Les relations hispano-marocaines à l¹épreuve (11/6/2007)
Plus de cinquante ans après son indépendance, le Maroc ne semble toujours pas près de parachever son intégrité territoriale et de mettre fin à un des vestiges du colonialisme espagnol au nord de son espace géographique. Malgré toutes les tentatives des autorités marocaines pour amener leurs homologues espagnoles à oeuvrer pour trouver une solution équitable à cette question, ces dernières semblent déterminées à pérenniser leur présence sur Sebta et Melillia et à donner une fin de non recevoir à toutes les revendications marocaines.
Et la visite effectuée à ces deux enclaves par le monarque espagnol, Juan Carlos, ne fait que confirmer encore une fois que les autorités espagnoles sont décidées à faire la sourde oreille aux revendications marocaines et à persister à nier l¹existence même d¹une contentieux entre les deux pays à leur sujet. Bien plus, ajoutée à celle effectuée par le chef de l¹exécutif espagnol, José Luis Rodrigues Zapatero, en janvier 2006, cette visite constitue un tournant dans l¹histoire du contentieux de Sebta et Melillia. En effet, dès l¹aube de l¹indépendance du Maroc, en passant par l¹avènement de la démocratie en Espagne, il y avait comme une sorte d¹accord tacite entre les autorités espagnoles et marocaines. En effet, conscients des revendications marocaines et de la sensibilité des Marocains devant tout acte politique susceptible de confirmer l¹appartenance de ces deux enclaves à l¹Espagne, le chef de l¹Etat et les présidents du gouvernement espagnol - à l¹exception du premier Président de l¹Espagne démocratique Adolfo Suárez - se sont toujours bien gardés d¹y effectuer des visites officielles. Ce fut ainsi le cas respectivement de Felipe González1, ainsi que de José María Aznar, lequel même s¹il avait visité ces deux présides en 1995 et en 2000, le fit pendant la campagne électorale sous l¹étiquette du président du Partit Populaire.
L¹enjeu politique de la visite
de Juan Carlos
Alors que les deux pays vivaient depuis plus de 3 ans dans une période d¹embellie de leurs relations, que leur coopération bilatérale à tous les points de vue semblait en voie de prendre sa véritable vitesse de croisière, comment peut-on interpréter cette visite à Sebta et Melillia, qualifiée unanimement par la presse marocaine de geste inamical et de provocation à l¹égard du peuple marocain ? Quel enseignement peut-on tirer de cette visite en ce qui concerne l¹avenir de ce contentieux qui n¹en finit pas d¹assombrir l¹horizon des relations hispano-marocaines ? Enfin, en sachant que l¹Espagne est à la veille des élections législatives (mars 2008), dans quelle mesure cet événement pourrait être exploitée par la classe politique espagnole (PSOE et PP) pendant la campagne électorale pour capter le maximum de voix ?
D¹aucuns ont interprété cette visite comme un signe de mécontentement des autorités espagnoles devant l¹accueil chaleureux réservé par le Maroc au Président français, Nicolas Sarkozy, et les contrats juteux que Rabat a signés avec les entreprises françaises, ainsi que devant l¹élargissement du port de Tanger Med et les répercussions négatives qu¹il pourrait entraîner sur la viabilité économique de Sebta et Melillia.
Mais à n¹en pas douter, vu le timing de la visite du Roi Juan Carlos, à la veille de la célébration par le Maroc du 32e anniversaire de la Marche Verte, les autorités espagnoles cherchent à transmettre un message clair et ferme à leurs homologues marocaines. Ainsi, les Espagnols signifient aux Marocains que si en 1975 ils profitèrent de l¹instabilité que traversait l¹Espagne, en raison de la mort imminente de Franco, pour la prendre de court et la mettre devant le fait accompli, il n¹en sera pas de même pour Sebta et Melillia. Dans le même temps, en vue des élections législatives qui approchent, le chef de l¹exécutif espagnol saisit cette opportunité pour faire taire les critiques de tous ceux qui l¹accusent de pusillanimité dans son traitement de cette question avec le Maroc, et empêcher ainsi le PP d¹avoir l¹exclusivité de se poser en défenseur acharné de l¹intégrité territoriale et des intérêts stratégiques de tous les Espagnols, y compris ceux de Sebta et Melillia.
Suivant cette logique, et prenant en compte le tournant qu¹a pris ce contentieux avec la visite du chef de l¹Etat espagnol, on peut s¹attendre, dans les années à venir, à voir les autorités espagnoles franchir un nouveau cap dans la consolidation de l¹appartenance de ces deux enclaves à l¹Espagne. Ainsi, après la promulgation en 1995 d¹un nouveau Statut d¹autonomie qui dota Sebta et Melillia de larges compétences administratives, mais sans pour autant les mettre sur un pied d¹égalité avec les autres Communautés autonomes espagnoles, il y a fort à parier que les autorités de Madrid vont élaborer un nouveau statut qui les transformerait pleinement en Communautés autonomes.
Dans cette optique, et étant donné que Sebta et Melillia sont un important réservoir de voix pendant toute campagne électorale, il semble plus qu¹évident qu¹elles seront au c¦ur des sujets que les deux acteurs majeurs de la scène politique espagnole vont instrumentaliser pour gagner la confiance des électeurs. Dans cette perspective, il faudrait s¹attendre à voir les deux partis aller loin dans la surenchère pour se présenter en meilleurs défenseurs de l¹intégrité territoriale espagnole. Sachant que «le Maroc» est une question de politique intérieure en Espagne, et que parler mal de ce pays et fustiger la prétendue perfidie des ses responsables rapporte toujours des voix aux responsables politiques, notamment à ceux de la droite, il ne fait aucun doute qu¹il sera présent pendant la campagne électorale de 2008, que ce soit à travers la question de Sebta et Melillia ou à travers celle de l¹immigration, sans oublier, bien entendu la question du Sahara.
À la lumière de ce qui précède, quelle attitude devraient adopter les dirigeants marocains pour amener les autorités espagnoles à tenir compte de leurs revendications et de leurs droits historiques sur Sebta et Melillia ? Doivent-ils suivre la même stratégie qui a consisté à ne revendiquer la récupération de ces territoires que de façon circonstancielle, ou devraient-ils plutôt faire de cette question une des priorités de leur politique étrangère ? Si tel est le cas, de quels atouts pourraient-ils se prévaloir pour internationaliser cette question et amener, enfin, les autorités espagnoles à envisager l¹ouverture de négociations à leur sujet ?
Plus de cinquante ans après son indépendance, le Maroc ne semble toujours pas près de parachever son intégrité territoriale et de mettre fin à un des vestiges du colonialisme espagnol au nord de son espace géographique. Malgré toutes les tentatives des autorités marocaines pour amener leurs homologues espagnoles à oeuvrer pour trouver une solution équitable à cette question, ces dernières semblent déterminées à pérenniser leur présence sur Sebta et Melillia et à donner une fin de non recevoir à toutes les revendications marocaines.
Et la visite effectuée à ces deux enclaves par le monarque espagnol, Juan Carlos, ne fait que confirmer encore une fois que les autorités espagnoles sont décidées à faire la sourde oreille aux revendications marocaines et à persister à nier l¹existence même d¹une contentieux entre les deux pays à leur sujet. Bien plus, ajoutée à celle effectuée par le chef de l¹exécutif espagnol, José Luis Rodrigues Zapatero, en janvier 2006, cette visite constitue un tournant dans l¹histoire du contentieux de Sebta et Melillia. En effet, dès l¹aube de l¹indépendance du Maroc, en passant par l¹avènement de la démocratie en Espagne, il y avait comme une sorte d¹accord tacite entre les autorités espagnoles et marocaines. En effet, conscients des revendications marocaines et de la sensibilité des Marocains devant tout acte politique susceptible de confirmer l¹appartenance de ces deux enclaves à l¹Espagne, le chef de l¹Etat et les présidents du gouvernement espagnol - à l¹exception du premier Président de l¹Espagne démocratique Adolfo Suárez - se sont toujours bien gardés d¹y effectuer des visites officielles. Ce fut ainsi le cas respectivement de Felipe González1, ainsi que de José María Aznar, lequel même s¹il avait visité ces deux présides en 1995 et en 2000, le fit pendant la campagne électorale sous l¹étiquette du président du Partit Populaire.
L¹enjeu politique de la visite
de Juan Carlos
Alors que les deux pays vivaient depuis plus de 3 ans dans une période d¹embellie de leurs relations, que leur coopération bilatérale à tous les points de vue semblait en voie de prendre sa véritable vitesse de croisière, comment peut-on interpréter cette visite à Sebta et Melillia, qualifiée unanimement par la presse marocaine de geste inamical et de provocation à l¹égard du peuple marocain ? Quel enseignement peut-on tirer de cette visite en ce qui concerne l¹avenir de ce contentieux qui n¹en finit pas d¹assombrir l¹horizon des relations hispano-marocaines ? Enfin, en sachant que l¹Espagne est à la veille des élections législatives (mars 2008), dans quelle mesure cet événement pourrait être exploitée par la classe politique espagnole (PSOE et PP) pendant la campagne électorale pour capter le maximum de voix ?
D¹aucuns ont interprété cette visite comme un signe de mécontentement des autorités espagnoles devant l¹accueil chaleureux réservé par le Maroc au Président français, Nicolas Sarkozy, et les contrats juteux que Rabat a signés avec les entreprises françaises, ainsi que devant l¹élargissement du port de Tanger Med et les répercussions négatives qu¹il pourrait entraîner sur la viabilité économique de Sebta et Melillia.
Mais à n¹en pas douter, vu le timing de la visite du Roi Juan Carlos, à la veille de la célébration par le Maroc du 32e anniversaire de la Marche Verte, les autorités espagnoles cherchent à transmettre un message clair et ferme à leurs homologues marocaines. Ainsi, les Espagnols signifient aux Marocains que si en 1975 ils profitèrent de l¹instabilité que traversait l¹Espagne, en raison de la mort imminente de Franco, pour la prendre de court et la mettre devant le fait accompli, il n¹en sera pas de même pour Sebta et Melillia. Dans le même temps, en vue des élections législatives qui approchent, le chef de l¹exécutif espagnol saisit cette opportunité pour faire taire les critiques de tous ceux qui l¹accusent de pusillanimité dans son traitement de cette question avec le Maroc, et empêcher ainsi le PP d¹avoir l¹exclusivité de se poser en défenseur acharné de l¹intégrité territoriale et des intérêts stratégiques de tous les Espagnols, y compris ceux de Sebta et Melillia.
Suivant cette logique, et prenant en compte le tournant qu¹a pris ce contentieux avec la visite du chef de l¹Etat espagnol, on peut s¹attendre, dans les années à venir, à voir les autorités espagnoles franchir un nouveau cap dans la consolidation de l¹appartenance de ces deux enclaves à l¹Espagne. Ainsi, après la promulgation en 1995 d¹un nouveau Statut d¹autonomie qui dota Sebta et Melillia de larges compétences administratives, mais sans pour autant les mettre sur un pied d¹égalité avec les autres Communautés autonomes espagnoles, il y a fort à parier que les autorités de Madrid vont élaborer un nouveau statut qui les transformerait pleinement en Communautés autonomes.
Dans cette optique, et étant donné que Sebta et Melillia sont un important réservoir de voix pendant toute campagne électorale, il semble plus qu¹évident qu¹elles seront au c¦ur des sujets que les deux acteurs majeurs de la scène politique espagnole vont instrumentaliser pour gagner la confiance des électeurs. Dans cette perspective, il faudrait s¹attendre à voir les deux partis aller loin dans la surenchère pour se présenter en meilleurs défenseurs de l¹intégrité territoriale espagnole. Sachant que «le Maroc» est une question de politique intérieure en Espagne, et que parler mal de ce pays et fustiger la prétendue perfidie des ses responsables rapporte toujours des voix aux responsables politiques, notamment à ceux de la droite, il ne fait aucun doute qu¹il sera présent pendant la campagne électorale de 2008, que ce soit à travers la question de Sebta et Melillia ou à travers celle de l¹immigration, sans oublier, bien entendu la question du Sahara.
À la lumière de ce qui précède, quelle attitude devraient adopter les dirigeants marocains pour amener les autorités espagnoles à tenir compte de leurs revendications et de leurs droits historiques sur Sebta et Melillia ? Doivent-ils suivre la même stratégie qui a consisté à ne revendiquer la récupération de ces territoires que de façon circonstancielle, ou devraient-ils plutôt faire de cette question une des priorités de leur politique étrangère ? Si tel est le cas, de quels atouts pourraient-ils se prévaloir pour internationaliser cette question et amener, enfin, les autorités espagnoles à envisager l¹ouverture de négociations à leur sujet ?
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