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Les pulsars: 40 ans de surprises

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  • Les pulsars: 40 ans de surprises

    Jocelyn Bell Burnell l'astrophysicienne qui a découvert en 1967 des sources radio provenant d'étoiles à neutrons raconte les progrès de sa discipline.

    Découvrir un nouvel objet dans l'Univers ressemble beaucoup à une belle descente de ski. Nous émergeons le matin du refuge d'altitude, sentons bientôt le sol déraper un peu sous nos pieds, et c'est parti. Nous dévalons en sentant qu'un nouveau chemin s'offre à nous, loin du refuge et de son confort.

    D'autres skieurs sont avec nous et manifestent leur joie quand la descente prend un bon rythme. Les repères défilent. Des embranchements, des variantes que l'on n'explorera pas. Parfois, les arbres s'écartent, un nouveau paysage se découvre, nous le parcourons chacun à notre manière. C'est une longue descente, la pente est encore raide et le fond de la vallée nous paraît toujours plus loin. Ce fut la même chose avec la découverte puis l'étude des étoiles à neutrons tournant sur elles-mêmes, les pulsars.

    Cela fait quarante ans que les étoiles à neutrons, sous la forme d'étoiles à pulsation radio appelées pulsars, ont été découvertes. À l'université de Cambridge, mon collègue et moi-même avions construit un radiotélescope en reliant un millier de poteaux en bois avec plusieurs centaines de kilomètres de fil de fer. Notre objectif était de détecter des quasars, des sources de rayonnement connues pour être les objets les plus éloignés que l'on puisse détecter. Plusieurs mois d'études des enregistrements me permirent de déceler une série de pulsations radio régulières au milieu d'un important bruit de fond. Après avoir écarté des interférences radio ou une anomalie de l'installation, il devint clair que nous étions en présence d'étoiles à neutrons qui ont un faible rayon mais une grande masse. Petit à petit, la signification de cette découverte se fit jour, et continue à grandir encore aujourd'hui.

    La haute densité régnant à l'intérieur des étoiles à neutrons, comparable à celle du noyau d'un atome (imaginez la population mondiale dans un dé à coudre) a permis d'intéressantes études en physique de la matière condensée. Nous comprenons maintenant la physique des couches externes d'une étoile à neutrons, mais pas encore ce qu'il y a en son centre.

    Nous savons maintenant que les pulsars se comportent comme des phares cosmiques, balayant le ciel dans leur rotation avec leur faisceau d'onde radio. Lorsque ce dernier atteint la Terre, les radiotélescopes captent une pulsation. Les pulsars font moins de 20 km de diamètre et tournent en général plusieurs fois sur eux-mêmes en une seconde. Le plus rapide fait 700 tours par seconde, ce qui est stupéfiant quand on pense qu'ils ont une masse d'un milliard de milliards de milliards de tonnes. Une fois qu'un corps de cette masse s'est mis à tourner, il prendra beaucoup de temps à changer sa vitesse de rotation, ce qui garantit une pulsation très régulière : le pulsar est une excellente horloge.

    L'existence de ce type d'horloge a ouvert le champ de la relativité expérimentale. En utilisant des pulsars, des chercheurs ont découvert le rayonnement gravitationnel qu'avait prédit Einstein. Cette précision dans le temps se manifeste aussi lorsqu'un pulsar est dans un système d'étoiles binaire et tourne en compagnie d'une autre étoile. Ces systèmes ont aussi permis de mesurer d'autres phénomènes annoncés par la théorie de la relativité générale et de la confirmer avec une précision de 0,05 %.

    Découvertes ahurissantes


    Bien que nous comprenions la précision des pulsars, nous ne savons pas encore par quel mécanisme ils émettent leurs ondes radio. Pas plus que nous ne nous expliquons le ralentissement de leur rotation, une seconde en général depuis l'extinction des dinosaures. De plus, sans que l'on sache pourquoi, certains pulsars ont parfois des « à-coups » où ils accélèrent brusquement.

    Les astronomes travaillant dans les longueurs d'ondes des rayonnements de hautes énergies X et gamma ont, de leur côté, trouvé des objets comme les pulsars, mais qui sont le plus souvent silencieux du point de vue radio. Les champs magnétiques des pulsars seraient énormes, un million de millions de fois celui de la Terre, mais ceux de certains à rayons X ou gamma, les magnétars, sont encore mille fois plus importants.

    Et c'est ainsi que nous sommes passés de résultats incroyables en découvertes ahurissantes. Le domaine a 40 ans, mais ne montre aucun signe d'essoufflement. En ce moment, il semble que nous soyons dans une période de découverte de pulsars « particuliers ». Des cas plutôt inattendus pour être honnêtes, de pulsars ou d'étoiles à neutrons qui nous laissent penser que nous avons sérieusement sous-estimé leur nombre dans la Galaxie. Nous avons ainsi des pulsars intermittents, plus souvent au repos qu'actifs. Nous devons aussi revoir nos connaissances sur les explosions de supernova, à l'origine des étoiles à neutrons.

    Quarante ans est la durée approximative de la carrière d'un scientifique et ceux qui avaient rejoint le domaine en tant qu'étudiants arrivent maintenant à l'âge de la retraite. La communauté des chercheurs est toutefois jeune et pleine d'énergie, très bien dirigée, et continuera donc à s'épanouir. Les grands radiotélescopes dont elle se sert existaient déjà presque tous lorsque les pulsars furent découverts, bien que les moyens utilisés pour la réception et le calcul se soient énormément améliorés. Mais si tant de choses peuvent être accomplies avec des télescopes vieux d'un demi-siècle, que nous réserve la nouvelle génération de ces instruments comme le projet Square Kilometer Array et ses précurseurs ?

    Cet article est paru dans la revue internationale « Science », éditée par l'Association américaine pour l'avancement des sciences (AAAS). Traduction de Pierre Kaldy pour « Le Figaro ».
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