et tourne la tête comme si elle pressentait un danger. C'est un vieux thème que celui du « combat d'animaux » appartenant à l'art des steppes, mais aussi traité en Égypte pharaonique et à Persépolis. Rarement pourtant artiste a su le charger de tant d'intensité de vie, aller bien au-delà de la vision de la simple empoignade.
L'art de la mosaïque, contrairement à ce que l'on a dit, ne disparut pas en quelques décennies puisqu'on en a encore des témoignages au Xe siècle à Mahdiya, en Tunisie – fragments à décors géométriques, plus rarement floraux ou animés, conservés au Musée du Bardo à Tunis et au Musée de Berlin – et à la madrasa Zahiriya de Damas en 1277 – où il s'avère d'ailleurs assez médiocre – mais il entra en décadence et les artistes se firent rares, si rares qu'en 965 le calife de Cordoue dut demander au basileus de lui en envoyer un pour qu'il décore le mihrab de sa Grande Mosquée. On raconte que celui que le César byzantin dépêcha forma une équipe avec des ouvriers locaux. C'est plausible car rien dans la composition admirable où l'or et le bleu dominent n'est spécifiquement byzantin et la frise épigraphique qui donne la date ne peut guère être sortie que de la main d'un musulman...
Toi be continued ...
La mosaïque
Bien que la mosaïque ne soit pas à proprement parler de la peinture on peut la considérer comme telle parce que, comme elle, elle utilise les lignes et les couleurs et suppose des cartons préalables. Au Dôme du Rocher, le tambour de la coupole, les écoinçons et les frises du déambulatoire présentent des motifs végétaux variés, en or et bleu vert avec des touches de noir, de blanc et de rouge, arrangés dans des vases ou des cornes d'abondance, des arbres portant fruits, de grandes fleurs qui jaillissent à la verticale et des bijoux, en particulier des couronnes byzantines et iraniennes, ces dernières dévoilant des influences orientales inconnues des Byzantins et qui dénoncent l'intervention d'artistes syriens, maîtres mosaïstes s'il en fut.
Il n'y aucune trace de présence iranienne à la Grande Mosquée de Damas où tous les artistes étaient venus de Constantinople. Ils avaient intégralement revêtu l'édifice d'un manteau de mosaïques, malheureusement en grande partie détruit : Il n'en reste plus que des vestiges, d'ailleurs éblouissants, sur la porte du transept – partiellement refaite – et dans le portique occidental. On y retrouve les vases et les feuilles d'acanthe de Jérusalem, mais le thème dominant est un paysage urbain traité en perspective, composé de pavillons isolés et de vastes ensembles architecturaux entourés de verdure et baignés par des eaux calmes ou agitées, où l'absence de tout être vivant, de toute fortification donne une impression à la fois de solitude et de paix. Après avoir voulu découvrir dans ces paysages des représentations de la Damas antique, on a fini par voir en eux, comme le disaient les textes arabes, celles « de tous les pays connus ».
C'est le château de Khirbat al-Mafdjar (742-743) qui nous livre, à côté de maints fragments presque tous à décor géométrique et d'inspiration à la fois iranienne, byzantine, romaine, ce qui peut-être le chef-d'œuvre non seulement de la mosaïque arabe, mais universelle. Situé dans la salle d'audience du bain, c'est un grand tableau dont le centre est occupé par un immense arbre entouré de chétifs arbustes, sous les branches duquel figurent, d'un côté un lion qui assaille une gazelle, de l'autre deux gazelles dont l'une broute paisiblement, tandis que l'autre dresse et tourne la tête comme si elle pressentait un danger. C'est un vieux thème que celui du « combat d'animaux » appartenant à l'art des steppes, mais aussi traité en Égypte pharaonique et à Persépolis. Rarement pourtant artiste a su le charger de tant d'intensité de vie, aller bien au-delà de la vision de la simple empoignade.
L'art de la mosaïque, contrairement à ce que l'on a dit, ne disparut pas en quelques décennies puisqu'on en a encore des témoignages au Xe siècle à Mahdiya, en Tunisie – fragments à décors géométriques, plus rarement floraux ou animés, conservés au Musée du Bardo à Tunis et au Musée de Berlin – et à la madrasa Zahiriya de Damas en 1277 – où il s'avère d'ailleurs assez médiocre – mais il entra en décadence et les artistes se firent rares, si rares qu'en 965 le calife de Cordoue dut demander au basileus de lui en envoyer un pour qu'il décore le mihrab de sa Grande Mosquée. On raconte que celui que le César byzantin dépêcha forma une équipe avec des ouvriers locaux. C'est plausible car rien dans la composition admirable où l'or et le bleu dominent n'est spécifiquement byzantin et la frise épigraphique qui donne la date ne peut guère être sortie que de la main d'un musulman...
Toi be continued ...
Jean-Paul Roux,
Directeur de recherche honoraire au CNRS Ancien professeur titulaire de la section d'art islamique à l'École du Louvre
Directeur de recherche honoraire au CNRS Ancien professeur titulaire de la section d'art islamique à l'École du Louvre
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